
Trivela
·14. Mai 2025
Quand les connexions s’intensifient entre la Premier League et les clubs portugais

Trivela
·14. Mai 2025
À l’ère de la multi-propriété, plusieurs groupes possédant les plus grandes structures de Premier League ont pris le pari de poser leurs bagages au Portugal. Comment expliquer ce phénomène grandissant, et quelles en sont les conséquences sur l’identité des clubs portugais ?
La multi-propriété est à la mode. Intronisé dans le paysage du football professionnel depuis de nombreuses années, à travers notamment la stratégie de la famille Pozzo, qui a ajouté au fil du temps les clubs de Granada CF et de Watford FC à son héritage bâti sur la formation d’Udinese, ce schéma tend à se développer au fil des décennies. Un phénomène qui touche directement le Portugal, alors que de plus en plus de grandes structures économiques s’orientent vers la péninsule ibérique pour profiter d’un marché aux multiples avantages.
C’est notamment au sein du club d’Estoril que cette tendance a été initiée, au cours de l’année 2019. Copropriétaire de Crystal Palace, l’homme d’affaires nord-américain David Blitzer a en effet acquis une participation majoritaire au sein du club basé à quelques kilomètres de Lisbonne. Suite à cette opération, la formation portugaise a automatiquement été liée, tant sur son fonctionnement structurel qu’économique, à d’autres entités européennes, comme le FC Augsburg en Allemagne et le SK Beveren en Belgique, à travers le groupe Global Football Holdings.
Quelques mois plus tard, c’était au tour du Vitoria SC d’engager un contact direct avec un club de Premier League. Le Groupe V Sports, qui détient notamment Aston Villa, s’est ainsi offert une participation de 46% au sein du club portugais. Et si quelques mois plus tard, le groupe s’est en partie rétracté en réduisant considérablement ses parts, limitant ainsi sa représentation au sein du conseil d’administration du club portugais, des synergies sont, à ce jour, toujours présentes entre les deux formations.
Le club de Moreirense devrait également être prochainement intégré à cette politique de multipropriété, renforçant ainsi ses liens avec le football d’outre-Manche. C’est le propriétaire de Bournemouth, Bill Foley, qui, via le groupe Black Knight Football Club, est en passe d’acquérir la structure portugaise. Outre cette connexion évidente avec la formation anglaise de Bournemouth, cette opération pourrait exposer les Portugais à de nouveaux horizons, alors que le club néo-zélandais d’Auckland FC, la formation écossaise d’Hibernian FC et l’équipe française du FC Lorient figurent également au sein de ce groupe.
Mais comment expliquer ces choix stratégiques ? À vrai dire, le Portugal n’est pas le seul terrain de jeu des richissimes propriétaires de clubs anglais. En France, par exemple, l’ESTAC est détenu par le City Football Group, tandis que le RCA Strasbourg est quant à lui devenu la propriété du consortium américain BlueCo, qui possède, en premier lieu, le Chelsea FC.
Pour autant, il semblerait que le Portugal dispose d’avantages stratégiques non-négligeables qui en fait l’un des marchés privilégiés de ces groupes. D’une part, ce phénomène existe car la valorisation des clubs portugais est particulièrement basse par rapport à d’autres clubs basés dans les autres ligues principales d’Europe. Si on se réfère aux valeurs déboursées par V Sports lors du rachat des parts du Vitoria SC évoqué plus tôt, l’estimation de la valeur de ce club, qui fait pourtant partie des cinq formations les plus importantes du Portugal, ne dépasserait pas la cinquantaine de millions d’euros. À titre d’exemple, des clubs de Serie A comme le Genoa, estimé à 150 millions d’euros lors de son rachat par 777 Partners, ou encore le Hellas Vérone et ses 120 millions d’euros de valorisation, impliquent des coûts nettement supérieurs pour un accès aux grandes compétitions européennes jugé bien plus difficile.
Pour les clubs de Premier League, l’intérêt porté pour les autres ligues d’Europe réside également dans certains articles de lois propres au football britannique. En effet, depuis le Brexit, les joueurs étrangers doivent obtenir un permis de travail spécifique, appelé GBE (Governing Body Endorsment), pour pouvoir évoluer dans les clubs anglais. L’obtention de ce permis de travail peut notamment être facilité par la présence d’un joueur étranger au sein d’une structure européenne. En ce sens, les clubs européens qui disposent de liens privilégiés avec les mastodontes du football britannique pourraient, à terme, s’illustrer comme de véritables tremplins pour les joueurs étrangers, issus notamment du très prisé continent sud-américain.
Cette tendance ne semble donc pas prête de s’arrêter. Bien au contraire. Ce schéma plus actuel que jamais tend à devenir la norme au sein du football mondial, alors que le City Football Group ou encore le groupe Red Bull apparaissent comme des références d’un nouveau modèle viable, au sein d’un environnement toujours plus incertain.
Pour la majeur partie des clubs portugais, qui souffrent notamment d’une redistribution des droits télévisés particulièrement inégale au sein de ses championnats professionnels, le rachat des clubs par ces groupes étrangers apparaît généralement comme une issue inévitable.
Dans certains cas de figure, les synergies avec des clubs figurant au sein du championnat le plus compétitif de la planète offrent des opportunités exceptionnelles à ces structures généralement en manque de ressources. En revanche, ces connexions sportives et économiques ont une conséquence : celle de remettre quasi-automatiquement en question l’identité des clubs, ainsi contraints de se détacher de ce qui faisait jusque-là leur singularité, afin de faire corps avec leurs nouveaux associés.