Ligue 2 (J28) : « On a préféré garder notre liberté d’expression » : les raisons de l’absence des ultras lors de Grenoble – Lorient | OneFootball

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·30 mars 2025

Ligue 2 (J28) : « On a préféré garder notre liberté d’expression » : les raisons de l’absence des ultras lors de Grenoble – Lorient

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Les ultras lorientais étaient absents du parcage visiteurs samedi et n’ont pas assisté au succès de leur équipe contre Grenoble (2-1) samedi lors de la 28e journée de Ligue 2. Pourtant, les supporters bretons avaient bien fait le long déplacement jusqu’en Isère… avant de refuser d’entrer en tribune. Leurs homologues du GF38 étaient bien présents au coup d’envoi, avant de vider les lieux, bien avant le coup de sifflet final. Explications.

Dans un Stade des Alpes à l’affluence très clairsemée, la rencontre de la 28e journée de Ligue 2 entre Grenoble et Lorient (1-2) promettait de se tenir dans une ambiance feutrée, voire intimiste. Pourtant, une vraie atmosphère de match de foot régnait en début d’après-midi, notamment grâce aux efforts du kop isérois. Malheureusement pour le spectacle, les chants se sont vite tus, les membres du groupe Red Kaos quittant la tribune. Si on aurait pu croire que le début de match raté des hommes de Franck Rizzetto (0-2 après 17 minutes) était à l’origine d’une bouderie, il n’en était rien en réalité. C’est le conflit qui oppose le ministère de l’Intérieur au mouvement ultra qui explique les événements de samedi.


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En fin d’hiver, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a initié une procédure de dissolution à l’encontre de plusieurs groupes de supporters tels que les Green Angels et les Magic Fans de Saint-Étienne, la Brigade Loire du FC Nantes, la Légion X (Paris FC) et les Offenders (RC Strasbourg). En réponse, les groupes membres de l’Association Nationale des Supporters (ANS), ont décidé de couper le dialogue avec les autorités et les référents supporters ou « supporter liaison officer » (SLO) au sein des clubs. En outre, des banderoles de soutien aux groupes concernés sont apparues dans les stades de Ligue 1 et de Ligue 2, nombre d’entre elles interpellant le résident de la place Beauvau.

C’est la volonté d’afficher un de ces messages qui a divisé les Merlus Ultras 1995 et le club du FC Lorient, comme le relate le « capo » du groupe, surnommé Durch : « J’étais l’interlocuteur du groupe ici avec la sécurité locale. J’ai pris tout de suite, dès notre arrivée, les échanges avec la sécurité. Tout s’est très bien passé, on a eu des échanges parfaits, très cordiaux. On arrive au stade, on avait déjà préparé une animation pour l’entrée des joueurs, et des bâches messages où on nomme Retailleau. Les bâches, on les a partagées :

« Retailleau, politique répressive et démago’, les ultras en ont assez d’être votre labo’, tout ce que vous obtiendrez, c’est le chaos ».

À l’arrivée, on déplie toutes les bâches messages et notre animation pour qu’elles soient visibles des caméras et par la sécurité. Tout se passe bien à ce moment-là, et là en fait la sécurité nous dit : « Le club du FC Lorient refuse l’animation et les bâches messages ». Pour nous, c’est absolument hors de question. Parce que les bâches messages ne sont pas insultantes et il y en a dans quasiment tous les stades ce week-end. Et c’est notre liberté d’expression, et aussi notre animation. Donc nous c’était catégorique. Soit tout rentre, soit nous, on ne rentre pas. À quatre reprises, la sécurité m’informe que le FC Lorient refuse , via monsieur Yannick Jay (ndlr, responsable sécurité du FCL) […] On demande à parler à cette personne, pour avoir des échanges et essayer d’être constructif. Plutôt que par sécurité et talkie-walkie. Refus du club, il ne veut pas sortir du vestiaire et venir à notre rencontre. On prend la décision, du coup, de ne pas rentrer dans le stade et de ne pas animer notre tribune.

Ça s’est très bien passé avec la sécurité du club de Grenoble, des échanges parfaits. Ils ont même essayé de voir s’ils ne pouvaient pas prendre la main, pour laisser rentrer en prenant la responsabilité des bâches. Et en fait, la tribune visiteuse est sous la responsabilité du FC Lorient. Sur la journée d’aujourd’hui, personne du club n’est venu à notre rencontre. Pour la simple et bonne raison que le président, monsieur Loïc Féry, est absent. Le directeur général, monsieur Arnaud Tanguy est absent, et le SLO (référent supporters), monsieur Samuel Lothoré, est absent. Donc la seule personne référente que l’on avait, c’était monsieur Yannick Jay, et il n’a pas voulu venir à notre rencontre. Notre liberté d’expression est absolument fondamentale, d’autant plus qu’on avait une animation qui elle n’a rien à voir avec le sujet du moment qui a été refusée aussi, donc c’est vraiment un package complet.

Ce qu’apparemment nous reproche le club, c’est de ne pas avoir communiqué les bâches messages en amont à notre SLO. Suite à la décision de l’ANS dont on est membre, de couper les contacts avec les SLO pour montrer aussi l’intérêt et les liens que l’on peut avoir avec le club, on a décidé de couper les relations provisoirement. Après il faut juste se demander comment est-ce qu’on faisait avant 2016 et l’arrivée des SLO. On faisait exactement comme là. La sécurité a bien vu les messages, rien n’empêchait l’accord du club, le refus de rentrer n’est venu que de la part du FC Lorient. Après dix heures de route, et avant dix heures pour rentrer, on a préféré garder notre liberté d’expression et nos valeurs plutôt que de s’asseoir dessus. »

Dans un communiqué publié dans la soirée de samedi, le FCL déclare regretter l’absence des Merlus Ultras et affirme n’avoir eu « aucune information concernant leur déplacement et n’a pas non plus été informé des bâches prévues ».

Du côté des supporters grenoblois, un dilemme se pose dès avant le coup d’envoi, comme l’explique « Gerby », porte-parole des Red Kaos 1994 : « Nous, ça ne nous fait pas plaisir que de dire à l’ensemble des supporters présents en tribune Ouest, qu’ils vont devoir, s’ils se solidarisent de notre initiative, quitter la tribune. Maintenant, quand les supporters lorientais – puisqu’on était déjà en contact avant le match – nous expliquent qu’ils ont traversé la France et qu’ils ne seront pas en parcage, la question de la solidarité se pose chez nous. Et j’insiste sur un point, c’est qu’on se montre solidaire, clairement, parce qu’il y a une référence au contexte national où l’ensemble des groupes de l’ANS tenait à montrer à la France du foot que si demain, on prononçait des dissolutions contre les associations de supporters, et bien plus rien ne serait comme avant. Si demain il y a une dissolution de groupe, il n’y a plus d’échange. Donc l’idée, c’était de leur proposer et de leur montrer une photographie de ce que ce serait demain. C’est dans ce cadre-là que les supporters lorientais n’ont pas contacté leur club.

Nous avons assez vite compris qu’on n’était pas juste sur un sujet qui concernait la direction et les supporters de Lorient. On aurait pu se dire que finalement, c’était une problématique locale qui les regardait, et qu’on ne pouvait pas, nous, endosser la responsabilité. À partir du moment où le discours des dirigeants lorientais est de dire « Vous assumez une posture nationale » qu’on a nous-mêmes contribué à prendre, on a fait un choix, et on l’assume, de demander aux gens, de quitter la tribune Ouest. Beaucoup sont restés dans les coursives et n’ont donc pas pu voir le match. On mesure l’impact. Ça n’amuse personne,clairement. On se rend bien compte de ce que ça représente pour nos dirigeants, pour nos joueurs, pour les supporters, les familles, les gens qui sont venus au stade aujourd’hui. Peut-être que ça ne se repassera pas plus tard.

Pas de conflit entre le GF38 et ses supporters

Je mesure que certains supporters soient agacés par le choix qu’on a fait, je comprends la déception des dirigeants qui me l’ont déjà manifesté en privé parce qu’ils n’ont rien demandé. Mais nous, ce qui était important aujourd’hui, c’était de dire aux parties prenantes de l’organisation des matchs et aux dirigeants de Lorient que non, on ne peut pas mettre un groupe de supporters dehors pour des caprices. Ils doivent être capables, par la présence de leurs dirigeants, par la présence de leur SLO, d’accueillir un groupe de supporters qui en plus a la franchise et l’honnêteté, contrairement à ce que certains dirigeants lorientais disent, de montrer ce qu’ils ont préparé. Tout le monde sait très bien qu’à l’entrée d’un parcage visiteur, pour rentrer du matériel, il faut montrer, c’est validé, etc. […] Évidemment que ce n’est pas lié à la situation sportive, aux résultats, au classement. Ça nous tombe dessus, on n’avait rien demandé […] Nous aussi on a envie que localement, à Grenoble, on ait des gens du club, des forces de police, de la préfecture qui lèvent la main et qui disent au ministère de l’Intérieur, au ministère des Sports, à Bruno Retailleau  « Ce que vous êtes en train de faire, y compris localement, ça nous fait chier. Avant, ils parlaient avec nous, maintenant ils ne parlent plus ».

De leur côté, les supporters du GF38 ont pu déployer plusieurs messages à l’attention du ministre :

« Clairement, on a montré les banderoles (au club de Grenoble), indique Gerby, Après ce n’est pas un secret de dire que sur une des deux banderoles sorties en tribune ouest, il y en a une qui a posé problème et forcément il y a une discussion qui s’enclenche. D’après nous, c’est conforme au règlement intérieur de l’organisateur, du stade etc. En plus on est lucide quand on écrit des banderoles, c’est qu’on a à l’esprit qu’elle puisse rentrer et faire passer un message sans mettre notre propre club en porte-à-faux parce qu’on sait que la commission de discipline de la LFP, ça tire à tout bout de champ…»

Propos recueillis par Karel Weic

Photo ©Philippe Lecoeur/FEP/Icon Sport

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