le11
·25 juillet 2023
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Tout droit venu de Minsk, en Biélorussie, Abdukodir Khusanov est pour le moins méconnu. Pourtant, le jeune Ouzbek de 19 ans est un immense talent en son pays, l’une des révélations du récent Mondial U20 et un défenseur au style bien affirmé se rapprochant d’un certain Kevin Danso. Découverte de l’un des joueurs les plus prometteurs et talentueux de sa génération à son poste.
Abdukodir Khusanov est un (jeune) homme de capitale. Avant de découvrir Minsk en Biélorussie, où il a été recruté par le RC Lens, l’Ouzbek est né à Tachkent, capitale de son pays, le 29 février 2004. Franck Haise n’était déjà plus un joueur de football tandis que les Sang et Or affrontaient encore l’AC Milan, La Corogne ou Porto en Coupe d’Europe quelques mois auparavant. Une poignée d’années plus tard, Abdukodir Khusanov s’en allait taper le cuir au Bunyodkor FK, fleuron du football ouzbek à l’époque où un certain Rivaldo a évolué et au sein duquel Zico ou encore Luiz Felipe Scolari ont entraîné. Le théâtre du développement d’un petit joyau, aussi. Rapidement, Abdukodir Khusanov devient trop grand pour son pays. Direction Minsk, en Biélorussie, où le FC Energetik-BGU flaire le bon coup en mars 2022. Et immédiatement, l’Ouzbek donne raison au club biélorusse.
La majorité à peine fêtée, il s’impose sans complexe dans la défense à trois du club de la capitale. Bilan : 27 rencontres disputées durant lesquelles il se montre décisif à de nombreuses reprises avec trois réalisations et quatre passes décisives et, en point d’orgue, un titre de vice-champion de Biélorussie. Logiquement reconduit pour la saison 2023, Abdukodir Khusanov poursuit sur sa lancée avant de signer au RC Lens cet été. « C’est souvent difficile pour des joueurs de cet âge-là de connaître une première expérience à l’étranger. Lui, il a réussi à s’intégrer et à gagner du temps de jeu », remarque Mickaël Marques (@MickyMFootball sur Twitter), scout aux observations régulières sur les jeunes talents ouzbeks. « Peut-être qu’il est encore mieux préparé pour une aventure à l’étranger » en sachant « comment gérer le stress, la frustration l’éloignement de la famille, etc« . Surtout, le recruteur de l’agence Mundial Scouting note un élément non négligeable : cette expérience à l’étranger lui a encore davantage « offert des opportunités chez les équipes de jeunes et les A d’Ouzbékistan« .
Car c’est bien avec sa sélection nationale qu’Abdukodir Khusanov se révélera aux yeux des observateurs les plus éclairés. Rapidement dans les petits papiers de la fédération ouzbèke de par sa précocité, le jeune défenseur central découvre les joutes internationales en 2020 avec les U17 de son pays. Il vit sa première sélection face… à la Biélorussie, comme un clin d’œil prémonitoire. Peu à peu, il gravit les échelons et découvre les U19 quelques mois après son départ pour Minsk, puis les U20 à l’automne 2022. Dans cette catégorie, Abdukodir Khusanov change de dimension. « C’est vraiment cette année avec l’AFC U20 Asian Cup (mars 2023, ndlr), premièrement, et surtout la Coupe du monde U20 (mai-juin 2023, ndlr), qu’il a pu confirmer les attentes qu’on avait en lui« , contextualise Mickaël Marques.
Lors de la Coupe asiatique, Abdukodir Khusanov ne manque aucune minute de jeu et se montre dominateur, impitoyable et un ton au-dessus de ses adversaires dans tous les compartiments du jeu. De quoi emmener dans son sillage l’Ouzbékistan sur le toit de l’Asie chez les U20. Désormais, l’heure est venue de confirmer sur la scène mondiale. Et s’il vit depuis plus d’un an dans un pays où la température atteint difficilement les 6°C de moyenne à l’année, l’Ouzbek n’a pas froid aux yeux. Rayonnant durant les quatre rencontres disputées par son pays lors du Mondial U20, là aussi toutes dans leur intégralité, le jeune Abdukodir et son Ouzbékistan natal atteignent les quarts de finale de la compétition avant de tomber face à Israël (0-1). Une petite performance en soi pour ce pays d’Asie centrale, de plus en plus reconnu pour la qualité de sa formation. Abdukodir Khusanov en est le fleuron et après avoir tapé dans l’œil de bon nombre de recruteurs européens, la jeune pépite ouzbèke, aussi l’une des révélations de cette Coupe du monde U20, signe au RC Lens.
Il a beau avoir été inconnu de tous les suiveurs lensois il y a encore quelques semaines, Abdukodir Khusanov affiche déjà un style bien affirmé du haut de ses 19 ans et de son mètre 88. « C’est un défenseur vraiment défensif, à qui on va éviter de assigner un rôle avec ballon« , résume Mickäel Marques. Afin d’approfondir son profil, place aux présentations point par point. Athlétiquement, le jeune homme semble déjà prêt : « Il a une bonne structure physique, il est costaud, il peut répondre dans les duels. Il a quand même une bonne vitesse par rapport à son gabarit, ce qui lui permet de défendre en longueur et en largeur« . Sur l’aspect défensif, l’ensemble reste positif : « Il est solide dans les airs, il est solide au sol. Il offre une vraie stabilité, c’est vraiment un roc défensif. Mais il va devoir s’améliorer sur sa lecture de jeu quand il est un peu plus bas. Il a tendance à être un peu obnubilé par la balle et oublier ce qu’il se passe dans son dos« .
En possession du ballon, en revanche, la donne est légèrement différente : « Avec le ballon, il est plutôt sobre. Ce n’est pas lui qui dicte la relance. Il peut, quand il a le temps, transmettre des longues balles. Mais ce n’est pas le joueur de relance qui permet de verticaliser le jeu. Il joue simple et s’il est pressé, il ne va pas chercher à prendre de risque« . En bref, un profil de défenseur axial dans une charnière à trois, jouant même « un rôle de libéro, en couverture de ses partenaires en défendant sur de grands espaces« , dixit Mickaël Marques. Un joueur qui « va aussi chercher à anticiper et à couper les trajectoires pour permettre au bloc de rester haut » et qui « ajuste sa posture défensive pour servir de seconde lame et limiter l’impact offensif adverse« . La ressemblance technico-athlétique avec Kevin Danso est frappante. Cela tombe bien, l’Ouzbek devrait être la doublure de l’Autrichien cette saison.
Un remplaçant donc, et rien de plus pour le moment. « Ce serait très précipité de l’imaginer tout de suite s’imposer à Lens, il faut lui laisser le temps« , prévient le scout français. D’autant plus qu’Abdukodir Khusanov débarque de Vysshaya Liga, un championnat « assez modeste en termes de compétitivité » et dont le « niveau est à pondérer« . Une arrivée avant tout dans l’optique de renforcer la profondeur du secteur défensif. « On peut imaginer, pour commencer, le voir faire quelques matches avec la réserve pour prendre le rythme, puis être sur le banc en équipe première, dans un premier temps, croit Mickaël Marques. Même pour le club, l’investissement est tellement faible que les attentes vont être plus légères sur le joueur. On va peut-être se dire qu’on peut lui laisser un an d’acclimatation pour s’imprégner de son nouveau club. Il fera peut-être des bouts de matches au fil du temps. Et si ça marche bien, qu’il y a des blessures, faire un peu plus. »
Pour autant, le recrutement d’Abdukodir Khusanov n’en reste pas moins à prendre à la légère. « Je pense que c’est vraiment un investissement d’avenir et qu’on va lui laisser le temps. Il va apprendre à s’intégrer à la ville, au club, comprendre ses partenaires au niveau de la langue avec l’anglais ou le français« , décrypte le recruteur d’une trentaine d’années. Classé au quinzième rang des défenseurs les plus prometteurs du monde d’après un rapport récent de l’Observatoire du football CIES, jusqu’où peut bien aller le colosse de 19 ans. « Ça peut être une bonne surprise, surtout qu’au vu de l’investissement, tu ne prends pas trop de risques financiers, assure Mickaël Marques. Sportivement, il y a plus de chances que ce soit une bonne qu’une mauvaise surprise. » La surprise était de voir ce visage juvénile et ce nom méconnu poser ses valises à Lens, lui le premier joueur originaire d’Asie centrale à devenir un Sang et Or. Mais au vu de ses caractéristiques, de sa trajectoire et de son potentiel annoncé, Abdukodir Khusanov a tout pour s’imposer au RC Lens. À terme, puisqu’il « faudra vraiment avoir cette idée de patience pour aider le joueur dans son développement et son adaptation au club, à la Ligue 1 et à la France« , insiste Mickaël Marques. Désormais, l’inconnu ne l’est plus !
Enzo PAILOT
Crédits photo : RC Lens