Lucarne Opposée
·15 avril 2024
Lucarne Opposée
·15 avril 2024
L’Asian Cup U23 débute ce lundi. Elle se déroulera, comme par hasard, au Qatar, dans certains des stades de la Coupe du Monde 2022 et de la Coupe d’Asie 2023. Qui sont les favoris, les outsiders, les figurants ? Voici ce qu’il faut savoir pour suivre cette compétition qualificative pour les Jeux Olympiques 2024.
Comme pour la Coupe d’Asie des équipes A, le Japon fait figure de favori. Mais un favori sur le papier assez limité. Le sélectionneur Go Oiwa a en effet constitué une liste où figurent beaucoup d’absents. Certains peuvent s’expliquer par le refus des clubs européens de libérer leurs joueurs, mais d’autres sont surprenant, car ils évoluent en J.League. Et c’est le secteur défensif qui va le plus en pâtir, puisque les deux tauliers du FC Tokyo Kanta Doi et Kashif Bangnagande n’ont pas été appelés. Le joueur du Consadole Sapporo Seiya Baba non plus, lui qui pourtant était très souvent utilisé dans les sélections jeunes nippones. À leurs places, on trouve des joueurs comme Takashi Uchino, peu utilisé à Düsseldorf et transparent en équipe nationale, Seiji Kimura, remplaçant dans un Sagan Tosu ultra friable défensivement, et Kaito Suzuki, dans la même situation au Jubilo Iwata et qui, comme Uchino, a toujours eu des difficultés en équipes de jeunes japonaises. Le poste défensif le plus efficacement fourni sera comme d’habitude celui de latéral droit, avec Riku Handa et la révélation de Kashiwa Hiroki Sekine, deux joueurs bons en championnat, offrant deux profils différents. Heureusement, ce Japon pourra aussi compter sur un milieu particulièrement séduisant, avec Sota Kawasaki, Rihito Yamamoto, Kuryu Matsuki, Joel Fujita et Satoshi Tanaka qui seront en concurrence. Enfin, offensivement, une variété de profils intéressante a été appelée, notamment à la pointe de l’attaque, où l’on pourrait voir un faux neuf comme Ryotaro Araki, un attaquant travailleur comme Mao Hosoya, ou un pur finisseur comme Kotaro Uchino. Même si son début de carrière est compliqué, Shota Fujio fait un excellent début de saison de J1 à Machida et pourra aussi apporter. Cette liste japonaise a donc deux problèmes majeurs et récurrents : une défense très peu rassurante et un coach très limité tactiquement. La poule reste abordable avec la Corée du Sud, la Chine et les Émirats, mais le Japon est capable de se rater totalement, comme les A en Coupe d’Asie, comme les U20 en Coupe du Monde.
Dans les compétitions continentales, quand le Japon est favori, la Corée du Sud n’est jamais loin non plus. Contrairement à son équipe A, la sélection coréenne U23 possède bien évidemment un coach compétent pour la Coupe d’Asie en la personne de Hwang Sun-hong. C’est bien évidemment faux. L’heure est encore au pessimisme pour les Guerriers Taeguk. Le manque de qualité tactique est bien sûr l’aspect le plus problématique. Hwang Sun-hong peine non seulement à mettre en place un jeu efficace, mais il est aussi rarement capable de faire de bons changements tactiques en cours de match. Quand les meilleurs étaient là, cela limitait la casse. Mais pour cette Coupe d’Asie, Yang Hyun-jun du Celtic, Bae Jun-ho de Stoke City, ou encore Kim Ji-soo de Brentford seront absents. La sélection coréenne pourra certes compter sur des jeunes de K League comme les ailiers Eom Ji- sung et Kang Seong-jin, ou le latéral Lee Tae-seok, mais cela semble limité pour jouer le titre. Surtout qu’en cas de seconde place, probable dans un groupe avec le Japon, les Coréens affronteraient l’Australie en quarts. Un tirage très compliqué. Mais pourtant, la Corée du Sud, même fébrile sur le papier, reste une nation incontournable, qui ne sera pas là pour faire de la figuration.
L’Australie justement semble également faire partie des favoris. Contrairement à l’équipe A, très physique, assez peu agréable, manquant cruellement de joueurs techniques, ce n’est pas le cas de la sélection U23. Nishan Velupillay, Garang et Alou Kuol, Keegan Jelacic ou encore la révélation de la saison de A-League Nicolas Milanović, les joueurs élégants, percutants et doués avec le ballon ne
manquent pas. L’arrière garde aussi est plutôt convaincante avec notamment Alexandar Popovic, Callum Talbot ou Lucas Mauragis. On avait notamment pu observer les deux derniers au Tournoi Maurice Revello 2023, où ils avaient brillé, emmenant l’Australie à la troisième place. Un autre avait montré de belles choses là-bas, Ryan Teague. Le milieu de Famalicão au gros volume de jeu pourra être très important pour l’équilibre de l’équipe. Néanmoins, le groupe aurait pu être encore meilleur, puisque d’excellents joueurs n’ont pas été libérés par leur club. C’est notamment le cas de Cameron Peupion de Brighton, et aussi de Louis D’Arrigo du Lechia Gdańsk et Calem Nieuwenhof de Hearts, très importants pour la stabilité au milieu. L’équipe emmenée par un Tony Vidmar aux résultats satisfaisants est peut-être un cran en dessous des deux mastodontes, mais aura quand même sa carte à jouer. D’autant qu’aucun autre favori ne semble se dessiner.
Dans ce genre de compétition, le quatrième est souvent l’Iran. Mais la Team Melli est tombée sur l’Ouzbékistan en qualifications, un adversaire particulièrement efficace pour la faire déjouer, et sera donc absente cette année, comme en 2018, l’unique précédent.
Même s’il est toujours délicat de placer ce pays parmi les favoris, l’Ouzbékistan reste le premier des outsiders. Et ce même privé de Abdukodir Khusanov et Abbosbek Fayzullaev, retenus respectivement par le RC Lens et le CSKA Moscou. Malgré tout, l’équipe emmenée par le très bon coach Timur Kapadze aura de solides arguments, notamment en défense, avec des joueurs locaux comme Alibek Davronov, Muhammadkodir Khamraliev et Odil Abdumazhidov. Ce trio se connaissant absolument par cœur sera entouré par des latéraux et pistons eux aussi habitués de la sélection ; le meilleur étant sûrement Zafarmurod Abdirakhmatov. Au milieu, quelques éléments techniques comme Diyor Kholmatov et surtout Jasurbek Jaloliddinov, le joueur à suivre, apporteront un peu de créativité à une sélection qui en manque souvent, dans toutes les catégories d’âge. Le poste de buteur laisse néanmoins très sceptique, puisque ni Khusayin Norchaev, ni Ruslanbek Jiyanov, ni Pulatkhuzha Kholdorkhonov ne sont réellement en forme. Mais leur force réside bien sûr avant tout dans le fait qu’ils connaissent par cœur leurs partenaires. La majorité des joueurs de la liste de Timur Kapadze comptent au moins dix sélections U23 et plusieurs, notamment en défense, dépassent les vingt. Car elle sera là la force de l’équipe nationale du pays d’Asie Centrale : le collectif.
Dans un style totalement opposé, l’Irak pourra aussi créer la surprise. La nation montante du football asiatique avait atteint la finale d’Asian Cup U20 l’année dernière, échouant face à l’Ouzbékistan. Les matchs amicaux des U23 en janvier avaient aussi montré ce gros potentiel, avec notamment une belle victoire deux buts à zéro contre l’Égypte. Pourtant, malgré une forte progression et la présence de joueurs talentueux comme la star Ali Jasim ou le solide défenseur Zaid Tahseen, la sélection emmenée par Radhi Shenaishil compte beaucoup d’absents à cause de blessures. Beaucoup de binationaux évoluant en Europe ont aussi été retenus par leur club, ce qui pourrait compromettre les espoirs de finir dans le dernier carré.
Il est toujours difficile de jauger le niveau de l’Arabie Saoudite. Il est encore plus difficile de juger le niveau des équipes jeunes coachées par Marcos Soares. Et quand ces deux données se rencontrent, elles ne s’annulent pas, au contraire. Le coach brésilien aura d’ailleurs une forte pression, puisqu’il y aura des attentes du côté de la fédération, qui se verrait bien participer au Jeux Olympiques. Mais paradoxalement, le groupe saoudien n’est pas au complet, notamment puisque les jeunes d’Al-Hilal n’ont pas été libérés, notamment Mohammed Al-Qahtani. Musab Al-Juwayr, évoluant à Al-Shabab, est lui aussi absent. L’attaque sera donc portée par Abdullah Radif et Ayman Yahya. Malgré un effectif sur le papier de qualité, les Saoudiens se heurtent à un problème majeur. À cause de l’arrivée massive de stars en Saudi Pro League, la plupart des joueurs sélectionnés ont peu de temps de jeu dans leur club. Beaucoup moins en tout cas que les joueurs japonais, ouzbeks ou australiens. Cela ne compromettra sûrement pas la qualification en quarts de finale. Néanmoins, l’accès au dernier carré, lui, risque d’être plus délicat.
Si le Yémen, Oman et le Bahreïn ne sont pas qualifiés, trois autres sélections de la Péninsule Arabique le sont. Et pour les trois, le constat est le même : peu d’attentes. Malgré une seconde victoire consécutive de son équipe A en Coupe d’Asie, le Qatar semble entamer un creux générationnel. Un creux qu’eux seuls n’ont pas vu. Ou du moins qu’ils ne veulent pas voir. Ce Qatar paraît encore plus faible que la sélection saoudienne, alors que beaucoup moins de joueurs sont absents. Les deux têtes d’affiche Nabil Erfan et Lotfi Madjer ont été libérés respectivement par Al-Wakrah et Al-Duhail, ce dernier manquera finalement à l’appel étant forfait de dernière minute. Des joueurs bien installés en QSL sont aussi du rendez-vous. C’est le cas du latéral d’Al-Gharafa Abdalla Yousif, du milieu de Qatar SC Youssef Mohamed Ali, ou de l’ailier d’Al-Rayyan Tameem Mansour. Mais est-ce vraiment une bonne chose quand on constate à quel point le niveau du championnat chute ? D’autant que le jeu mis en place par le Portugais Ilidio Vale n’est pas très agréable. Les jeunes qatariens ont beaucoup de mal à développer leur jeu offensif et à mettre en danger l’adversaire. La récente défaire deux buts à zéro contre la Chine U23 en est l’exemple le plus parlant. Dans un groupe avec des équipes joueuses comme l’Australie, la Jordanie et l’Indonésie, il ne serait pas surprenant de les voir éliminés dès les poules.
Le constat est similaire aux Émirats, à la différence qu’il y a encore moins de qualité individuelle. L’équipe emmenée par le tacticien uruguayen Marcelo Broli, vainqueur de la Libertadores U20 avec Peñarol et champion du monde U20 avec l’Uruguay, reste sur une série de six défaites consécutives. Et avec seulement deux buts marqués sur ces six matchs. Le buteur Sultan Adil, révélé à la dernière Coupe d’Asie, ne devrait pas être du voyage, affaiblissant encore davantage l’attaque. Il faudra donc compter sur Sultan Adil Mohamed et Fahad Bader pour tenir cette zone. Même s’il joue peu en club à Baniyas, le joueur à suivre sera le défenseur Khamis Al-Mansoori. Assez bon balle au pied et solide malgré un physique assez frêle, il devra tenir face au Japon et à la Corée du Sud.
Enfin, la dernière sélection du Golfe est le Koweït. C’est peut-être la plus faible de cette Asian Cup. Qualifié miraculeusement grâce à un groupe très abordable, avec notamment Macau et le Timor- Leste, l’émirat n’a plus gagné depuis et a notamment encaissé neufs buts par la Corée du Sud lors des Jeux Asiatiques. Contrairement aux deux pays précédents, le Koweït est capable de produire un peu de jeu et pourra compter sur des attaquants intéressants comme Kameel Ebrahim. Mais les problèmes sont défensifs. Et ce alors que les défenseurs centraux U23 jouent régulièrement en équipe A, ce qui montre au passage les difficultés dans lesquelles est engluée cette nation historique du football continental des années soixante-dix et quatre-vingts. Alors que la qualification en quarts de finale paraît compliquée, un espoir demeure pour les joueurs du portugais Emilio Peixe. Le groupe composé de l’Ouzbékistan, du Vietnam et de la Malaisie est très abordable.
Les U23 réussiront-ils à imiter l’exploit de leurs aînés, c’est à dire une finale ? Le peuple jordanien y croit. D’autant que les clubs jordaniens ont fortement soutenu leur sélection, en libérant leurs joueurs. Ce sont donc Mohannad Abu Taha, Danial Afaneh, Reziq Bani Hani ou encore Arafat Al-Haj qui se lanceront à la quête de la deuxième place d’un groupe complexe mais jouable constitué de l’Australie, du Qatar et de l’Indonésie. C’est Abdullah Abu Zema, un entraîneur local reconnu et connaissant très bien ses joueurs qui les emmènera pourquoi pas dans un dernier carré qui serait fou.
Mais dans ce même groupe, l’Indonésie aura aussi son mot à dire. Plus faibles sur le papier, les Indonésiens peuvent cependant compter sur des joueurs avec une certaine expérience déjà, puisque des cadres de la sélection A sont assez jeunes pour évoluer en U23. Après les avoir quittés en huitièmes d’Asian Cup, on retrouvera donc des joueurs comme Ernando Ari, Rizky Ridho, Justin Hubner, Marselino Ferdinan, Witan Sulaeman, ou encore Rafael Struick. Quelques pépites du championnat garniront davantage le front offensif : Ramadhan Sananta, Hokky Caraka, Dony Pamungkas ou Jeam Kelly Sroyer. Ce mélange sur le papier très séduisant reste encore assez limité, mais aura une volonté de fer. Shin Tae-yong les connaît bien et peut espérer les mener en phases à élimination directe pour leur première participation.
Tout comme l’Indonésie et la Jordanie, le Tadjikistan a vécu une Coupe d’Asie historique en janvier. L’équipe d’Asie Centrale du sélectionneur Mubin Ergashev peut aussi compter sur des joueurs de l’équipe A, avec notamment l’explosif Amadoni Kamolov, Rustam Soirov, Manuchekhr Safarov et Alisher Shukurov, qui ont tous été libéré. Un joueur comme Shukhrat Elmurodov sera aussi à suivre. Un peu moins attrayante que l’équipe A de Petar Šegrt, cette sélection U23 assez solide derrière pourrait embêter l’Arabie saoudite. C’est sa seule chance de se qualifier en quarts de finale.
Dans un groupe avec le Japon et la Corée du Sud, il est difficile d’imaginer que la Chine ne soit pas transcendée. Et il faudra ça, car l’équipe de Yaodong Cheng ne fait pas franchement rêver. La plupart des convoqués ne jouent presque pas dans leur club de première et de seconde division. Certains sont prometteurs, comme Liu Zhurun, Yang Zihao et Ablahan Haliq. Les résultats ces derniers mois ne sont pas si mauvais. Mais le contenu est pauvre. Néanmoins, pour la tension autour de ce match, la première journée contre le Japon sera à suivre.
Enfin, direction un pays en crise footballistique avec le dernier des fauteurs de trouble : le Vietnam. Favori à la deuxième place de leur groupe, les Vietnamiens vivent une période compliquée. La fin de l’ère Troussier s’est mal passée et le pays est frappé par des scandales de corruption. Dans ce contexte, il ne sera pas simple d’aller au Qatar. Mais le pays de l’AFF a un avantage : tous ses joueurs phares jouent au Vietnam et ne sont donc pas retenus par leurs clubs. Même si la liste est assez moyenne, le milieu est séduisant avec Hoàng Văn Toản et Nguyễn Thái Sơn. Le jeune mais déjà expérimenté ailier Khuất Văn Khang sera aussi du voyage. Enfin, avec le départ de Philippe Troussier, c’est Hoàng Anh Tuấn qui va assurer l’intérim. Le coach des U20 et des U19 connaît bien les joueurs, mais n’est pas un très fin tacticien.
Le Koweït n’est peut-être pas la pire équipe, car une autre se bat pour ce titre : la Thaïlande. Privée de presque tous ses binationaux, à l’exception d’Erawan Garnier, libéré par l’Olympique Lyonnais, les Thaïlandais ont sur le papier une liste très faible et sont assez pessimistes. Secoués en interne par de gros conflits entre puissants, l’entraîneur Ithsara Sritaro aura une certaine pression. Sans pitié face aux petites nations, la Thaïlande U23 peine à hausser son niveau de jeu quand l’adversité augmente. Le plus gros point positif est cependant la présence de Teerasak Poeiphimai, qui enchaîne les buts dans son club de Port FC en Thai League.
La Malaisie a une petite chance de ne pas être un figurant dans cette Coupe d’Asie. La sélection emmenée par l’espagnol Juan Torres est dans le groupe le plus simple, avec notamment le Vietnam et le Koweït. Et c’est bien la seule chose qui peut laisser optimiste. L’effectif est certes intelligemment construit, avec la plupart des éléments venant de Johor et de Selangor, mais le tout reste individuellement faible. L’éternel espoir Luqman Hakim, libéré par son club de troisième division japonaise, est dans une spirale terrible depuis son échec en Belgique. Le talentueux milieu gauche Vengadesan Ruventhiran a beaucoup de problèmes physiques et ne confirme pas les attentes autour de lui, Juan Torres ne l’ayant finalement pas retenu. Et leurs coéquipiers sont assez moyens, ou alors n’ont pas assez de temps de jeu. Pour voir la Malaisie se qualifier en quarts, il faudra donc surtout que ses adversaires soient plus mauvais, ce qui est loin d’être impossible.
Cette Coupe d’Asie U23 est donc particulièrement indécise. Aucun de favoris n’avance avec des certitudes. Beaucoup de joueurs sont retenus par leur club, à cause de la gestion une nouvelle fois désastreuse de l’AFC, qui place la compétition au pire moment. Cela permet d’équilibrer la balance, notamment en faveur de l’Ouzbékistan ou de la Jordanie, beaucoup moins touchés que les autres par les absences. Même si elle ne sera sûrement pas la meilleure en termes de niveau de jeu, cette Asian Cup U23 promet d’être encore une fois très divertissante.