OnzeMondial
·1 juin 2021
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·1 juin 2021
C'est avec un large sourire que le portier de Leipzig a abordé cette interview via caméras interposées. Bien installé dans la salle de presse du club allemand, l'international hongrois s'est livré en toute franchise, prenant le temps de développer toutes ses réponses. Figure d'un des projets les plus ambitieux du monde, Gulácsi s'installe aujourd'hui comme l'un des meilleurs à son poste. Entretien avec un leader né.
Voici quelques extraits de notre interview de Péter Gulácsi. L'intégralité de cet entretien de 4 pages est à retrouver dans le magazine n°340 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 6 mai.
Comment s’est déroulée ton enfance ?
Je suis né à Budapest et j’ai toujours été un gamin très actif. Je jouais tout le temps avec les autres enfants dans un jardin à côté de chez moi. Mes parents souhaitaient que je fasse un peu de sport. Toute ma famille adorait le foot donc ça paraissait un choix logique. J’avais 5 ans et je suis tombé directement amoureux de ce sport. Je viens d’une bonne famille, dans un bon cadre. Jouer au foot, c’était d’abord un hobby puis c’est rapidement devenu mon truc préféré. En grandissant et en voyant que j’avais du potentiel, que j’étais parmi les meilleurs joueurs, ça m’a permis d’engranger beaucoup de confiance, une confiance que j’ai gardée encore aujourd’hui. Dans ma famille, l’école c’était vraiment très important. Ça devait être une priorité absolue de bien travailler à l’école, mais à côté de ça, ce qui me rendait vraiment heureux, c’était le football.
Jusqu’où as-tu été niveau études ?
Allier l’école et le football ce n’est jamais simple surtout que je suis parti très tôt en Angleterre. J’ai tout de même terminé le lycée, même si en Hongrie, le système est un peu différent. J’ai réussi à obtenir mon diplôme me permettant d’accéder aux études supérieures avec de très bonnes notes. C’est une belle réussite surtout que j’ai dû étudier seul en Angleterre pour préparer le test. Je travaillais souvent en ligne et parfois je devais rentrer pour les examens. Ça m’a demandé beaucoup d’efforts et d’énergie mais je voulais terminer ces études et avoir la possibilité d’aller à l’université juste après. Évidemment, en tant que footballeur professionnel, notre temps disponible pour des activités hors football reste très limité et notre agenda s’avère souvent très chargé, surtout lorsqu’on est un footballeur international. Du coup, même si ce n’est pas possible pour le moment, je garde l’opportunité de pouvoir poursuivre mes études lorsque le temps me le permettra.
Pourquoi avoir choisi le football ? Tu as essayé d’autres sports ?
Pas vraiment, non ! Ou alors si j’ai essayé d’autres sports, je n’y ai jamais accordé autant de temps qu’au football. Ma mère faisait du basket pour le plaisir, mais moi j’ai toujours été très attiré par le foot. J’ai toujours pensé que c’était ce que je voulais faire plus tard. Comme je te l’ai dit, même si j’étais bon à l’école, mon rêve a toujours été de devenir footballeur. Tout le monde en rigole un peu quand tu es enfant parce que ça fait partie des métiers – au même titre que pompier – de rêve pour les enfants. Moi j’ai toujours été très sérieux concernant ce rêve et une énorme opportunité s’est présentée lorsque j’avais 15 ans. J'ai intégré une académie en Hongrie et ça m’a permis de vraiment donner une chance à mon rêve de devenir footballeur. Deux ans plus tard, Liverpool m’a fait signer un contrat. Ça prouve que j’ai pris la bonne décision.
Comment es-tu devenu gardien de but ?
Quand on est enfant, on essaie différentes positions sur le terrain et je pense que j’avais 6 ans à cette époque-là. Avant un match, le coach nous a demandé qui voulait être dans la cage et je me suis proposé. Je ne sais pas comment t’expliquer ça, mais ça a matché direct. J’aime avoir le jeu devant moi, c’était vraiment une bonne sensation d’être gardien de but. C’est à ce moment là que j’ai su que je voulais jouer dans la cage. Je suis allé voir mes parents et je leur ai demandé si pour mon anniversaire je pouvais avoir des gants et depuis j’ai toujours été gardien. Même si lorsqu’on est petit, il y a plusieurs équipes en général dans les clubs, je jouais en tant que gardien avec l’équipe une et dans l’équipe deux je jouais dans le champ en tant que défenseur la plupart du temps. Rester gardien était probablement la meilleure décision (rires).
Qui étaient tes exemples ?
À mes débuts, j’ai grandi à travers Peter Schmeichel à Manchester United. Plus tard, aux alentours de 10 ou 12 ans, quand j’ai commencé à regarder les gardiens de plus près, c’était au tour d’Edwin van der Sar d’être au top avec Petr Cech aussi. Je commençais vraiment à scruter leur jeu et j’essayais de m’inspirer d’eux. J’ai eu l’opportunité de côtoyer Pepe Reina pendant 6 ans et lui aussi a été une grande influence pour moi. Dans le même temps, Neuer débutait et a beaucoup apporté dans le jeu des gardiens en le modernisant. Ce côté gardien de profondeur et très impliqué dans le jeu de l’équipe. Je pense que ce sont les gardiens qui m’ont le plus inspiré dans ma carrière.
Comment Péter Gulácsi peut-il devenir le meilleur du monde ?
Devenir le meilleur gardien du monde, c’est vraiment très très difficile. La concurrence est rude, il y a vraiment d’excellents gardiens dans le foot. Personnellement, j’ai découvert le haut niveau relativement tard, j’ai disputé ma première saison de Bundesliga à 26 ans. Mais je pense que sur les quatre à cinq dernières années, j’ai montré beaucoup de choses et je suis sur la bonne voie. Je vais avoir 31 ans cet été, c’est un bon âge pour un gardien, on reste jeune pour le poste et j’ai encore beaucoup de potentiel pour m’améliorer. L’expérience accumulée est aussi un bon point pour ma carrière. Être le meilleur du monde, je ne sais pas si c’est un objectif réaliste, le mien est de m’améliorer et d’essayer d’être meilleur chaque saison. C’est ce que j’ai fait jusqu’à présent et peut-être que cela me permettra d’être au moins cité parmi les meilleurs gardiens d’Europe.
En quoi le poste de gardien est-il si différent des autres ?
La position en elle-même est évidemment différente de celle des autres joueurs. Depuis 10 ou 15 ans, la position a énormément évolué, car les gardiens sont de plus en plus présents dans le jeu. Notre jeu au pied est plus sollicité et on doit être de plus en plus rapide dans la prise de décision pour l’équipe. On voit de moins en moins de gardiens à l’ancienne, aujourd’hui, le gardien participe vraiment au jeu avec ses coéquipiers et n’est plus un élément séparé du reste de l’équipe. Le gardien doit comprendre la manière de jouer de l’équipe et faire partie intégrante du jeu. Je pense que c’est une belle progression du poste de gardien et que c’est le futur de la position. Le jeu est de plus en plus rapide, les joueurs aussi, le temps de réaction baisse de plus en plus donc il faut vraiment savoir se placer, être dans la bonne position et être prêt à faire face à tous les scénarios.
Comment es-tu passé de la Hongrie à l’Angleterre ?
J’ai commencé à jouer pour l’équipe nationale lorsque j’avais 15 ans, dans une catégorie au-dessus de la mienne car j’étais surclassé. J’ai été repéré par Liverpool, à l’époque, il y avait une sorte de partenariat entre notre académie et le club anglais. J’ai été l’un des premiers joueurs à quitter l’académie pour l’Angleterre. C’était évidemment un pas énorme dans ma carrière, rejoindre un club aussi immense à l’âge de 17 ans, c’est vraiment incroyable.
Tu ne t’es pas imposé à Liverpool, est-ce un regret ?
Avec du recul et en regardant où je suis maintenant, absolument pas. Bien sûr, il y a des moments où avec un peu de chance j’aurais pu jouer avec Liverpool, mais aujourd’hui j’évolue dans un top club en Bundesliga qui dispute la Ligue des Champions et je suis le numéro 1 de ma sélection. Je pense que je ne peux être qu’heureux de la tournure des choses. J’ai joué pendant six ans pour un grand club en Angleterre qui m’a permis de grandir, prendre de l’expérience. À l’âge de 23 ans, j’ai choisi de donner à ma carrière une autre trajectoire et je suis content d’avoir pris cette décision. Je n’ai aucun regret car je suis vraiment content des six années que j’ai passées en Angleterre.
Tu as été prêté à trois reprises, comment vit- on le fait d’être ballotté à chaque fois ?
Je pense que le système des prêts en Angleterre est vraiment intéressant surtout pour les jeunes joueurs et les gardiens. Si tu ne joues pas beaucoup avec l’équipe première ou l’équipe réserve, tu as l’opportunité d'évoluer dans des clubs de divisions inférieures. Les prêts d’urgence sont une vraie bonne opportunité. Lorsque j’avais 19 ans, je jouais en troisième division et c’était une vraie bonne expérience. Quand tu joues en réserve, les joueurs ont principalement le même âge que toi, mais dans ces divisions-là, ce sont des adultes et la pression est totalement différente. C’est vraiment très formateur et je pense qu’un jeune joueur peut vraiment tirer beaucoup de ce genre de prêt.
Penses-tu que ton passage à Salzbourg soit le tournant de ta carrière ?
Dans un sens oui parce qu’après six ans à Liverpool, j’avais vraiment besoin d’un nouveau challenge et d’aller dans un club où j’avais une vraie chance d’être numéro 1. J’ai obtenu cette confiance de Salzbourg. C’était un challenge très intéressant de par le nombre de matchs et du projet très professionnel que proposait Salzbourg. C’était une opportunité fantastique. Ça m’a permis de devenir international, de disputer 100 matchs en deux saisons, de beaucoup m’améliorer et de mettre en pratique ce que j’ai appris en Angleterre pour tout donner sur le terrain.
Tu es à Leipzig depuis quasiment six ans, comment vois-tu l’évolution de ce club ?
Je pense que le club a grandi beaucoup plus vite que ce à quoi les gens s’attendaient. Quand j’ai rejoint le club, il évoluait en deuxième division avec pour objectif de monter. Nous l’avons fait dès la première saison. Généralement, lorsqu’un club découvre la Bundesliga, ses objectifs sont plutôt bas. L’objectif est souvent de faire une saison solide en espérant ne pas être menacé par la relégation. Nous, on a fait une saison incroyable et on a terminé deuxième du championnat ! On est devenu l’un des meilleurs clubs d’Allemagne et on évolue même au niveau international. Notre évolution est absolument fantastique et je pense qu’on a dépassé les attentes. Aujourd’hui, on s’est installé dans une nouvelle dynamique, les attentes sont plus élevées et les exigences aussi. Notre seul objectif, c’est de continuer à progresser et réussir.
Que manque-t-il à Leipzig pour terminer devant le Bayern ?
C’est une question difficile ! Si on regarde de près, on s’est amélioré année après année depuis notre arrivée en Bundesliga. Mais depuis 10 ans maintenant, le Bayern réalise vraiment quelque chose de spécial. Quand je dis ça, je ne parle pas seulement de la Bundesliga parce que c’est également le cas au niveau international. Tout leur réussit et ce n'est pas du tout un challenge simple pour les clubs de terminer devant eux. Pour réussir ça, il faut certainement une saison où le Bayern n’est pas aussi régulier et durant laquelle tout va dans ton sens. Pour l’instant, on se concentre sur nous et on se compare à nos propres performances. Si on regarde par rapport au même moment la saison passée, on a récolté plus de points et on est meilleur sur le terrain. On a encore quelques matchs à disputer et on va se concentrer sur le fait de continuer à gagner et de nous stabiliser, on verra ce qu’il se passera à la fin.
L’effectif est très jeune, ne te sens-tu pas comme un « vieux » dans le vestiaire ?
Au contraire ça m’aide à me sentir plus jeune à force de côtoyer des joueurs aussi jeunes (sourire). À 30 ou 31 ans, on est encore dans un très bon âge en tant que gardien, donc je ne me sens pas vieux. Par contre, je peux utiliser mon expérience et ce que j’ai réussi à acquérir tout au long de ma carrière pour aider les jeunes dans le vestiaire. C’est ce que j’essaie de faire, être quelqu’un d’important et un leader à l’intérieur de l’équipe. Jusqu’ici ça se passe plutôt bien. On a des caractères différents dans l’équipe et des personnalités différentes, mais c’est important d’avoir des leaders et c’est une position dans laquelle je me développe bien.
Mukiele, Upamecano, Nkunku, Konaté, que peux-tu nous dire sur les Français du club ?
Ils ont un talent incroyable. La formation française est peut-être l’une des meilleures en Europe, il suffit de voir les joueurs qui sortent chaque année. Ce sont vraiment des bons mecs très drôles dans le vestiaire. Je pense que la plus grande épreuve pour eux comme pour chaque jeune joueur est d’afficher la régularité au haut niveau. Ils ont la qualité pour figurer parmi les meilleurs joueurs du monde, mais ils doivent prouver qu’ils peuvent réaliser de très grandes prestations chaque semaine. Ils sont sur la bonne voie. Si on regarde de plus près, Upa est là depuis presque cinq ans et son évolution en ce laps de temps est incroyable. Konaté a souffert de quelques blessures qui l’ont freiné mais c’est un des plus gros potentiels d’Europe à son poste. Pour Christo, lorsqu’il est arrivé du PSG on a directement vu sa qualité, c’est vraiment un joueur fantastique avec le ballon, belle qualité de passe, superbe finition. Il peut devenir un gros joueur pour l’équipe de France même si ce n’est pas simple de se faire une place dans cette sélection ces derniers temps. Nordi peut jouer à plusieurs postes, il est aussi bon en arrière central qu’en latéral droit. C’est un joueur très flexible qui s’est beaucoup amélioré depuis qu’il est avec nous, il est de plus en plus régulier et c’est devenu un gars important de l’équipe.
Tu vas affronter l’équipe de France à l’Euro, que sais-tu de cette sélection ?
Ce n’est pas difficile de connaître cette équipe car la plupart des joueurs évoluent dans des tops clubs et ils sont quand même champions du monde. On n’a pas le tirage le plus facile parce qu’on va devoir jouer contre le Portugal, l’Allemagne et la France, c’est un gros challenge. Notre équipe a beaucoup progressé ces dernières années et on a un bel amalgame de jeunes joueurs et de garçons plus expérimentés. On connaît notre place, nous ne sommes pas les favoris, mais nous jouerons à la maison, ça pourrait nous procurer un avantage surtout si l’on peut évoluer avec des supporters dans le stade. Le match contre la France s’annonce très difficile, ils ont tellement de bons joueurs. J’espère qu’on arrivera à avoir de bons résultats sur les trois matchs, car compte tenu du format de la compétition, 3 points pourraient nous permettre de passer au second tour.
Selon toi, qui est le plus gros danger de l’équipe de France ?
Encore une question difficile (rires) ! Bien sûr, Kylian Mbappé est probablement la star n°1 de l’équipe, mais derrière, il y a des gars comme Griezmann ou même Olivier Giroud qui n’est pas loin de battre le record de buts pour sa sélection. Au milieu, ils possèdent des joueurs fantastiques. Une fois mise en place et organisée l’équipe est vraiment très dangereuse. À part Hugo Lloris, n'importe qui peut marquer (rires) ! On a évidemment beaucoup de respect pour l’équipe de France, mais nous donnerons le meilleur de nous-mêmes et nous essaierons de leur rendre le match difficile.
Que peux-tu nous dire sur la sélection hongroise ?
Il y a eu beaucoup de changements depuis l’Euro 2016, nous avons eu besoin de temps pour nous stabiliser. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de bons jeunes dans cette équipe, ils évoluent pour la plupart dans de bons clubs européens au sein de bons championnats, cela contribue au développement de notre équipe. Nous sommes une équipe difficile à jouer, on se bat pour le ballon, on est organisé et on a une bonne tactique. Si on arrive à tout mettre en place sur le terrain, on peut mettre en difficulté les meilleures équipes en Europe.
Un football né en France, Loïc Nego, joue désormais pour la Hongrie. Qu’est-ce qu’il apporte ?
Il marqué l’un des buts les plus importants de l’histoire du pays sur les dix dernières années face à l’Islande lors des barrages. C’est un mec fantastique, un bon joueur de ballon, rapide qui nous donne des options différentes. À côté de ça, c’est un mec génial, très humble, heureux de jouer pour la Hongrie. Il habite là-bas avec sa famille et est très heureux, j’espère qu’il aura un beau futur avec notre équipe.
On a l’impression que tu veux être reconnu pour être une bonne personne avant d’être un bon joueur de foot. C’est exact ?
J’aimerais inspirer d’autres gamins qui rêvent d’être footballeurs. Je veux être la preuve qu’ils peuvent réaliser leur rêve. J’avais du talent, mais je ne faisais pas partie des enfants à qui on prédisait le meilleur avenir, je n’étais pas une super star en devenir. J’ai travaillé dur, j’ai pris les bonnes décisions dans la vie et pour ma carrière. J’essaye aussi de vivre une bonne vie avec ma famille que j’aime. J’ai reçu tellement d’amour et de soutien que j’ai envie de leur rendre tout cela et montrer le bon exemple.
Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente, ce serait quoi ?
Une phrase ? (Il réfléchit)… Tu aurais du me prévenir avant l’interview, j’y aurais réfléchi ! (Rires).
Si tu devais te noter pour cette interview, tu te mettrais combien ?
Je n’aime pas donner des notes ou me noter. Mais si je devais ajouter quelque chose, ça ne serait pas une phrase, mais juste l’envie de faire les choses bien. J’écoute toujours ce qu’on me dit, les conseils qu’on me prodigue, je garde toujours en mémoire mes objectifs et je crois que c’est comme ça qu’on arrive à faire de grandes choses. C’est comme ça que je vis ma vie et ma carrière. Toujours croire que je peux y arriver et faire les choses bien, les choses justes tout le temps. C’est le minimum pour aller loin.
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