Arthur “El Tigre” Friedenreich, homme des révolutions sportives et sociales au Brésil | OneFootball

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·5 août 2023

Arthur “El Tigre” Friedenreich, homme des révolutions sportives et sociales au Brésil

Image de l'article :Arthur “El Tigre” Friedenreich, homme des révolutions sportives et sociales au Brésil

Le Brésil du football : la Seleção et des stars depuis plus d’un siècle. La première de ces étoiles, puisqu’il faut bien un début à tout, a marché sur le football du début du XXème siècle. Arthur Friedenreich, l’homme aux 1000 buts avant Pelé, a régné sur le championnat de São Paulo et apporté à la sélection brésilienne ses premiers triomphes internationaux, malgré un racisme omniprésent. Retour sur la carrière de la première icône carioca, sur et en dehors du pré vert.

Dans le football, il est courant de dire que l’on peut distinguer les grands des bons joueurs. Mais même au sein de la première catégorie, différents types d’athlètes se différencient. Certains se contentent de marquer le football de leur empreinte, d’autres sont aussi influents sur qu’en dehors du terrain. Arthur Friedenreich, pionnier parmi les pionniers, fait assurément partie de cette dernière classe. Celui qu’on appelle “El Tigre” n’a pas seulement posé sa patte sur le livre d’or de l’histoire brésilienne, non, il l’a marquée de ses griffes les plus aiguisées.


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Avec Friedenreich, on parle d’une véritable idole du futebol, l’homme de toutes les premières pour le football brésilien. Présent pour les débuts officiels de la sélection en 1914, puis pour le premier sacre de l’équipe carioca en Copa America, le buteur est surtout un homme métis qui a contribué à faire d’un pays une nation, une nation unie par sa Seleção. Né en 1892 dans un pays qui n’a aboli l’esclavage que quatre ans plus tôt, le jeune Arthur n’échappe pas aux discriminations, bien plus dures à écarter qu’une “simple” loi.

Un talent hors norme, des débuts difficiles

Enfant de Sao Paulo, Arthur Friedenreich doit son métissage à un père immigré allemand et une mère noire brésilienne. Dès l’enfance, le racisme brésilien lui empêche d’exprimer son talent balle au pied comme les enfants blancs. En effet, l’accès au football en club est alors interdit aux joueurs noirs, qui ne peuvent manier la gonfle que dans la rue. Alors le papa, Oscar, fait appel à ses origines et inscrit son fils dans un club réservé aux allemands, le Sport Club Germânia. Un dribble des règlements qui en appelle beaucoup d’autres… balle au pied en revanche.

L’intolérance n’est cependant jamais très loin et les joueurs de couleur de l’époque doivent user de stratagèmes – lunaires – pour éviter les tracas sur le pré. Si son teint reste clair, notre héros du jour a hérité des cheveux crépus de sa mère. Alors, avant que les rencontres ne débutent, Arthur se lisse les cheveux pour leur donner une apparence semblable à celle des caucasiens. Une ressemblance uniquement physique puisqu’une fois sur le terrain le Germano-brésilien reprend son habituelle valse footballistique, et met ses adversaires dans le vent, sans se soucier de leur couleur de peau.

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Arthur Friedenreich, cheveux parfaitement lissés

Une carrière mouvementée

Friedenreich reste au sein du Sport Club Germânia jusqu’en 1909 lorsqu’il devient un globe-trotter des clubs paulistas. Pendant huit ans, l’attaquant écume les équipes de São Paulo et se fait un nom dans le paysage du ballon rond brésilien. Une ascension qui le mène à son premier mont en 1914, le mont Seleção. Pour la première rencontre de l’histoire de la sélection brésilienne, Arthur Friedenreich est de la partie, et sera le fer de lance des premiers succès cariocas.

Exeter City, club anglais en tournée en Amérique du Sud, est le premier adversaire de l’histoire de la sélection brésilienne. Le 27 juillet 1914, dès cette première rencontre, Friedenreich joue les leaders en inscrivant le second but de son équipe. Une victoire 2-0 qui donne le ton pour l’avenir de la plus grande équipe de l’histoire du football de sélection. Une équipe qui se pare rapidement d’or.

Après deux troisième places en 1916 et 1917, le Brésil vise le titre lors de la Copa America 1919. Se disputant à Rio de Janeiro, la compétition voit Chiliens, Uruguayens, Argentins et Brésiliens s’affronter dans un format de mini-championnat. L’Uruguay, tenante du titre, et le Brésil dominent les deux autres mais se neutralisent le 26 mai (2-2) alors que le goleador Friedenreich est muet depuis la gifle donnée aux Chiliens en ouverture (6-0). Un triplé en entrée de compétition… puis plus rien. C’est donc ça le fameux boss de la Seleção ?

Pas si vite. À égalité au terme de leurs trois matchs respectifs, la Céleste et la sélection auriverde sont conviées à un affrontement final le 29 mai 1919 à l’Estádio das Laranjeiras de Rio. Score nul et vierge après le temps réglementaire, puis après les trente minutes de prolongations. Une seconde prolongation est alors lancée pour départager les deux nations. À la 122ème minute de jeu, Arthur Friedenreich sort du bois et libère son pays. Cinq ans après ses débuts, le Brésil monte au sommet de l’Amérique du Sud pour la première fois.

Une fin d’épopée internationale gâchée

En 1921, la Copa America est réservée aux joueurs blancs, El Tigre est laissé sur le carreau. Hasard ou pas, à son retour en 1922, le Brésil est de nouveau sacré. Encore finaliste de la compétition sud-américaine en 1925, année durant laquelle Friedenreich rayonne en Europe lors d’une tournée avec la Seleção, il manque cependant son plus grand rendez-vous international en 1930. Pour des raisons plus ou moins connues, résumées aujourd’hui comme un conflit interne au football brésilien, seuls les joueurs de l’état de Rio sont sélectionnés pour la première Coupe du Monde de l’histoire. Trop vieux en 1934, Friedenreich laisse passer le train qu’il a lui même lancé en 1914. Injuste, encore une fois.

Hop, retour au football de club. Après des années d’instabilité, le Brésilo-germanique établit son camp de base au Club Athletico Paulistano (CAP), encore à São Paulo donc. Il y arrive pour onze ans en 1918, et en profite pour garnir son armoire à trophées. Six Campeonato Paulista entre 1918 et 1929, à la même période où il remporte ses deux Copa America. Comment dit-on “dynastie” en brésilien ? Avant Pelé, voici le premier Rei du futebol.

Longtemps branlante, la carrière en club de monsieur Friendenreich prend une autre dimension durant sa période au CAP. Le palmarès maintenant rempli, notre protagoniste profite des années 30 pour garnir son CV de clubs prestigieux. Santos, São Paulo FC, Atlético Mineiro et Flamengo, de 1929 à 1935 le meilleur buteur de la Copa America 1919 officie pour des équipes bien plus familières à nos oreilles modernes.

L’héritage d’Arthur Friedenreich

1239 matchs, 1329 buts, ou l’inverse, c’est selon la source. Dit comme ça, ça ressemble beaucoup aux blagues sur le nombre de buts de Pelé, et il y a sûrement un peu – beaucoup –  de ça. Il n’empêche, on peut croiser, décroiser, et recroiser les sources, toutes s’accordent sur le caractère létal de Fried’ devant le but. Déjà révolutionnaire par ses feintes et son aisance entre les défenseurs, l’international brésilien est aussi connu comme l’inventeur de la frappe intérieur du pied. À l’époque, quand on veut marquer on frappe en plein centre du ballon… le prendre de côté, quelle idée ? Une hérésie au début du XXème siècle, mais l’acte de naissance de la belle enroulée, celle qui finit lucarne opposée, est signé Arthur Friedenreich.

Roi du football, Dieu du dribble, tels sont les qualificatifs aptes à décrire le joueur qu’était Arthur. Si seulement le Brésil de l’époque voyait la même chose. Oui, le football est roi sur les terres de la Seleção, mais pas à n’importe quel prix. Le pays est profondément raciste et tout le talent balle au pied du buteur fou n’y change rien.

Premier de cordée dès ses jeunes années en rejoignant le Sport Club Germânia, le Tigre continue de briser les barrières raciales grâce à son don pour le ballon rond. Si Friedenreich n’a pas changé les choses par ses prises de parole, rares, sa simple présence en tant qu’homme métis au sein d’une immense majorité de joueurs blancs, qui plus est en tant que leader technique, a suffit à faire passer un cap sociétal à son pays. “More Than an Athlete” dirait LeBron James. Sport différent, époque différente, oui, mais le combat est le même.

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