OnzeMondial
·25 avril 2024
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·25 avril 2024
Après avoir découvert la Ligue 1 à l’ASSE, Yvan Neyou a décidé de poursuivre sa carrière à Leganes, en deuxième division. En moins de deux ans, il s’est imposé comme un élément indiscutable d’une des équipes les plus séduisantes de deuxième division, tout proche de rejoindre la Liga. Entretien « normal » avec un « mec normal ».
Bonjour Yvan, comment vas-tu après ce nouveau match nul, le quatrième 0-0 de suite ?
Ça va. Il faut gagner maintenant. Cela fait quatre fois de suite qu’on fait 0-0. Il faut gagner, il n’y a pas plus simple. On ne prend pas de but, il y a du positif à tirer, ça fait sept ou huit matchs que l’on ne perd pas, il ne faut pas voir tout noir. C’est voir le verre à moitié vide, ou à moitié plein.
Dans quel état êtes-vous au moment d’aborder le sprint final ?
Pas trop stressé, ça va. Les gens sont conscients qu’on joue quelque chose d’important, mais je ne ressens pas de pression particulière. Je ne vois personne avoir la pression, tout le monde est calme dans le groupe.
Un seul objectif, le titre ?
Évidemment !
Mine de rien, avec 22 équipes, ça fait des saisons encore plus longues !
Oui, mais je l’aborde de la même manière. Ça fait quatre matchs en plus que d’habitude. Ça ne change pas énormément de choses. Niveau préparation, intensité, tout se passe bien.
L’an dernier, vous avez terminé 14e, cette saison, vous jouez le titre, comment tu expliques ce renouveau ?
Parfois, il y a des éléments que l’on ne peut pas contrôler. Il peut y avoir un facteur de chances sur certains matchs, la cohésion du groupe est peut-être mieux, on est plus soudé. Du coup les choses vont dans notre sens. C’est une accumulation de bonnes choses qui sont apparues cette saison et qui font qu’on se retrouve là !
Ça coïncide aussi avec l’évolution de ton temps de jeu qui a évolué depuis l’an dernier !
Je ne me suis jamais dit ça. Mais oui, c’est factuel. Je ne me sens pas plus important qu’un autre.
Qu’est-ce que tu apportes dans cette équipe ?
Mon tempérament fait sûrement du bien à l’équipe, mes sorties de balles. Je suis un joueur un peu plus agressif que la moyenne vis-à-vis des autres joueurs espagnols. C’est ce genre de petits trucs qui ont poussé le coach à me faire confiance. J’ai toujours été un joueur assez agressif sur le terrain. Avant même mon passage en France. À Sainté, on se plaignait de moi, car je prenais trop de cartons jaunes.
Te sens-tu pleinement épanoui à Leganes ?
Complètement, il n’y a rien à dire. J’espère vraiment pouvoir monter avec cette équipe. Ce club le mérite. Personnellement, je suis épanoui au possible. La manière dont les gens me traitent, comme je suis reçu, l’environnement un peu moins stressant qu’en France. C’est un football qui me parle un peu plus. Je suis à l’aise dans ma maison tranquille, personne ne me dérange. Il y a tout pour être apaisé. C’est un équilibre que j’ai pu trouver pour profiter du football au maximum.
As-tu senti que tu avais progressé en Espagne ?
Dans la qualité de passe notamment, et au niveau tactique, mais aussi mon jeu long.
Et en axes d’améliorations ? La feuille de statistiques est un peu maigre (un but).
Je travaille dessus, mais dans mon équipe, j’ai un rôle très défensif. Au regard de la plupart des milieux qui jouent très bas comme moi, ils ne mettent pas non plus 10 buts et neuf passes décisives. Oui, j’aimerais pouvoir mettre quelques buts et passes décisives en plus. Mais au poste où je joue cette année, ça n’est pas forcément ce qu’on me demande.
As-tu l’impression d’être devenu un cadre du vestiaire après deux ans ?
Je ne me sens pas forcément comme un cadre, mais je pense que dans certains moments, j’ai le droit à la parole. Tout le monde a le droit à la parole, mais des gens vont sûrement plus m’écouter grâce à mes expériences passées. Je sens que je peux être écouté.
En parlant de prise de parole, il y a forcément cette scène où tu prends la parole après le match gagné face à Amorebieta suite à une rencontre où tu écopes d’un carton rouge.
Ce jour-là, je ne savais même pas que j’étais filmé. Ils me l’ont dit qu’après que j’étais filmé. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient le mettre sur les réseaux. Je n'étais même pas au courant de l’ampleur que ça avait pris. Je respecte tout le monde donc tout le monde me respecte, ça permet de développer de bonnes relations.
Ton espagnol a l’air parfait !
Parfait, c’est peut-être un peu exagéré, mais il est bon oui. Je ne parlais pas espagnol, mais j’ai rapidement pu apprendre, en quelques mois. On est obligé, sinon, on ne peut pas rigoler avec les copains, on ne peut faire des blagues, on ne sait pas quand on parle de toi.
Le fait d’avoir beaucoup bougé dans ta carrière, ça t’aide à te faire rapidement ta place ?
Oui, je sais comment m’y prendre pour me faire une place à mes débuts, ce qu’il faut faire et ne pas faire, dire et ne pas dire.
Comment est ton quotidien en Espagne ?
J’habite juste à côté de Madrid. Vivre dans Madrid, ça ferait trop loin pour venir à l’entraînement. Le quotidien est différent de ce que j’ai vécu à Saint-Étienne. Il y a un peu plus de choses à faire à Madrid. Dans l’après-midi, je peux aller me promener dans les rues de la ville même si ça n’est pas pour faire les magasins. Parfois, je peux aussi rester chez moi tranquillement, dormir, un peu de consoles de jeu. Le fait d’avoir le choix dans tout ça, ça me fait du bien.
En parlant de s’occuper, tu as aussi déjà investi dans différents business (un bar, un coiffeur et une application de lavage de voiture) !
J’aime bien découvrir de nouvelles choses. J’aime bien tout ce qui tourne autour du business. Si je me trompe aujourd’hui dans mes choix, ça me permettra de ne pas reproduire les mêmes erreurs dans quelques années, quand j’aurais terminé ma carrière. Autant faire les erreurs maintenant, voir comment les choses se passent, pour prendre de l’expérience le plus vite possible. Ça fait déjà un moment que je me suis lancé là-dedans.
Madrid, c’est aussi une ville de foot : le Real Madrid, l’Atlético Madrid, mais aussi Getafe, le Rayo Vallecano, Leganes…. Ça respire le ballon rond !
J’ai une scène de fou en tête. Je n’avais jamais vécu cela en France. La semaine dernière, durant le match entre le Real Madrid et Manchester City, j’ai eu l’impression que la ville entière était à l’arrêt. On ne peut même pas avoir idée. La ville était complètement arrêtée. Tout le monde regardait le match, tout simplement. Il n’y avait pas de voitures sur la route, incroyable. J’étais choqué. Je suis passé vers une rue où il y a beaucoup de bars et restaurants. Les gens étaient captivés par le match, ils ne parlaient pas entre eux. Ça m’a surpris ! En France, même quand Paris joue, on ne voit pas ça. Madrid, c’est à part pour ça.
Tu as un contrat jusqu’en 2025 avec Leganes, et vous allez sûrement monter en Liga. Tu te poses des questions sur ton avenir ?
Pas du tout. Je suis très bien à Leganes. Je ne réfléchis même pas au futur, je ne me pose même pas la question. L’objectif, c’est jouer en Liga avec Leganes.
Il y a aussi un homme qui vient avec ton renouveau cette saison, c’est ton coach Borja Gimenez !
C’est un entraîneur jeune. Il nous comprend un peu plus nous. Je suis une génération en dessous de lui. Il a une petite dizaine d’années de plus que moi, il a 39 ans, j’ai 27 ans. Il nous comprend bien. Il n’a pas joué au football à haut niveau. Il essaie de se mettre à notre place. C’est pour ça qu’il est toujours dans le dialogue. Quand il se passe quelque chose sur le terrain, il nous demande notre avis, notre ressenti, c’est ça que j’apprécie. Il a cette capacité à se remettre en question. Ça nous est déjà arrivé de faire une mauvaise première mi-temps. À la pause, il s’excuse en disant qu’il s’est trompé sur le positionnement de certains joueurs ou sur la tactique. C’est rare d’entendre ça. Je n’avais jamais vu ça avant dans un vestiaire.
Ça n’est pas commun de voir des entraîneurs de haut niveau n’ayant pas été professionnel !
Ça fait de lui un coach singulier. Dans le football, il y a beaucoup d’ego. Avoir un coach qui a été joueur, peut-être qu’il peut penser que tout ce que lui savait faire, c’était normal. Comme lui savait le faire, il se dit que tout le monde sait le faire, alors que non. Tout le monde ne pense pas forcément comme toi. C’est propre à chacun. J’ai eu de la chance, car la plupart des coachs que j’ai eus, qui étaient d’anciens joueurs, je me suis bien entendu avec eux.
Des anciens joueurs comme Claude Puel !
Avec le coach Puel… c’est un génie le coach ! Avec lui aussi, j’étais épanoui dans mon jeu, dans la manière de parler football, la confiance qu’il m’a transmise. J’étais aux anges.
En plus, quand tu arrives à Saint-Étienne, il y a certains bruits disant que tu es un joueur turbulent, ce qui n’a pas été le cas.
C’est l’histoire de ma vie en France. On m’a toujours fait passer pour quelqu’un de turbulent. C’est impressionnant. Je n’arrive pas à comprendre. Il n’y a qu’en France qu’on dit ça, jamais au Portugal ou en Espagne. Personne ne m’a jamais dit ça. À Saint-Étienne, on n’a vu que je n’étais pas comme ça, pas un mec à histoire. Au contraire, je suis quelqu’un de toujours souriant, avec un caractère, certes, mais ça ne veut pas dire turbulent. J’ai un gros caractère, sur le terrain, je n’aime pas perdre. Ça peut m’arriver de m’embrouiller après les défaites, mais c’est par déception. Cela reste sur le rectangle vert, ça ne va pas au-delà.
Quel souvenir gardes-tu de Saint-Étienne, avec forcément cette descente en Ligue 2 ?
Sans Sainté, je ne suis pas le joueur que je suis aujourd’hui. Tout le monde me connaît en France grâce à l’ASSE.
Il y a notamment cette première entrée en finale de Coupe de France contre le PSG !
Oui, on m’en parle encore aujourd’hui alors que c’était en 2020 ! Beaucoup de gens se basent sur ça pour me connaître. Il faut savoir qu’à ce moment, on est réduit à 10 et on perd 1-0. Sur le moment, il faut tout lâcher, quitte à en faire encore plus, il fallait tout tenter. Mais après, quand tu joues un championnat à 38 journées, tu dois être plus rigoureux tactiquement, ça n’est pas une finale de Coupe de France face au PSG où tu es en infériorité numérique. J’ai eu de la chance, car je n’ai jamais vraiment été critiqué par les supporters. Ils ont compris que j’étais un joueur qui ne trichait pas, qui donnait tout, tout le temps. C’est le premier problème des supporters. Quand tu te bats, ils apprécient, quand tu ne te bats pas, ça devient compliqué. Les supporters de Sainté m’ont très rarement critiqué. Au final, j'avais mes habitudes en plus. J’étais super bien. Si l’ASSE ne descend pas, je suis encore à Sainté. J’aurais pu faire 5-6 ans pour être un joueur encore plus confirmé. Si tu joues à l’ASSE, tu changes pour aller où ?
Surtout que c’est un club qui jouait l’Europe quelques années auparavant.
Oui, en plus de cela, au club, tout le monde m’aimait bien. La direction m’aimait bien, je n’avais de problèmes avec personne. Tout roulait. J’en garde un très bon souvenir.
Après cette expérience, tu te retrouves à Leganes. Est-ce que ça te fait bizarre de te dire que tu quittes une première division pour une deuxième division ?
J’étais dans un état d’esprit où je voulais découvrir un championnat que je ne connaissais pas, mais qui me parlait tactiquement, techniquement, qui me ressemble et qui colle avec mes qualités. Je ne me dis pas, « oh non, c’est un club de deuxième division, je n’y vais pas ». Je ne suis pas quelqu’un qui se prend au sérieux. Que je puisse vivre de mon football, c’est déjà génial. On a trouvé des accords, mais moi, ce que je veux, c’est jouer au football. Je m’en fous du reste.
Durant ton passage à Saint-Étienne, tu as aussi pu découvrir la sélection camerounaise !
C’est pour ça que je dis que je ne pourrais jamais oublier Sainté. C’est ma première Coupe d’Afrique en 2022, et la deuxième en 2024.
Comment as-tu vécu le retour en sélection après un an et demi d’absence ?
De la manière la plus normale possible.
Tu es un mec normal, en fait ?
Ça se voit non ? Quand tu me parles, j’espère que tu te dis, « c’est un mec grave normal ». Ça n’est pas parce que je joue au football que je suis quelqu’un de différent. À Madrid, ce que j’adore, c’est de pouvoir aller n’importe où en étant quelqu’un de normal. Il y a le Real Madrid, l’Atlético Madrid, Getafe, le Rayo Vallecano… mais Yvan Neyou qui joue à Leganes, personne ne le connaît, on s’en fout de sa vie.
Tu n’as jamais couru après la célébrité.
Oui, voilà. Ça ne m’a jamais attiré. Je suis déjà allé dans des endroits où on me demande ce que je fais dans la vie. Je réponds que je travaille à Microsoft (rires). Je te jure. Et on me croit. Et après on discute d’autres choses.
Au Cameroun, par contre, on te reconnaît !
Au Cameroun, c’est différent. Quand tu joues devant 27 millions de Camerounais, c’est différent, sans compter tous les Camerounais dans le monde. C’est normal qu’on me reconnaisse. Même en France je suis reconnu, un petit peu, et pourtant, je ne suis pas un joueur du Paris Saint-Germain. À Saint-Étienne, c’était un peu plus compliqué quand j'allais faire les courses. Les gens ne te lâchent pas, ils sont super présents, les gens sont vraiment gentils. Après, je n'ai jamais été attiré par la célébrité.
Avec le Cameroun, tu as de belles échéances qui arrivent (CAN 2025 au Maroc, Coupe du Monde 2026 aux États-Unis) avec le nouveau sélectionneur Marc Brys.
Oui, je pense que le nouveau sélectionneur va prendre le temps de parler avec certains cadres pour aborder le futur. Ça fait rêver, ça donne envie. Je ne sais pas si je serai sélectionné, mais j’aimerais bien pouvoir jouer ces grandes compétitions. Si j’arrive à les jouer, je serais le plus heureux. Si je n’y arrive pas, c’est que j'ai failli à ma mission.
Et la mission l’an prochain, c’est se faire un nom en Liga ?
Voilà, jouer les trouble-fête en championnat !
Qu’est-ce qu’on peut se souhaiter pour cette fin de saison ?
La montée ! Je peux être le plus nul possible, mais je veux que mon équipe monte. Le collectif avant tout.
Par contre, si tu es champion, on te reconnaîtra un peu plus dans les rues de Madrid et Leganes…
Dans les rues de Leganes, oui, Madrid, je ne sais pas !
Tu es prêt à te faire reconnaître dans les rues si c’est pour être champion !
En vrai, je suis déjà un peu reconnu à Leganes. Mais bon, ça n’est pas difficile, un grand Camerounais avec des locks. (Rires) !
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