Furia Liga
·8 octobre 2020
Furia Liga
·8 octobre 2020
Grand classique du football espagnol, le derbi asturiano qui met aux prises le Sporting de Gijón au Real Oviedo a perdu de sa superbe. Cela fait maintenant 22 ans que les deux clubs ne sont plus affrontés en Liga et que le duel fratricide se dispute en Segunda. Passé proches de la disparition et de la descente la saison dernière, les Carbayones reçoivent les Sportinguistas, actuels leaders de la categoría de plata. Mais où en est cette rivalité emblématique depuis 20 ans ?
Le derbi asturiano a perdu de sa superbe. Depuis plus de deux décennies, il n’est plus un temps fort du calendrier de Liga. Le Real Sporting de Gijón et le Real Oviedo ne sont jamais affronté en Primera au XXIe siècle et il fallu attendre 14 ans pour disputer de nouveau un derbi officiel, en 2017, après la descente des Rojiblancos. Les deux clubs ont même failli ne plus s’affronter du tout. Car si le Sporting n’a jamais évolué plus bas que la Segunda depuis sa création, le Real Oviedo a, lui, frôlé la disparition pure et simple. Après une descente rocambolesque lors de la dernière journée en 2001, le club est tombé sportivement en Segunda B deux saisons plus tard mais est allé directement en Tercera (4e division, ndlr) en raison d’impayés. Jusqu’en 2015, la survie des Carbayones demeurait précaire, entre résultats sportifs pauvres et gestion institutionnelle approximative avec une tentative avortée de refondation. L’augmentation de capital lors de la saison 2012-2013, qui a notamment été relayée par Sid Lowe, journaliste du Guardian et supporter emblématique du club, ainsi que par le groupe « sentimiento Proud of you » qui a mobilisé 36.962 actionnaires et le milliardaire Carlos Slim qui est devenu majoritaire via le Grupo Carso à hauteur de 34%.
La situation chaotique du Real Oviedo a suscité chez certains élus asturiens une idée absurde : la fusion des deux clubs rivaux. Cette éventualité avait fait l’objet d’une nouvelle de Melchor Fernández Diaz intitulée « La Fusionada ». C’était en 1971. Près de 40 ans plus tard, l’éventualité a été sérieusement étudiée, principalement par récupération électoralistes. Dans un article publié en 2010 dans Cihefe, José Manuel Rodríguez Pardo est revenu sur ce projet aberrant : « les responsables politiques régionaux, imbus de mégalomanie et d’autonomisme, ont projeté il y a quelques années, justement quand le Real Oviedo souffrait du traumatisme d’être descendu en Tercera, la fusion des deux clubs et la formation d’une équipe des Asturies ».
Un non-sens absolu car, outre les aspects purement organisationnels (choix du stade, pertes économiques de l’hôtellerie-restauration, choix des dirigeants), Oviedo et Gijón sont antagonistes historiquement. « Siège de la monarchie hispanique pendant un siècle, lieu emblématique pour ses reliques pour les pèlerins du chemin de Compostelle et capitale de la Principauté des Asturies en souvenir de son rôle comme quartier général royal, Oviedo a toujours été un lieu où se rencontraient les institutions du gouvernement provincial, avec le prestige qui allait avec », écrit Juan Manuel Rodríguez Pardo. Ville crée à l’époque romaine, Gijón est une ville marquée par la révolution industrielle, avec les mines et le charbon. Il n’est jamais inutile de rappeler que le grand Quini a débuté sur un terrain recouvert d’une pellicule noire de minerai et que le père du Guaje David Villa descendait au fond. Mais les temps ont changé : « après la reconversion industrielle et la tentative manquée de conversion en ville touristique, on peut dire, à l’instar de nombreux journalistes locaux qui l’ont récemment insinué, que Gijón est aujourd’hui grâce au Sporting ». Cette opposition régionale rythme la vie locale et l’afición est parmi la plus fidèle d’Espagne : 12.679 abonnés en Tercera, 16.326 en Segunda B, 20.796 en Segunda. Le match opposant le Real Oviedo à l’Oviedo ACF (qui devait servir de base pour la refondation du Real Oviedo en cas de dissolution) a accueilli 16 573 spectateurs, un record pour un match de Tercera. Et même quand il n’y a pas de « vrai » derbi, quand la B du Sporting affronte le Real Oviedo, c’est le Molinón qui est réquisitionné pour accueillir tous les spectateurs, comme cela a été le cas en 2009 en Segunda B.
Depuis 5 saisons, Oviedo s’est stabilisé en Segunda. Si les 4 premières se sont achevées relativement proches de la zone de play-offs (9e, 8e, 7e, 8e), l’exercice tronqué 2019-2020 a été angoissant, avec une 15e place finale, à 2 points du Deportivo de La Coruña. Le Sporting n’a pas eu de quoi pavoiser non plus avec une 13e place, à une unité de son rival. Pour autant, le derbi asturiano est toujours un grand moment de la saison et le fait que ce 109e duel ait les honneurs du match du dimanche à 21h pendant la trêve internationale lui offre une visibilité accrue. Auteur d’un début de saison parfait avec 4 victoires en 4 matches, 5 buts inscrits et aucun encaissé, le Sporting est dans la peau du favori. Avec seulement 3 points au compteur, le Real Oviedo est déjà dans le dur, avec 3 matches nuls et une défaite.
Forcément, la pression est sur les Carbayones. Mauvaise nouvelle pour Cuco Ziganda, l’ancien coach de l’Athletic, 5 cadres seront absents au Carlos-Tartiere : Arribas et Nieto sont suspendus, Javi Mier et Rodri Ríos sont blessés et Arbujania est convoqué avec la Géorgie. Pour Simone Grippo, les résultats passés n’entrent pas en ligne de compte quand il s’agit de recevoir ce match toujours spécial : « les derbis ont leurs propres lois. Il faut aborder la rencontre comme nous le faisons jusqu’à présent, mais en prenant les 3 points ». La précision est d’importance. Si Oviedo est à la traîne d’un point de vue comptable, l’image proposée est encourageante, même s’il faut le convertir au tableau d’affichage.
En revanche, tout sourit aux Sportinguistas, et plus particulièrement pour Uros Djurdjevic. Auteur de 4 des 5 buts de son club, le Serbe a un taux de conversion de 80% depuis le début de saison (5 tirs au total) et débute sa 3e saison dans les Asturies sur des bases très élevées, après avoir marqué 11 buts en championnat en 2018-2019 et 6 en 2019-2020. « Djuka » constituera la menace principale des Rojiblancos et de David Gallego qui débute sa première aventure de coach hors de l’Espanyol où il a tout connu, des juveniles A à l’équipe professionnelle à deux reprises, la dernière en 2019. Le Catalan a l’occasion de se mettre tout Gijón dans sa poche en gagnant dans l’antre du Real Oviedo. Ce serait une première depuis 2001.
François Miguel Boudet @fmboudet