Derniers Défenseurs
·14 juin 2021
Derniers Défenseurs
·14 juin 2021
C’est parti ! Après plusieurs semaines de flou autour de l’organisation du plus Vieux Tournoi de sélection au monde, la Copa América a sifflé le coup d’envoi de sa quarante-septième édition. Aujourd’hui, Derniers Défenseurs s’installe rapidement à Bogotá, en Colombie pour vous parler des Cafeteros et de tout ce qui gravite autour. Sur fond de crise sociale, la sélection colombienne, qui aurait dû accueillir le tournoi, s’avance au Brésil avec quelques certitudes et beaucoup d’interrogations. Pour nous parler de la Fiebre Amarilla aujourd’hui, Derniers Défenseurs n’a pas eu à chercher bien loin, et c’est Jules, rédacteur pour le site, qui nous donne toutes les clés pour comprendre comment va se comporter la Tricolor pour l’échéance à venir.
En 2019, la Colombie avait séduite les observateurs. Comme le Venezuela, la Colombie était sortie invaincue de son groupe, composé de l’Argentine, du Paraguay et du Qatar. Trois matchs et trois victoires plus tard, la Colombie était perçue comme une des favorites de la compétition. Mais comme le Venezuela, l’aventure s’était arrêtée prématurément en quart de finale, après une séance de tirs aux buts haletante contre le Chili. Un penalty manqué de Tesillo avait mis fin aux espoirs des Cafeteros. Un parcours certes frustrant, mais qui avait donné beaucoup d’espoir pour la suite des événements.
La situation elle, est compliquée pour le pays. Initialement, le pays aurait dû organiser cette édition 2021. Mais depuis plus d’un mois et demi, la situation sociale est plus que délétère. Le pays, excédé par la corruption galopante des élites et les projets de loi d’Iván Duque, notamment sur la hausse des impôts, est plongé dans un chaos sans nom. Grèves, manifestations, tout le pays s’est une nouvelle fois mobilisé contre un gouvernement qui ne mesure toujours pas l’ampleur du problème. Des manifestations réprimées dans l’ultra-violence, puisque, malheureusement, plus d’une quarantaine de Colombiens ont perdu la vie dans des heurts avec la police et les milices privées. Entre ça et la troisième vague de Covid qui frappe le pays, la Colombie est au bord du gouffre.
Et la sélection colombienne dans tout ça ? Comme beaucoup d’autres sélections, les Cafeteros naviguent à vue. Après un début d’éliminatoires plus que correct (une victoire et un nul), la sélection a implosé en fin d’année, en concédant deux lourdes défaites : tout d’abord, un cinglant 3-0 à domicile contre l’Uruguay puis une défaite incompréhensible 6-1, à Quito contre l’Equateur. Deux défaites qui ont eu pour conséquence la démission du technicien portugais Carlos Queiroz, à un mois de la nouvelle année. Après un mois de tergiversation, c’est finalement Reinaldo Rueda, un ancien de la maison, qui se voit confier les rênes de la sélection avec un but très simple : stopper l’hémorragie. Mission réussie pour le moment. La Tricolor s’est remis la tête à l’endroit et a pris quatre points sur les deux derniers matchs. Néanmoins, si le bilan comptable est bon, dans le jeu, la Colombie est poussive, parfois naïve malgré quelques très belles séquences ici et là. Rien de plus logique car Rueda, n’étant là que depuis deux petits matchs, n’a pas eu le temps de mettre en place tout ce qu’il souhaite pour sa Colombie.
Nouveau coach et donc nouvelle sélection, il va sans dire. D’entrée de jeu, Rueda a décidé de frapper fort et de ne pas convoquer James Rodríguez. Malgré une belle saison du côté d’Everton, le natif de Cúcuta n’a pas été retenu pour participer à l’échéance. Une non-sélection qui n’a pas plu à James qui l’a vécu comme “un manque de respect” par rapport à son apport sous le maillot jaune. Radamel Falcao, blessé, n’a pas pu prendre part non plus à cette Copa América et c’est donc avec une sélection amputée de deux cadres que la Colombie débute sa compétition.
Dans les buts, le choix n’a pas été très compliqué. David Ospina est le pilier inamovible des cages colombiennes et sa centaine de sélection pèse lourd dans la balance au moment du choix du numéro un. À presque 33 ans, l’ancien Niçois est toujours performant et son statut de numéro un est indiscutable.Dans l’axe, la paire Sánchez-Mina est indéboulonnable et personne ne semble être en mesure de venir contester cette hiérarchie. Rapide, dur sur l’homme et possédant un très bon sens de l’anticipation et du placement, ce duo possède également quelques caractéristiques techniques intéressantes, notamment dans la relance. Cette charnière est une véritable valeur ajoutée, pour une Colombie qui sait qu’elle peut se reposer sur ses rocs derrière. Sur les côtés, on retrouve le tireur malheureux de 2019, Tesillo à gauche et Stefan Medina à droite. D’un niveau moindre par rapport à l’axe de la défense, Tesillo et Medina restent de très bons joueurs, avec une débauche d’énergie folle. Si Tesillo se caractérise plus par son excellent travail défensif, Medina lui est plus offensif, avec une très belle qualité technique, capable d’avaler des kilomètres et de prendre les espaces quand il le faut.
Au milieu de terrain, une ligne de trois normalement. Si l’on opte ici pour un trio Lerma-Cuellar-Uribe, il ne serait pas rare de voir Cardona prendre une place sur cette ligne. Car la force de cette Colombie, c’est aussi une très belle profondeur de banc. Une profondeur qui offre beaucoup d’options à Rueda dans la composition de son milieu. Avec ce trio-là, la Colombie s’offre un milieu qui aime avoir le ballon, avec une excellente qualité de passe, de cassage de ligne et une belle qualité de percussion, notamment avec Mateus Uribe, le joueur de Porto. À la récupération, Cuellar part comme titulaire mais Wilmar Barrios, l’ancien joueur de Boca Juniors peut aussi prétendre à du temps de jeu. Enfin Lerma sera le pendant de Uribe. Joueur hybride, le milieu de Bournemouth est un joueur besogneux qui excelle dans le domaine de la récupération mais qui peut aussi se transformer en arme offensive, surtout dans les trente derniers mètres.Devant, Rueda devrait opter pour Juan Cuadrado et Luis Díaz. Le premier sort d’un saison en demi-teinte avec la Juventus mais aura probablement à coeur de se refaire avec sa sélection. Ses 95 sélections et sa longue expérience, en plus de sa polyvalence et de ses qualités balle au pied, seront quoiqu’il arrive un atout précieux pour la Tricolor. Sur l’autre, c’est le portista Luis Díaz qui aura les clés du camion. Joueur de rupture par excellence, Díaz est un ailier virevoltant capable de mystifier une défense sur un dribble ou une passe mais aussi de dézonner dans l’axe pour attirer les défenseurs et laisser des espaces libres pour ses latéraux. En pointe, en l’absence du Tigre Falcao, c’est Duván Zapata qui sera chargé de convertir les situations de but. À moins que Borré ou Muriel viennent chiper une place orpheline de l’absence du meilleur buteur de l’histoire de la Colombie.
Si la Colombie regorge de bons joueurs pour cette Copa América, la lumière sera sur Luis Muriel. Le Colombien, qui s’éclate sous les ordres de Gasperini à l’Atalanta, est en pleine bourre ces deux dernières années. Joueur élégant, polyvalent (il peut occuper tous les postes sur le front de l’attaque), capable de marquer dans toutes les situations et doté d’une palette technique ultra-variée, le natif de Santo Tomás est un attaquant qui ne cesse d’étonner depuis son arrivée en Europe, il y a maintenant onze ans. En deux années, Luis Muriel s’est imposé comme l’un des meilleurs attaquants de Serie A et y est pour beaucoup dans les excellents résultats de l’Atalanta de ces dernières années. Pas souvent titulaire, le Colombien fait souvent mouche lorsqu’il faut sortir du banc. En trente-trois matchs, il a planté la bagatelle de vingt-deux buts et a énormément contribué à la superbe saison du club de la Dea. S’il sera en ballotage avec Zapata et Borré, il est sûr que Luis Muriel aura sa carte à jouer tout au long de la compétition.
Avec un coach qui n’a que deux matchs à la tête de la sélection et l’absence de certains cadres importants, on est en droit de se dire que la Colombie n’aborde pas cette compétition de la manière la plus sereine. Pourtant son effectif, varié et possédant de réelles qualités, fait quand même de la Colombie un prétendant au dernier carré. La qualification en quart ne devrait être qu’une formalité pour les Cafeteros, dans un groupe à leur portée et qui compte pas moins de quatre places qualificatives pour le tour suivant. Une fois vainqueur de la compétition en 2001, la Colombie cherche encore la génération qui amènera tout un peuple au bout de l’aventure. Peu envisageable, la victoire en finale apparaît encore comme une chimère lointaine pour une Colombie en pleine reconstruction. Mais un bon parcours serait le bienvenu afin de redonner, pour quelques heures seulement, un peu de bonheur à tout un peuple.
Matchs : Attention l’heure indiquée est l’heure locale, il faut rajouter cinq heures pour la France.
Merci à Jules pour son analyse ! Vous pouvez retrouver Jules sur Derniers Défenseurs ainsi que sur son compte Twitter @jvlivs350.
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