Olympique-et-Lyonnais
·6. März 2025
Tiraillé juridiquement, le FCSB en quête d’identité à Bucarest

Olympique-et-Lyonnais
·6. März 2025
De notre envoyé spécial à Bucarest.
À Bucarest, les fans de foot sont servis tout au long de la saison. Dans cette ville encore marquée par le passage communiste avec ces grands monuments comme le Parlement, l’amoureux du ballon rond a de quoi en avoir pour son argent. En Liga I, pas moins de trois clubs de la ville s’affrontent au cours de la saison régulière. Il y a le Rapid Bucarest, situé au nord-ouest de la ville, le Dinamo Bucarest, à quelques encablures, et le FCSB. Cet acronyme ne dit pas grand-chose pour le supporter français qui débarque en Roumanie et pourtant, le club qui fera face à l’OL ce jeudi soir (18h45), est champion d’Europe.
Enfin légalement non, car si l’on peut s’y méprendre, le FCSB n’est pas dans les textes le Steaua Bucarest. Il faudrait des heures pour expliquer ce schmilblick administratif qui a poussé George Becali à devoir trouver un autre nom après que le Ministère de l’armée, pendant longtemps propriétaire du Steaua, a eu le dernier mot sur l’utilisation de la marque. Dans les faits, le FCSB n’est donc pas le digne héritier du Steaua Bucarest, unique club roumain vainqueur de la Ligue des champions. Pourtant, dans l’imaginaire commun, les deux clubs n’en sont qu’un. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Becali, fantasque président, a choisi ces initiales "SB" qui rappellent sans le montrer implicitement le Steaua.
Dans la ville bucarestoise, il faut aller gratter un peu pour trouver des tags et autres défiances entre clubs rivaux de la ville. Néanmoins, il suffit de monter dans un taxi pour rapidement comprendre l'animosité entre ces trois entités. Mercredi soir, aux abords de l’Arena Nationale, notre chauffeur a vite compris la raison de notre présence devant l’enceinte de FCSB. De quoi rapidement engager la discussion en anglais et planter le décor. "Je suis un fan du Rapid, ça me coûte d’être ici. Vous avez de la chance que j’ai accepté la course", nous avoue Adrian dans un large sourire. Si nous avions été roumain, pas sûr que le discours aurait aussi amical, mais ce brin d’humour permet d’en savoir un peu plus sur la situation à Bucarest.
Le Rapid et le Dinamo restent dans l’ombre du FCSB mais les guerres juridiques et la fin officieuse du Steaua ont permis aux deux clubs ennemis de s’offrir un peu de lumière. "On ne s’aime pas et tous les moyens sont bons pour les ultras de se faire la guerre, poursuit notre chauffeur. Mais si tu es né à Bucarest, tu es obligé de choisir entre les trois. Il y a ce besoin d’appartenance." Ce jeudi, Adrian ne supportera pas la formation d'Elías Charalámbous car "c’est impossible. Mais revoir un club roumain sur la scène européenne, ça fait plaisir. Même si j’aurais préféré que ce soit le Rapid".
Dans cette ville où se mélange modernité et vestige communiste, le FCSB tente de se retrouver une certaine identité. S’il surfe sur le fait d’être la continuité du Steaua, le club de George Becali a presque dû reprendre tout de zéro. Avec comme point central, le déménagement de Ghencea à l’Arena Nationale, sur décision judiciaire. Forcément un coup dur, car le stade à l’ouest de Bucarest était l’épicentre de la communauté du Steaua, son repère.
Aujourd’hui, le FCSB évolue certes dans une enceinte nouvelle génération, mais l’âme n’est plus celle que l’OL avait pu vivre en 2008 lors de sa dernière venue à Bucarest. Même si Alexandre Lazar, fondateur du média X FootRoumain, concède qu’il y a du mieux avec le retour de certains ultras. "Il y a quelques années, on aurait pu croire qu'ils allaient perdre définitivement certains supporters qui allaient peut-être aller vers la D2 avec le CSA Steaua Bucarest, qui a récupéré l'histoire du Steaua, mais cette dynamique s'est cassée pour l'équipe de D2, ça fait qu'au final, l'équipe est toujours extrêmement soutenue même s’il y a un embourgeoisement du public".
Ce jeudi, ils seront malgré tout 55 000 à répondre présents à l’Arena, même si l’atmosphère sera bien différente de celle de Ghencea. "C'était le quartier historique du club, c'était un stade ouvert, donc quand il y avait en plus la pluie, la neige, l'hiver pour des matchs européens, c'était encore plus intimidant, il y avait les deux virages, qui à l'époque s'entendaient, donc c'était autre chose forcément." Dans sa bataille juridique pour retrouver l’usage de la marque « Steaua », le FCSB a clairement "connu une perte d’identité, rien que sur le nom. On croirait une équipe créée sur la Playstation", poursuit le journaliste So Foot, co-auteur du livre "À l'ombre du Big five, les nations perdues du football".
Loin du géant qu’était le Steaua Bucarest, le FCSB tente de se construire seul, tout en espérant pouvoir retrouver une partie de son histoire. Le paradoxe de ce club qui veut regarder devant tout en ayant un œil dans le rétroviseur. Même si cela semble évoluer depuis quelque temps. "Les jeunes qui ont d'aujourd'hui 16, 17, 18 ans, se revendiquent de supporter le FCSB. C'est rentré un peu dans les mœurs. Alors qu'il y a 10 ans, on n'aurait jamais imaginé que ça puisse être normal. Cela tournait encore autour de Steaua. Je ne dirais pas qu'ils se sont pris une raison, mais ils acceptent un peu la situation actuelle." La double confrontation contre l’OL peut servir à créer un nouvel élan dans ce club qui se cherche toujours.
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