Tribune Nantaise
·11 avril 2025
« Il nous apportait cette force de croire en nous », Nicolas Ouédec sur Coco Suaudeau

Tribune Nantaise
·11 avril 2025
Ancien attaquant du FC Nantes et champion de France 1995, Nicolas Ouédec revient sur sa carrière, sa relation avec Jean-Claude Suaudeau, et son amour du jeu pur, loin des projecteurs et des dérives modernes du football.
Dans une interview intime et passionnée au micro de Daniel Ollivier pour La Maison Jaune, Nicolas Ouédec replonge dans ses souvenirs au FC Nantes, club où il a évolué en professionnel de 1989 à 1996. Formé par Raynald Denoueix et encadré par Jean-Claude Suaudeau, il a grandi au sein d’une génération dorée qui atteindra le sommet avec le titre de champion de France en 1995.
Ses premières années, sous les ordres de Miroslav Blazevic, sont marquées par une ambiance de travail difficile et des méthodes répétitives. « C’était n’importe quoi », confie Ouédec, en évoquant les entraînements mécaniques et sans âme. « Je suis heureux de jouer, mais je sentais bien que ce coach ne voulait pas s’inscrire dans la durée », poursuit-il. Pourtant, ce contexte n’altère pas son enthousiasme de jeune joueur intégré à une équipe talentueuse. « Nous avions une très belle équipe, et à 17 ans, j’étais juste heureux d’être sur le terrain ».
Le tournant intervient en 1991 avec le retour de Jean-Claude Suaudeau. À ses côtés, Ouédec découvre un football basé sur la liberté et la responsabilisation. « Coco nous laissait libres d’agir. Il nous faisait confiance malgré notre jeunesse », raconte-t-il.Plus qu’un coach, Suaudeau est un guide, un mentor. « Il avait cette envie permanente de nous faire progresser », se souvient l’ancien buteur.Il insiste sur le climat de respect mutuel : « On le connaissait, il nous connaissait, c’était facile de travailler ensemble ». Même les rares échanges individuels sont riches de sens : « J’avais besoin d’être libre et pas dans l’affect », confie-t-il, soulignant une relation faite d’autonomie et de compréhension.
La confiance, dans ce duo joueur-entraîneur, est à double sens. « Le coach te donne de la confiance, mais il a aussi besoin d’en recevoir en retour », explique Ouédec.Il raconte un épisode révélateur après une lourde défaite contre Leverkusen : « Je lui ai dit : “J’y crois coach.” C’est ce qu’il avait envie d’entendre ». Une phrase simple mais qui illustre la force du lien qui les unit :« L’entraîneur puise aussi son énergie dans ses joueurs ».
Malgré tout, la relation n’était pas sans tensions. « J’ai claqué parfois la porte de son bureau », admet-il. « Dans une relation, c’est comme dans un couple : il y a des hauts et des bas. Mais au fond, il y a de l’affection et de l’amour ». Une belle manière de résumer l’humanité du travail mené avec Suaudeau.
Pour Ouédec, la force de Jean-Claude Suaudeau résidait dans sa philosophie tournée vers la construction. « Il regardait très peu le jeu de l’adversaire, il se focalisait sur nous et nos qualités », se souvient-il. « Il nous apportait cette force de croire en nous », ajoute-t-il avec admiration. Une approche loin des méthodes destructrices : « Pour certains coachs, la démarche consiste à détruire plus qu’à construire. Ce n’était pas son cas ».
La fin de carrière de Suaudeau est marquée par les mutations du football moderne. « Le monde du football avait tellement changé que ce n’était plus le sien », affirme Ouédec. « À force de devoir tout reconstruire, c’était trop pour lui », dit-il, évoquant la lassitude de son ancien mentor face aux départs successifs de joueurs.
Ouédec a choisi de s’éloigner totalement du football après sa carrière.« Je voulais me prouver que j’étais capable de réussir ailleurs », explique-t-il. Il confie un rapport compliqué à l’exposition médiatique :« La relation avec la presse ne m’intéressait pas. Je ressentais le besoin de préserver ma vie privée ».Aujourd’hui encore, il reste fidèle à sa nature discrète :« Je ne pourrais pas être footballeur professionnel aujourd’hui », assure-t-il. Et de conclure avec une phrase qui résume toute sa carrière : « J’ai aimé le football pour le jeu ».