Peuple-Vert.fr
·12 décembre 2024
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C'était il y a 155 ans. Napoléon III était à la tête du Second Empire. À travers leur magnifique tifo déployé lors d'ASSE-OM, les Green Angels 92 (GA92) ont permis de découvrir ou se remémorer un épisode tragique de la lutte ouvrière ligérienne. Ils ont également rappelé que des femmes et des hommes, pour défendre une cause qui leur semblait juste, n'ont pas hésité à courageusement s'exposer à l'autorité. Retour sur cet épisode de l'Histoire de France...
Le 16 juin 1869, au lieu-dit « le Brûlé » à La Ricamarie, près de Saint-Étienne, une fusillade sanglante marquait un tournant dans les relations entre ouvriers et pouvoir impérial. Ce jour-là, quatorze civils, dont un nourrisson, furent abattus par l'armée, dans une répression brutale qui allait résonner bien au-delà des frontières du bassin minier.
Depuis plusieurs semaines, les mines de la région stéphanoise étaient paralysées par une grève générale. Les mineurs revendiquaient une augmentation des salaires, la mise en place de la journée de huit heures et la gestion commune des caisses de secours. En toile de fond, une pénurie de charbon qui incitait les compagnies minières à écouler leurs stocks, alimentant les tensions.
Le 16 juin, les grévistes avaient tenté de bloquer un convoi de charbon destiné aux aciéries Holtzer, dirigées par Pierre-Frédéric Dorian, industriel républicain et nouvellement élu député de la Loire. Face à cette opposition, l'armée, composée de soldats du 4e et du 17e régiment d'infanterie, fut déployée pour escorter les convois et maintenir l'ordre.
En début d'après-midi, après l'arrestation d'une quarantaine de mineurs, les troupes conduisirent les prisonniers vers Saint-Étienne, évitant de traverser le village de La Ricamarie. Elles empruntèrent une ancienne voie ferrée, mais furent confrontées à une foule de proches des mineurs, venus réclamer leur libération.
C'est alors que tout bascula. Les soldats ouvrirent le feu sans sommation, semant la panique. Pire, des blessés furent achevés à la baïonnette. Le bilan est terrible : quatorze morts, dont un bébé de dix-sept mois, et de nombreux blessés graves. L'événement suscita une vague d'indignation nationale, renforçant les fractures entre le pouvoir central et les populations ouvrières.
La répression ne s'arrêta pas là. Dans la nuit du 18 au 19 juin, une cinquantaine de personnes furent arrêtées. Le conseil municipal de Saint-Étienne, hostile à l'armée, fut destitué et remplacé par une commission nommée par Napoléon III. En août, 62 mineurs et proches furent condamnés à des peines de prison ferme, mais ils furent finalement amnistiés par ordonnance impériale le 15 août. Les responsables militaires, quant à eux, échappèrent à toute sanction : le capitaine Gausserand, qui dirigeait l'opération, fut même décoré.
Sur le terrain, les grèves se prolongèrent jusqu'à l'été. Sous pression, certaines compagnies acceptèrent la journée de huit heures, mais le conflit laissa des cicatrices profondes dans les rapports sociaux.
L'écho de la fusillade de La Ricamarie dépassa le cadre local. Cet événement, associé à la fusillade d'Aubin survenue quelques mois plus tard, est considéré comme une étape importante dans l'éveil des consciences ouvrières en France. La Ricamarie devint un symbole du syndicalisme minier. En 1883, Michel Rondet, figure de proue du mouvement, contribua à la création de la Fédération nationale des mineurs, précurseur de la CGT. Ce drame continue de hanter la mémoire collective...
Dimanche dernier, avant ASSE-OM, les Green Angels 92 ont souhaité rappeler ce morceau d'histoire afin de rendre hommage aux hommes et femmes morts dans un combat pour défendre leurs conditions sociales. Un esprit de sacrifice que tout le Peuple Vert aurait aimé ressentir du côté de l'équipe ce soir-là...