Le Corner
·15 mai 2020
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·15 mai 2020
Glorieux club munichois des années 1960, le TSV 1860 évolue aujourd’hui en 3e division allemande, bien loin du FC Bayern et de ses 29 titres nationaux. Mais il incarne un contre-modèle populaire au « football commercial » du FCB.
Il est difficile de vivre dans l’ombre d’un géant. A l’image du Paris FC, de l’Espanyol de Barcelone ou du Boavista FC de Porto, de nombreux clubs de football essayent de se frayer un chemin et d’exister dans des villes qui ne voient que par des clubs légendaires au palmarès interminable. Le TSV Munich 1860 en fait partie. Fondé en 1860 comme club omnisport, la branche football est ouverte en 1899, soit un an avant le FC Bayern, aujourd’hui Rekordmeister de Bundesliga avec 29 titres. Pourtant, en 1966, c’est bien le TSV 1860 qui remporte la 3e édition de la Bundesliga, trois points devant Gerd Müller, Franz Beckenbauer et leur bande. Un titre acquis un an après la Coupe d’Allemagne et une finale en Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe en 1965. Des épisodes glorieux à la hauteur de l’histoire du TSV, club pionnier du sport en Allemagne. « 1860 a été membre fondateur de trois ligues sportives : en football, en basketball et en volleyball. Rien qu’avec cette histoire, le club est ancré profondément dans la ville et reste extrêmement populaire », raconte Claus Melchior, écrivain et journaliste.
L’opposition entre le TSV 1860 et le Bayern se renforce au fil du temps, avec des identités sociales très marquées. « Dès le début du XXe siècle, le TSV 1860 s’est forgé la réputation d’un club d’ouvriers, de travailleurs, le club des petites gens. Le FC Bayern était un club d’académiciens et de riches. Le cœur du TSV 1860 était le quartier de Giesing, un quartier traditionnellement ouvrier », explique Wolfgang Görl, journaliste pour la Süddeutsche Zeitung. « Les Giesinger se sont toujours sentis extrêmement proches du club, en forgeant un mythe : ‘nous sommes le club des Underdogs, des ouvriers, des vrais Munichois, mais aussi des artistes », poursuit-il. « 1860 représente la ville de Munich avec un fort ancrage local, tandis que le Bayern, rien que dans son nom, a une visée au moins régionale », raconte Clément, porte-parole de la communauté de supporters francophones du TSV 1860.
Sauf que le palmarès joue clairement en faveur du FCB. Pendant que le Rekordmeister enchaînait 15 titres nationaux entre 1969 et 2000, les Löwen peinait à atteindre la Bundesliga, qu’ils n’ont disputée que 11 fois entre 1963 et 1993. L’âge d’or des années 1960 représente aujourd’hui un mythe que les supporters souhaitent revoir. « Les supporters célèbrent l’anniversaire du titre en 1966 qui reste la fierté du club, des tifos sont réalisés régulièrement sur ce titre », explique Clément. « La 3. Liga n’est pas le niveau que le club mérite. Nous devrions jouer en 2. Liga, voire en Bundesliga », estime Claus Melchior.
Mais les sommets restent encore loin, d’autant que la situation du club s’est envenimée depuis le début des années 2000. Alors que le TSV 1860 s’était installé en Bundesliga, une suite de mauvaises décisions entraîne le club dans une crise profonde. Il participa à la création de l’Allianz-Arena, avec le Bayern, car la ville de Munich voulait participer à la construction seulement si les deux clubs s’associaient pour le financer. Sauf qu’un an avant l’inauguration de l’enceinte de 75.000 places, le TSV 1860 chuta en 2. Liga. « Aucun accord concernant le financement du stade n’avait prévu une relégation du club. Après la descente, 1860 ne pouvait pas régler ses paiements et a dû céder ses parts au Bayern à un prix dérisoire », regrette Claus Melchior. Si le TSV 1860 pourra bel et bien jouer dans la nouvelle enceinte, pourtant située à l’opposé de Giesing, au nord de Munich, cette vente ne résout pas tous les problèmes financiers du club.
Les dettes s’accumulent, les mauvaises décisions s’enchaînent et le club est au bord de la faillite en 2011. C’est alors que Hasan Ismaik, un investisseur jordanien aux activités floues, entre au capital de 1860 pour le sauver. Une arrivée salutaire, pourtant très rapidement critiquée par une grande partie des supporters. « Il ne comprend absolument rien au football et ses nombreuses mauvaises décisions ont fait que le niveau de l’équipe n’a fait que diminuer », estime Wolfgang Görl. « En 2016, le président du club abandonne son droit de décision et Ismaik pouvait tout décider seul. Le club a acheté des joueurs sans aucune logique sportive. Résultat : à la fin de la saison, nous sommes descendus en 3. Liga », ajoute Claus Melchior.
Une relégation subie malgré le soutien de 62.000 spectateurs lors du match décisif contre Regensburg. La situation atteint alors son paroxysme. Excédé par la situation, Ismaik refuse de rassembler les moyens nécessaires pour acquérir la licence de 3. Liga. Résultat : la perte du statut professionnel et une relégation en Regionalliga Bayern, la 4e division. « Avec cette expérience, je ne peux absolument pas concevoir que certains supporters espèrent que le club aille mieux avec Ismaik », enfonce Claus Melchior.
Pourtant, cette chute catastrophique a peut-être eu des effets bénéfiques sur le club. Le TSV 1860 a d’abord quitté l’Allianz Arena, devenue beaucoup trop grande, et retrouvé le vétuste Grünwalder Stadion et ses 12.500 places, à moins d’un kilomètre de Giesing et que le club occupait avant 2005. « De nombreux fans sont heureux de ce retour aux racines et au quartier de Giesing », explique Claus Melchior. « La descente a mis en avant cette fidélité des supporters malgré les désillusions qui s’accumulent et le voisin qui domine de loin le foot allemand. Il y avait 12.500 spectateurs (guichets fermés) à tous les matchs contre des clubs de la campagne bavaroise », raconte Clément. De quoi définitivement affirmer l’identité du club : « beaucoup voient le club comme un contre-modèle face à un Bayern prétentieux et hyper commercialisé », poursuit Melchior. Un retour aux sources salutaires qui verra peut-être le TSV 1860 retrouver son lustre d’antan : les Löwen sont immédiatement remontés en 3. Liga, et restent sur une série de 14 matches sans défaite et une 6e place, à deux points de la 2e place synonyme d’accession directe en 2. Bundesliga. Une dynamique enrayée par la crise actuelle, qui ne devrait cependant pas diminuer l’amour et le soutien des fans pour le TSV 1860, un Traditionsverein en quête de succès.
Sources :
Wolfgang Görl, Gerald Kleffmann: Einmal Löwe, immer Löwe. TSV 1860 München – der weiß-blaue Mythos. Süddeutsche Zeitung, München 2010
Roman Beer, Claus Melchior, Arnold Lemke: Der Triumph der Löwen – Die Meisterschaft 1966 des TSV München von 1860. Verlag Die Werkstatt, Göttingen 2016
Crédits photos : Iconsport
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