Derniers Défenseurs
·9 décembre 2021
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·9 décembre 2021
À 41 ans, Esteban Paredes va retrouver la première division chilienne. En étant l’un des acteurs principaux de la remontée de Coquimbo Unido, le vétéran a prouvé qu’il n’en avait pas terminé avec sa carrière déjà bien riche. L’intéressé ne cache toutefois pas son souhait de revenir à Colo-Colo, son club de toujours. Pour soulever une dernière fois la foule du Monumental, et partir en héros d’un club qui lui doit beaucoup. Portrait d’un joueur pas comme les autres.
Dans la fin de matinée du 18 février 2021, Esteban Paredes reçoit un appel du président de Colo-Colo d’alors Aníbal Mosa. La veille, Colo-Colo venait de se sauver de la relégation en s’imposant 1-0 contre la Universidad de Concepción lors d’un match de barrage. Alors qu’il n’a pas pris part au match, Esteban Paredes ne peut s’empêcher de fêter cette victoire avec ses coéquipiers. Lui, la légende du club, ne pouvait supporter l’idée que El Cacique descende en deuxième division, le club n’ayant jamais quitté l’élite.
Pourtant, la joie sera de courte durée. Alors que les célébrations de la veille n’ont pas encore pris fin, le coup de téléphone de Mosa à des airs de coup de poignard. Le président l’appelle pour lui dire qu’il fait partie d’une liste d’une dizaine de joueurs dont les contrats ne seront pas renouvelés. La nouvelle est dure à encaisser. Lui qui pensait annoncer sa retraite à la fin de l’année civile, se retrouve sans club.
C’est à contrecœur que Paredes se retrouve alors sur le marché des transferts. Il n’aura pas à subir une attente infernalement démesurée. Une petite semaine après l’annonce de son départ, Paredes signe pour Coquimbo Unido. Ce club d’une ville portuaire du centre-nord chilien vient alors d’être relégué en deuxième division. Pourtant, le projet proposé à Paredes est alléchant. Remonter tout de suite avec une équipe solide. En plus de Paredes, le club Pirata (Le Pirate, symbole de Coquimbo) signe l’international chilien Jean Beausejour, ou encore l’ex-coéquipier de Paredes Carlos Carmona. Une belle armada qui va rouler sur la deuxième division et qu’on retrouvera donc en Primera la saison prochaine.
Si Paredes participe à la remontée du club (4 buts en 21 matchs), le goût de revanche est tout aussi fort que le goût d’inachevé. On peut souligner la symbolique qu’ici, Esteban Paredes remonte en Primera après avoir été “chassé” de l’un de ses clubs historiques. Mais lui, comme le public chilien, n’attend qu’une chose. Que l’histoire entre Colo-Colo et Paredes ne se termine pas de cette manière.
Lorsqu’il arrive à Colo-Colo en juin 2009, Esteban Paredes n’est pas un novice dans le football chilien. Âgé de 28 ans, le natif de Cerro Navia a été formé à Santiago Morning. Ce club historique du football chilien, aujourd’hui en deuxième division, est celui qui lui donne sa première chance en professionnel, en 1996, après avoir écumé les différentes catégories de jeunes. Comme un symbole, son premier but marqué en pro sera contre la Universidad de Chile, le rival historique de Colo-Colo.
Entre 2000 et 2009, Paredes va être prêté dans plusieurs clubs chiliens (Puerto Montt, Universidad de Concepción, Cobreloa) et fera un passage peu marquant par le Mexique à Pachuca Juniors. Mais c’est bien sur les terres de Santiago qu’il brillera. Après sept saisons sous le maillot de Morning (pour un joli total de 95 buts en 172 matchs), il est temps de faire le grand saut.
Le recrutement de Paredes à Colo-Colo intervient dans un moment de succès pour le club Albo. Depuis l’arrivée de Claudio Borghi à la tête de l’équipe en 2006, le palmarès s’est bien étoffé. Double champion en 2006, le club récidive en 2007 et glane aussi une Liguilla Pre-Sudamericana la même année. Borghi et ses successeurs ont aussi lancé de nombreux jeunes répondant aux doux noms de Arturo Vidal, Claudio Bravo ou encore Matías Fernández.
Le défi est de taille pour Paredes. En remplaçant Lucas Barrios au poste d’avant-centre, Paredes s’impose d’entrée comme un titulaire indiscutable. En marquant 9 buts, il est l’un des acteurs majeurs de la conquête de la Clausura 2009.
Si la suite est réjouissante sur le plan personnel, elle est plus difficile sur le plan collectif. À partir de 2010, Colo-Colo va vivre une période de disette. Un seul titre en cinq ans, un effectif changeant régulièrement, huit entraîneurs… Seul Paredes sera le phare dans une nuit pénible pour les supporters du Cacique. Entre 2010 et 2012, Paredes marque 41 buts en 63 matchs, terminant meilleur buteur en 2011 avec 20 buts. Marcelo Bielsa le convoquera d’ailleurs pour la Coupe du Monde sud-africaine de 2010, durant laquelle il disputera deux des quatre matchs joués par le Chili.
Les passages de Paredes au Mexique (ici à Atlante) ne seront pas couronnés de succès. Sa légende s’écriera ailleurs
Mais le buteur se lasse. Celui qui a glané le beau surnom du “béni de la surface” (bendito del área) quitte le club en 2012 à la stupeur générale. Esteban Paredes retourne au Mexique, huit ans après sa première expérience en Amérique du Nord. Même si ses deux saisons à Atlante puis à Querétaro sont correctes, le buteur ne s’acclimate pas au championnat mexicain. Il est de temps de reprendre en main son histoire. Fin 2014, la nouvelle du retour tant attendu arrive enfin.
Le retour de Paredes à Colo-Colo est le symbole d’un attachement profond du joueur envers le club. Alors que Colo-Colo peine à réunir la somme demandée par Querétaro, Paredes va mettre la main à la poche. Payant lui-même 10 % de son propre transfert (pour environ 100 milles $ US d’alors), il accepte également de baisser son salaire de moitié.
Des gestes forcément plébiscités dans un club dont les racines populaires sont souvent mises en exergue. Le public ne s’y trompe pas. La vente de maillots floqués “30” explose. Un numéro que Paredes ne choisit pas au hasard. Si Colo-Colo vient à remporter le titre, ce sera alors le 30e de son histoire. La Clausura 2014 sera alors un récital. Colo-Colo termine champion et Esteban Paredes explose tous les records. 16 buts en 13 matchs joués, terminant la saison sur un récital. Une victoire 5-3 sur la pelouse de Ñublense, avec les 5 buts inscrits par le seul et unique Paredes.
De son retour en 2014 jusqu’à son départ en 2020, Esteban Paredes vivra des jours fastes avec Colo-Colo
On peut dire, sans se tromper, que la période allant de 2014 à 2019 correspond à l’apogée de la carrière de Paredes. Au-delà des statistiques (136 buts marqués en 198 matchs disputés, et 38 passes décisives), Colo-Colo va grandement remplir son armoire à trophées pendant cette période. Vainqueur de l’Apertura 2015, de la Copa Chile en 2016 et 2019 et de la Supercopa en 2017 et 2018. Le club va également vivre de belles aventures continentales avec une épopée lors de la Copa Libertadores 2018, allant jusqu’en quart de finale, évincé par Palmeiras, après avoir sorti les Corinthians en huitièmes.
Mais l’évènement marquant est sans aucun doute le 5 octobre 2019. Colo-Colo reçoit la Universidad de Chile pour un nouveau Superclásico. Le moment choisi par Esteban Paredes pour rentrer encore un peu plus dans l’histoire du club et du football chilien. Alors que le score est de 1-1 à la 65e minute, Paredes permet à son équipe de prendre l’avantage. Un but qui n’est pas anodin. En marquant pour la 216e fois de sa carrière en première division, il devient le seul meilleur buteur de l’histoire du Chili, en dépassant les 215 buts de Francisco “Chamaco” Valdés, lui aussi une légende de Colo-Colo.
Celui qui est désormais le Máximo Goleador du football chilien en est donc à 219 buts marqués, dont 198 avec le seul maillot de Colo-Colo. Ce dernier chiffre le place à la 3e place des meilleurs buteurs du club, derrière les deux légendes Francisco Valdés (206) et Carlos Caszely (208). Esteban Paredes ira-t-il chercher ce nouveau record ?
L’intéressé ne cache pas en tout cas son souhait de revenir à Colo-Colo. Dans une interview accordée à une radio locale de Coquimbo, il annonçait vouloir prendre son jubilé en Primera División, et si possible dans un Monumental rempli. Le Pirata remontera pour sa part en Primera. Quel sera le destin de Esteban Paredes? S’il est trop tôt pour le dire, la seule certitude est que, à 41 ans, nous n’avons pas fini d’entendre parler ce joueur hors du commun.
Crédits photos : Getty Images