Trivela
·4 février 2021
Trivela
·4 février 2021
Lundi 1er février. Au terme d’un match plutôt faible en terme d’intensité, le Benfica voit son voisin et éternel rival, le Sporting, prendre l’avantage dans les dernières secondes du choc de la 16e journée de Liga NOS, grâce à un but de Matheus Nunes. Un scenario dramatique pour les uns, heureux pour les autres, qui creuse encore un peu plus l’écart entre les deux rivaux dans le haut du classement. Par la même occasion, les Aigles se retrouvent relégués à une décevante, voire honteuse, 4e place du championnat, alors qu’on s’approche à grand pas de la fin de la phase aller.
Une situation qui, forcément, agace les nombreux supporters du club, déjà frustrés par les mesures sanitaires qui les empêchent de faire raisonner leurs émotions dans l’Estadio da Luz. Les plus expressifs d’entre eux n’ont d’ailleurs pas hésité à exprimer leur mécontentement à travers les réseaux sociaux, parfois de façon virulente, provoquant notamment le retrait des plateformes sociales pour certains joueurs comme Everton ou Darwin Nunez.
Si cette défaite contre le Sporting a représenté la fameuse “goutte d’eau qui a fait déborder le vase”, comment celui-ci s’est-il rempli ? Comment a-t-on pu en arriver à une telle discorde entre un club et ses supporters, pourtant directement impliqués dans son propre fonctionnement ?
Recontextualisons. Nous sommes le 17 juillet 2020 lorsque le SL Benfica annonce l’arrivée de Jorge Jesus au poste d’entraîneur pour succéder à Bruno Lage et à son intérimaire Nélson Veríssimo. Après une saison marquée par la perte du titre de champion national, chipé par le FC Porto de Sergio Conceição, la direction lisboète a donc décidé de faire, ou plutôt, de refaire confiance à Jorge Jesus, fort d’une expérience extrêmement concluante du côté de Flamengo. Un choix ambitieux, mais déjà contesté par un certain nombre de supporters, qui se souviennent du passage de l’entraîneur portugais chez le rival quelques saisons plus tôt. Dès lors, tout le monde prend conscience qu’aucun cadeau ne sera fait au clivant Jorge Jesus. Une pression sur ses épaules, rapidement renforcée par un discours ultra-optimiste, suivi d’un mercato XXL taillé pour lui.
“On veut tout gagner, je suis habitué à tout gagner”, avait-il déclaré, durant sa conférence de presse de présentation au début du mois d’aout, avant d’ajouter : “Quand je suis arrivé de l’autre côté de l’Atlantique (au Brésil, à Flamengo), personne ne croyait en moi et maintenant que je suis parti ils pleurent. C’est ce que je vais essayer de faire ici.” Une belle façon de nourrir l’espoir des supporters, toujours aussi sceptiques.
Vient alors le mercato estival. Si celui-ci a donné lieu à un interminable “feuilleton Edinson Cavani” qui a, finalement, préféré rejoindre Manchester United, il a aussi été l’occasion d’un renforcement massif de l’effectif lisboète. Des jeunes joueurs prometteurs comme Darwin Nunez, Luca Waldschmidt ou encore Everton Cebolinha ont rejoint le club, suivis par des grands noms du football mondial comme Jan Vertonghen ou Nicolas Otamendi.
De l’autre côté de la balance, le chouchou de l’Estadio da Luz, Ruben Dias, s’en est allé du côté de l’Angleterre, tout comme le meilleur buteur de Liga NOS la saison dernière, Carlos Vinicius. D’autres joueurs issus du centre de formation, jugés “indésirables” par Jorge Jesus, comme Florentino Luis, Jota, Tomas Tavares ou Tiago Dantas ont été prêtés à l’étranger, de sorte à obtenir du temps de jeu.
Un mercato clinquant, donc, bien plus que d’habitude, avec près de 100 millions d’euros dépensés, en plus de l’arrivée d’un entraîneur alors considéré comme l’un des plus côtés du monde. Mais que se cache-t-il derrière cette soudaine envie de renouveau ? En réalité, l’été de Benfica a été orchestré par une influence politique sans précédent. Alors que les élections pour la présidence du club, prévues pour le mois d’octobre 2020, approchaient à grands pas, le président sortant Luis Filipe Vieira a profité de cette période pour afficher, aux yeux de tous, ses grandes ambitions pour le club, dans l’optique de convaincre et faciliter sa réélection. Un comportement plus ou moins logique, expliqué notamment par la menace représentée par l’influence grandissante de son principal concurrent, João Noronha Lopes.
Avocat de formation, l’homme d’affaire de 54 ans, qui a notamment été PDG de McDonalds au Portugal durant plusieurs années, a bénéficié d’un soutien sans précédent auprès d’une bonne partie des supporters de Benfica, notamment sur les réseaux sociaux. Avec transparence, ambition et respect de l’identité du club comme maitre-mots de son programme, celui qu’on surnomme JNL représente alors, pour beaucoup, le candidat idoine pour nettoyer le club des quelques affaires qui salissent son image depuis (trop) longtemps, tout en assurant une réussite sportive guidée par une volonté de renforcer le scouting et d’exploiter l’excellent travail de formation réalisé ces dernières années. Un discours cohérent et séduisant, qui manque cependant de visibilité.
Face au refus des médias du club comme Benfica TV d’organiser un débat entre les différents candidats, l’outsider se retrouve contraint d’effectuer sa campagne principalement sur des réseaux sociaux comme Twitter ou YouTube qui, bien que très utiles, restent inaccessibles à une catégorie de fans non-initiés a ces plateformes. Ainsi, bon nombre de socios ont, semble-t-il, manqué de connaître les programmes des différents candidats, et notamment celui de João Noronha Lopes, avant d’exercer leur droit de vote au mois d’octobre dernier. Encore une fois, on en revient à ce manque de transparence et d’honnêteté de la part d’un club, qui frustre de plus en plus ses supporters, y compris les plus influents d’entre eux.
Une frustration, qui s’accentue avec des résultats sportifs toujours plus décevants. Alors qu’il annonçait, quelques semaines plus tôt, avoir l’ambition “de refaire briller Benfica en Europe”, Jorge Jesus voit son équipe se faire éliminer de la Ligue des Champions dès le tour préliminaire, avec une surprenante défaite face au PAOK. Si, par la suite, Benfica réalise un début de championnat plutôt correct, marqué par l’association prometteuse du duo Lucas Waldschmidt – Darwin Nunez, le club subit un premier revers à Boavista (3-0) puis un second la semaine suivante à domicile contre Braga (2-3). Entre difficultés à se montrer dangereux et à faire fructifier une possession souvent stérile, et les erreurs défensives qui se multiplient, Benfica alterne entre le “à peine correct” et le “très décevant”.
Sur la première partie de saison, le club lisboète n’a d’ailleurs pas remporté le moindre choc face à ses principaux concurrents. Défaits deux fois contre Braga, une fois contre Porto et une fois, tout récemment, face au Sporting, les Aigles affichent une certaine vulnérabilité dans les grands matchs, durant lesquels chaque défaite est vue comme une humiliation pour les supporters, particulièrement attachés aux différentes rivalités du club.
Entre temps, le 29 octobre dernier, les fans du club ont pu constater l’inévitable réélection du président Luis Filipe Vieira, qui a récolté pas moins de 62% des voix. Une annonce, qui n’a d’ailleurs pas manqué de diviser les supporters entre eux. En effet, les partisans de l’actuel président de Benfica sont également devenus les cibles des indignés, qui auraient aimé que l’année 2020 marque une révolution au sein de leur club favori. “62% des socios ont coupés les jambes de l’avenir du Benfica en octobre”, pouvons-nous lire sur les comptes twitter de certains socios.
Désormais, du côté de Benfica, on se retrouve dans un climat de tension où chaque contre-performance et chaque déclaration d’un membre de la direction, comme celle du directeur sportif Rui Costa cette semaine, suffit pour propager encore un peu plus l’incendie chez les supporters.
Dans ce contexte, les plus optimistes continuent à croire en leur équipe, perturbée, il est vrai, par la pandémie de Covid-19 qui a touché la majeur partie de l’effectif. D’autres supporters ont, quant à eux, opté pour la résignation, et attendent patiemment les départs de certains joueurs, de l’entraîneur Jorge Jesus et du président Luis Filipe Vieira dans l’espoir de connaître, à l’avenir, des jours meilleurs. Enfin, les plus engagés continuent et continueront à se battre, avec leurs moyens, jusqu’au jour où ils retrouveront leur Benfica et ses valeurs, si chères à leurs yeux.
Crédit photo : IconSport
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