BeFootball
·19 janvier 2024
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·19 janvier 2024
Le nom d’Yvan Neyou évoque certainement quelques souvenirs quand on est un suiveur du football français. Pour avoir des nouvelles du Camerounais, il faut se rendre à Madrid. L’ancien Stéphanois s’est installé à Leganés, et concourt à la montée en Liga avec son équipe. De quoi être rappelé en sélection par Rigobert Song en novembre dernier. Le natif de Douala avait presque connu deux ans sans sélection avec les Lions Indomptables, malgré un amour démesuré pour son pays, celui de ses parents. “S’il avait eu une opportunité en équipe de France, il aurait quand même pris le Cameroun. Pour lui c’était cela ou rien”, lance Exaucia, ami d’enfance d’Yvan Neyou.
« Pour lui, c’était le Cameroun ou rien. »
Le Camerounais participe à sa deuxième Coupe d’Afrique des nations, lui qui avait fait quelques bouts de matchs lors de la dernière édition. “Il n’avait pas trop eu la possibilité de faire plus. C’était quand même un honneur pour lui. Être sélectionné avec le Cameroun, c’est quelque chose que tu ne peux pas refuser.” Et personne ne peut dire non à un retour en sélection, à deux mois du voyage de toute une carrière. Mais avant de devenir un élément des Lions Indomptables, ‘Ney’ n’a pas connu une trajectoire linéaire.
La première étape du circuit a démarré à Brunoy, où Yvan Neyou habitait lors de ses jeunes années. “On jouait souvent au football ensemble. On avait un petit terrain avec des buts en forme de banc, et on sentait déjà qu’il avait un don. Souvent, le vendredi soir, il y avait un match organisé. Mais nous, nous étions trop jeunes pour participer à ces rencontres. Yvan était le seul à pouvoir jouer là-bas”, se remémore Exaucia. “Il avait 14 ans et il jouait avec des personnes plus âgées que lui, et même dans ces conditions, c’était facile. Il était l’un des meilleurs. Quand je suis arrivé en ville, Yvan était déjà dans un centre de formation.
Yvan Neyou garde des liens forts avec ses amis d’enfance, Lenny et Exaucia. © @10krec_ / Aurélien Cathala.
C’était le petit du quartier qui avait le talent pour réussir au football”, narre cette fois Lenny, autre membre de la bande. De l’INF Clairefontaine, en passant par les équipes jeunes d’Auxerre, Yvan Neyou fait son petit bout de chemin. Mais premier coup dur : l’AJA ne le conserve pas, à l’aube de ses 20 ans. Après une saison blanche, il pose bagage à Sedan, alors pensionnaire de National. “À partir du moment où il s’en va là-bas, j’ai compris qu’il était lancé. Avant ça, il y a eu une année de flottement où il n’avait pas eu de club, et même là, il n’a jamais douté. À cette époque, nous ne parlions même pas de football quand nous étions ensemble.
C’est un milieu où tout va très vite. Si ça se trouve, demain on t’appelle, et c’est ton heure pour percer”, lance Exaucia. Le téléphone n’a pas sonné tout de suite, mais “l’acharné de travail“ a fini par entrer dans la boucle du monde professionnel, de Laval, en Ligue 2, à Braga, avec la réserve. Vient ensuite le transfert qui change sa carrière, en 2020. Arrivé sur la pointe des pieds à l’AS Saint-Étienne, Yvan Neyou a su se faire apprécier à sa juste valeur. Pas du genre à fanfaronner, l’enfant de la cité des Hautes-Mardelles y est devenu un footballeur accompli. Pour Claude Puel, son ancien entraîneur, rien n’était dû au hasard.
“C’est moi qui l’ai fait venir à Saint-Étienne. J’ai vu une vidéo de lui avec la réserve de Braga et je trouvais qu’il était vif, qu’il avait une bonne prise d’information, qu’il allait bien vers l’avant… C’était un pari, mais un joueur intéressant. On l’a pris à l’essai avec une clause pour le signer pendant un an.” Quelques jours plus tard, Yvan Neyou est lancé dans le grand bain, en finale de Coupe de France, face au PSG (1-0). « Nous étions menés un à zéro et réduits à dix. J’ai décidé de le faire entrer à la mi-temps, et il a été énorme. Il a remonté les ballons et a dynamisé le jeu.
Yvan Neyou, ci-dessus avec Lucas Gourna-Douath à sa droite, sous les couleurs de Saint-Étienne. © Icon Sport
Jamais nous n’avions pensé être en infériorité numérique face à Paris.” Le milieu a continué sur sa lancée et a confirmé en championnat, jusqu’à en devenir titulaire. Dans l’effectif de Claude Puel, Yvan Neyou s’est peu à peu mué en patron au service du collectif. “J’ai une relation de grand frère – petit frère, avec lui. J’entamais ma première année chez les professionnels et il m’a aidé, car c’était lui qui évoluait à mon poste”, se souvient Lucas Gourna-Douath, milieu du RB Salzburg et ancien Stéphanois. “Lors du derby, face à Lyon, nous étions ensemble. Il m’a très vite mis en confiance.” En cinquante matchs, le Camerounais a laissé une bonne image chez les Verts.
« Il a cette facilité technique de pouvoir éliminer deux ou trois adversaires sur un contrôle. C’est un joueur ultra-complet. »
“Yvan, c’était le chouchou du coach Puel”, se marre l’international français en Espoirs. Il fallait s’y attendre, les éloges fusent du côté de l’ancien entraîneur de l’ASSE. « En prenant, petit à petit, de l’importance, il est devenu un leader technique. J’ai encouragé ses coéquipiers à s’appuyer le plus possible sur lui. Il maîtrisait chaque ballon et il était très propre à la récupération. Il a cette facilité technique de pouvoir éliminer deux ou trois adversaires sur un contrôle. C’est un joueur ultra-complet.” Entre les deux hommes, qui s’entendent à merveille, l’histoire est belle, mais se finit brutalement.
L’exercice 2020-21 des Stéphanois est marqué par la descente en Ligue 2, et Claude Puel est remercié quelques mois avant le drame, en décembre. Entre la Coupe d’Afrique des nations, un pépin à la cuisse et un manque de confiance de Pascal Dupraz, Yvan Neyou ne dispute que cinq rencontres par la suite. Si Lucas Gourna-Douath parle du pragmatisme de son ancien coéquipier comme sa “plus grande qualité”, c’est probablement car ce dernier a su rebondir, et vite. L’été suivant, il trouve refuge au CD Leganés, en prêt, avant de s’ériger un statut, de jouer une vingtaine de matchs, et d’y signer définitivement un an plus tard.
Yvan Neyou revit à Leganés, leader de Liga2. © Icon Sport
“C’est quelqu’un qui sait où il veut aller, notamment dans le football, mais aussi en dehors. Je pense qu’il doit bien se plaire en Espagne”, insiste Lucas Gourna-Douath. Et effectivement, à Madrid, Yvan Neyou est épanoui. Son club est leader de Liga2, et sa confiance ne cesse de s’accroître, dans un environnement idéal. “Il aime bien être hors de sa zone de confort et de tout ce monde qui l’entoure. En France, les gens l’ont un peu oublié. Il est dans l’ombre et c’est aussi là où il se plaît le plus.”
Ses amis d’enfance sont du même avis. “Il se sent un peu mieux à l’étranger. À Saint-Étienne, il avait plus de notoriété qu’à Madrid. Maintenant, il peut se promener tranquillement sans que personne ne le reconnaisse”. La situation enchante forcément son ancien coéquipier. “Je pense qu’aller à Leganes est un excellent choix. Il joue le podium, les meilleures places, et s’il monte (en Liga), ça peut être une excellente chose pour lui. Ça pourrait lui ouvrir des portes, et il reviendra sûrement sur le devant de la scène, comme un patron.”
Yvan Neyou a été rappelé par Rigobert Song, il y a deux mois, après presque deux ans sans sélection avec le Cameroun. © Icon Sport
Il a l’occasion de l’être lors de cette Coupe d’Afrique des nations, et le sera, si l’occasion se présente, en Côte d’Ivoire, avec les Lions Indomptables. Pour en avoir le temps, faudrait-il déjà que le Cameroun ne commette pas de faux pas, en fin d’après-midi (18h), face au Sénégal.