Furia Liga
·28 août 2019
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·28 août 2019
Alors que le 25 août étaient célébrés les 75 ans de la Libération de Paris du joug nazi, revenons sur les traces d’un international espagnol qui a participé à cet événement historique : José Padrón. Ailier gauche de formation, l’Ibère a joué en Espagne avant de rejoindre la France pour le football puis pour se battre contre les forces de l’axe. Retour sur l’histoire incroyable d’un grand de ce monde.
Avant que les Iles Canaries nous offrent la magie et l’élégance balle au pied d’un Juan Carlos Valerón, elles donnèrent au football un autre enfant plein de grâce, José Padrón, né en 1907 à Las Palmas, en même temps que le football se développait dans la plupart des pays européens. Un sport qui est arrivé par les ports et la diaspora de la puissance commerciale britannique. D’ailleurs ça ne s’invente pas, notre José est docker, pour une entreprise suédoise, ce qui lui vaudra le surnom « El Sueco » sur les terrains de football. Son histoire avec le balompié est belle, grandiloquente dans une période où le football n’était pas du tout professionnel, mais ce qui va faire de José Padrón un être à part c’est une autre partie de sa vie. Flashback.
C’est certainement dans son travail et dans sa vie dans le quartier ouvrier de « la Isleta » que José va développer ses idées politiques, ses convictions anarchistes, ce qui n’est pas sans importance dans le contexte de l’entre-deux guerres. Du côté du football, José Padrón est un joueur offensif, évoluant sur le côté gauche de l’attaque. Il débute au Santa Catalina à 15 ans, où ses dribbles et la victoire dans le championnat régional de 1924 en font vite un des joueurs préférés de l’île, au point d’être remarqué et signé par un club plus puissant : le Real Victoria.
Club référence, la formation joue souvent contre les équipes de la péninsule en tournée aux Canaries. A cette époque, les confrontations inter-régions officielles ne sont organisées que pour la Copa Del Rey. Alors pour meubler le temps entre deux compétitions, les clubs organisent des tournées un peu partout en Espagne. En 1925, le Real Victoria enchaine les matchs à Madrid, Barcelone, Valence ou encore Saragosse. José Padrón a alors 18 ans, et affronte avec son club tout ce qui se fait de mieux en Espagne. Virevoltant sur son aile, l’insulaire finit par se faire remarquer et signe à l’Espanyol, il rejoint le monument Ricardo Zamora notamment. La carrière du docker est à un tournant.
Avec le génial Canarien dans ses filets, l’Espanyol espère renouer avec la victoire, le championnat de Catalogne lui échappant depuis 1918. Si les premières saisons sont plus marqués par des impératifs économiques, notamment avec une tournée en Amérique du Sud pour remplir les caisses du club, où le Canarien performera encore, l’Espanyol va enfin se lancer à la conquête du titre en 1928.
La qualité Padrón, ses dribbles, sa menace constante sur les défenses, seront suffisants pour enfin renouer avec le trophée qui était dans les mains du FC Barcelona depuis 5 saisons d’affilée, lors de la saison 1928-1929. L’insulaire sera notamment décisif face au Barça en marquant lors du derbi. L’Espanyol et Padrón ne vont pas s’arrêter en si beau chemin, une fois maître en Catalogne ils vont s’imposer à l’échelle nationale en remportant la Coupe d’Espagne 1929, qui faisait office de championnat national avant l’heure. Ce trophée va propulser définitivement l’Espanyol parmi les grands d’Espagne et dans la légende, cette finale contre le Real Madrid à Mestalla étant restée dans les mémoires de par ses conditions de jeu notamment. La rencontre se jouant sur un terrain inondée et est encore connue sous le nom de « la final del agua ».
Les performances du joueur offensif de l’Espanyol vont aussi le propulser en sélection espagnole, il jouera 5 matchs avec l’Espagne avec notamment la victoire sur les Anglais 5 à 4, victoire historique car première défaite anglaise de son histoire hors du territoire britannique, avec encore une grosse performance de Padrón qui fera se questionner le capitaine anglais, Jack Hill : « C’était un homme ou un démon ?« . Lors de ces 5 matchs, José Padrón devient le premier Canarien international espagnol et le premier joueur de l’Espanyol a marqué avec la sélection (2 buts lors de sa première sélection contre le Portugal).
José continue à jouer à haut niveau mais petit à petit l’Espanyol décline, notamment à cause de problèmes financiers qui entraîneront la vente de Zamora au Real Madrid. Padrón se met à dos ses dirigeants et finit par être vendu en 1930 au FC Séville alors en seconde division, un mariage qui ne fonctionnera pas vraiment. Barcelone manque à Padrón, pas forcément le footballeur, mais l’homme. Barcelone est à l’époque le berceau de l’anarchisme, idéologie que José a chevillé au corps. Il reviendra en 1933, au FC Barcelone, mais aura plus la tête à son engagement qu’au football. En 1934, le contexte espagnol est tendu, la Guerre Civile n’est jamais bien loin. Après mûre réflexion, ne se sentant pas en sécurité et sa carrière étant au point mort il décide de se diriger vers la France.
Sa carrière en France montrera finalement qu’il n’a plus vraiment le niveau. D’abord à l’Olympique d’Alès il connaîtra la relégation (1935/1936), il signe ensuite à l’AS Cannes où il aura une faible contribution et finira par quitter le club à mi-saison, puis il finira tout de même par remporter le titre de champion de France 1938 avec Sochaux, plutôt en « fond de banc » comme on dit : 10 matchs, 2 buts. Le football devient rapidement secondaire, l’Espagne est déchirée par la Guerre et celle-ci pointe le bout de son nez sur la scène européenne… elle éclatera en 1940.
S’il continuera à jouer au football, avec notamment un titre de « champion de la France occupée » avec le Red Star en 1940, et deux saisons au Stade de Reims (1941-1943), José Padrón rejoindra surtout la Résistance et finira par entrer dans les files de « la Nueve ». Cette 9e compagnie où s’étaient regroupés 146 Républicains Espagnols continuant leur lutte contre le fascisme ailleurs que dans leurs pays où le mal était déjà enraciné. Cette compagnie, appartenant la Division Leclerc, sera déployé en Afrique du Nord, débarqua en Normandie et entra dans la postérité pour être la première force alliée à entrer dans Paris libérée le 25 août 1944.
La suite ? On sait très peu de choses, hormis qu’il est à mort à Paris le 3 décembre 1966, sans jamais remettre un pied sur son île natale. Aujourd’hui une porte est nommée en son honneur dans l’antre de l’Espanyol de Barcelone, une manière de résister à l’oubli, comme beaucoup de Républicains.
Patrice Redondo
@Cuatrocinc0
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