God Save The Foot
·7 mai 2020
God Save The Foot
·7 mai 2020
Fin janvier. Alors que la nuit est tombée sur Londres depuis environ une heure, Stéphane Ngamvoulou nous accueille chez lui, dans le Nord de la capitale anglaise. Souriant, bavard, le milieu de terrain de Maldon & Tiptree (D8) s’est confié, avec un franc parler assez bluffant, sur sa carrière cabossée de footballeur semi-professionnel, mais aussi sur la vie de coach sportif qu’il mène en parallèle. Un entretien de deux heures, riche, dense et profondément humain.
J’ai commencé le foot en 1998 à l’US Torcy, en banlieue parisienne. J’avais 10 ans, quelque chose comme ça. Je suis resté là-bas jusqu’en seniors. J’ai toujours eu envie de devenir footballeur professionnel. Torcy est un club assez connu dans le milieu du foot pro. Beaucoup de joueurs, aujourd’hui professionnels, sont passés par Torcy. C’est une vraie culture chez nous. Le club a la chance d’être assez exposé, donc, il y a plus de possibilités pour être repéré dès le plus jeune âge. Il y a des joueurs de notre génération comme Gaëtan Charbonnier ou Selim Bouadla qui ont été repérés très jeunes et qui sont toujours pros. Ils évoluent soit en Ligue 2, soit en Ligue 1. Donc, s’il y a la possibilité pour un joueur de finir chez les pros, le club travaille en conséquence.
À partir de l’âge de 15 ans, j’ai eu des hauts et des bas, notamment en 16 ans nationaux . Je n’ai pas fait beaucoup de matches dans cette catégorie. J’ai explosé un peu sur la fin de la saison et puis, je me suis dirigé vers les moins de 18 ans. Dans cette catégorie, ça s’est mieux passé. Une fois chez les seniors, l’acclimatation a été plus difficile. J’ai eu des difficultés à m’intégrer au début. Il fallait trouver sa place. Ce n’est qu’à partir de la deuxième saison que j’ai commencé à exploser quoi. Mais la suite ne s’est pas passée comme prévu. J’ai arrêté de jouer au foot lors de ma première année chez les seniors. Arrivé en février-mars, je n’avais plus envie d’aller de pratiquer ce sport. Un de mes entraîneurs de l’époque m’avait vraiment démotivé. Après une coupure de six mois environ, je m’y suis remis sérieusement car je voyais les autres jouer et ça me démangeait (sourire).
En fin d’année, j’ai eu l’opportunité d’aller faire un essai à Sedan
Au début, mes coachs ne voulaient pas me reprendre, ils me disaient même : “Comme tu as arrêté le foot, on n’est pas sûrs que tu aies encore l’envie”. Je suis revenu avec de meilleures intentions à la rentrée. Je fais une grosse première partie de saison. Au début, je jouais même en équipe 4. J’avais 18-19 ans. Je suis parvenu à faire une ascension rapide jusqu’en équipe première. Lors de mon premier match, en Coupe de France, je marque un coup franc qui permet au club de se qualifier pour le tour suivant. J’ai ensuite enchaîné avec l’équipe première. La saison s’est terminée et pendant l’été, j’ai souhaité partir. Je voulais devenir à tout prix pro. Mon entraîneur de l’époque m’a alors demandé de rester, car il pensait qu’en restant, j’allais pouvoir trouver mieux l’année suivante. J’ai écouté ses conseils et j’ai fait une grosse saison. En fin d’année, j’ai eu l’opportunité d’aller à Sedan. Le club était en Ligue 2 si je ne me trompe pas. J’ai fait un match d’essai avec le club et je pense, à mon avis, qu’ils se sont dits que l’écart qu’il y avait entre Torcy à l’époque en DHR, et Sedan, alors en Ligue 2, était un peu trop grand. Je suis allé ensuite faire des essais Romorantin en CFA, mais eux non plus ne m’ont pas pris.
Pourquoi ? En fait, on a joué un match contre Bourges et on a pris 6-1. Tous les joueurs qui disputaient ce match étaient à l’essai. Durant la rencontre, j’ai fait la passe décisive sur le but que l’on marque. Malheureusement, deux ou trois jours après ce match, ils m’appellent et me disent qu’ils ne prennent personne. Entre-temps, j’avais fait un essai à Villemomble, je connaissais l’entraîneur qui était un ex-entraîneur de Torcy. Il était ensuite parti à Villemomble et il m’avait proposé de venir pour jouer avec la réserve. Je devais avoir 21 ans à cette époque-là. Une ou deux semaines après, Romorantin me rappelle pour m’informer qu’ils souhaitent me voir avec la réserve pendant deux mois.
Si je veux faire quelque chose dans le foot, ce ne sera pas en région parisienne
Derrière, ils prendraient la décision de me conserver ou non. À ce moment-là je me suis dit : “Si je veux faire quelque chose dans le foot, ce ne sera pas en région parisienne”. En fait, pour être honnête, je sortais tous les jeudis, vendredis et samedis. On appelait ça le “JVS”. Concrètement, si je restais avec tous mes potes en région parisienne, je ne pourrais rien faire dans le foot. J’ai donc décidé de partir à Romorantin.
C’est peut-être l’une de mes meilleures expériences que j’ai pu vivre en tant qu’être humain, celle qui m’a fait le plus grandir en tout cas. J’ai souffert et j’ai vu ce que c’était de grandir. C’était la première fois que je quittais le cocon familial. Je dormais dans une auberge de jeunesse. Au début, tous les nouveaux arrivants devaient rester dormir là-bas. Mais il y avait deux auberges, une pour les vacances et une autre pour les jeunes travailleurs on va dire. Au tout début, les joueurs de CFA y allaient jusqu’à ce qu’ils trouvent un appartement. Sauf que moi je n’étais pas un joueur de CFA, donc je suis resté plus longtemps. Ensuite, après un mois ou deux, on m’a mis dans l’auberge de jeunesse avec les jeunes travailleurs. C’était compliqué, je vivais dans un truc qui était… Ma chambre était plus petite que mon salon actuel quoi (rires). Mais voilà, je n’avais qu’un seul et unique objectif : jouer au foot. Mentalement ça a été dur. Je me suis accroché et ça m’a forgé.
Je n’ai jamais songé à partir malgré tout car j’ai eu une ascension assez rapide. Quand je signe à Romorantin, en 2010, la pré-saison est en juillet. Mais moi je reviens avec la réserve et elle ne commence que fin juillet. Le plan était de rester deux ou trois mois en réserve. Après seulement deux semaines, je me suis entraîné avec la CFA (sourire), ils m’ont dit : “Tu viens t’entraîner avec nous”. Au bout d’un mois, j’ai fait ma première apparition dans le groupe CFA, il y avait des blessés, des suspensions. Ils m’ont appelé pour pallier certaines absences dans le groupe. Je ne suis pas rentré lors du premier match. En revanche, j’ai fait une erreur lors du deuxième match. À Torcy, je n’étais jamais sur le banc, je jouais tout le temps. Quand je suis arrivé pour jouer avec la réserve de Romorantin, même chose, je débutais les matches. Donc, c’était une première pour moi.
La presse régionale avait même écrit un article sur nous : “L’ascension de Stéphane arrivé de Torcy, en DHR, qui, pour ce match, réalise une grande prestation contre Orléans“
Lors du premier match, j’étais content, je me suis dit : “Ah, peut-être que je vais rentrer”. Le deuxième match, j’ai compris que je n’allais pas rentrer. Du moins, dans ma tête, c’était impossible. Vers la 70e ou 75e, le coach commence à regarder vers le banc. Il voulait faire un changement. À l’époque, je jouais latéral droit. Il commence à me regarder, mais je n’avais pas la tête d’un mec qui avait envie de rentrer. À ce moment-là, il tourne la tête vers quelqu’un d’autre et le fait rentrer à ma place. Après cet épisode, il ne m’a plus remis dans le groupe pendant peut-être un ou deux mois. Mais j’ai continué à m’entraîner malgré tout avec la CFA. Puis, une nouvelle série de blessés et de suspendus frappe l’équipe première. On a alors un match de Coupe de France contre Orléans. À moment-là, Orléans est en National, nous en CFA. Romorantin n’était pas du tout pas favori. Le coach me convoque et me met titulaire d’entrée. Je ne me rappelle plus du résultat… Je ne sais plus si on a gagné aux penaltys ou 1-0. Mais deux joueurs étaient sortis du lot sur ce match, moi et Jason Henry. La presse régionale avait même écrit un article sur nous : “L’ascension de Stéphane arrivé de Torcy, en DHR, qui, pour ce match, réalise une grande prestation contre Orléans”.
À ce moment-là, il y avait quatre divisions d’écart entre la DHR et la CFA. Donc ouais, ça a été une ascension rapide. Mais je suis aussi vite retombé sur terre. Après quatre matches en tant que titulaire, on affronte Créteil, en Coupe de France. Je fais une première mi-temps excellente. En deuxième mi-temps, ils font rentrer Mohamed Youssouf, un joueur avec qui j’ai joué en équipe de Seine-et-Marne lorsque j’étais jeune. Il évoluait à Lognes, non loin de Torcy. Les deux clubs étaient rivaux. Il n’appartenait pas à Créteil, mais au Havre. Il y était juste en prêt. Le gars a bousillé ma carrière en CFA… Il est rentré et il m’a tout fait : accélération, petit pont, dribbles… J’ai pris le bouillon. Après ce match, j’ai disparu du groupe CFA pendant trois ou quatre mois.
À Romorantin, je ne travaillais pas. Lors de ma première saison, je n’étais pas payé, mais je touchais le chômage. Avant d’aller là-bas, j’étais à la Fac, en STAPS et je travaillais les étés dans une base de loisirs, ce qui fait que j’avais réussi à accumuler le chômage. Le problème c’est que ces indemnités ont malheureusement disparu rapidement. Les quatre premiers mois, ça allait. Au bout de ces quatre mois, c’est devenu plus difficile. Mais comme j’étais parvenu à jouer avec la CFA, ils ont commencé à me donner un peu plus d’argent, je touchais notamment les primes de matches quand on gagnait. Grâce à mon arrivée en CFA, j’avais aussi quitté l’auberge et trouvé un appartement. C’est le club qui le payait car je ne touchais pas de salaire. Est-ce que j’ai pensé à travailler ? Non. J’étais concentré uniquement sur le foot. La ville de Romorantin est située dans la région Centre et la vie, là-bas, est moins chère. Je touchais en plus les APL, j’avais de quoi me nourrir. De temps en temps, je demandais quand même de l’argent à ma famille. Mais avec les primes de matches, que ce soit avec la réserve ou avec l’équipe première, j’arrivais à survivre. Je ne pensais qu’au football à côté. Ma vie ne tournait qu’autour de ça.
À la fin de ma première saison à Romorantin, je voulais déjà partir en Angleterre car j’ai toujours eu l’envie d’aller là-bas. Malheureusement, je m’étais blessé à la cheville et j’avais dû rester à Romorantin. Au début de la deuxième saison, je ne jouais pas du tout. Puis, petit à petit, je suis revenu et j’ai commencé à enchaîner les rencontres. La troisième saison a été plus difficile. Un coup je jouais, un coup, je ne jouais pas… Au bout d’un moment, ils ont décidé de mettre fin à l’aventure. À cette période-là, je n’avais aucune offre en France. J’ai donc décidé de partir en Angleterre à l’été 2013. Lors de ma première saison à Romorantin, j’avais joué avec Farid El Alagui. Il était ensuite parti à Falkirk, en Écosse, pendant une saison avant de signer à Brentford. Le hasard fait qu’il vient passer quelques jours à Romorantin au moment où le club décide de se séparer de moi. Je le vois et je lui explique que je veux partir en Angleterre. Il me dit : “Viens quand tu veux, moi j’ai mon appartement, je peux t’accueillir, il n’y a aucun problème”. L’été débute et je n’ai guère de solutions. Je décide alors de me rendre en Angleterre. Je débarque chez Farid à Londres et je décide d’envoyer des CV un peu partout. Je reçois peu de réponses, voire aucune (sourire).
“Le premier jour, quand j’arrive à l’entraînement, je ne comprends rien à ce qu’on me raconte“
À Brentford, Farid jouait avec un autre français, Toumani Diagouraga. Je vais le voir et il me dit qu’il a joué plus jeune avec Marcus Gayle, qui a fait la Coupe du monde en 1998 avec la Jamaïque. À ce moment-là, il est l’entraîneur de Staines (D6). “Tu le contactes et tu lui dis que tu viens de ma part”. Je lui envoie alors un mail avec un anglais vraiment fracassé et il me répond : “Tu peux venir à l’entraînement demain”. Le premier jour, quand j’arrive à l’entraînement, je ne comprends rien à ce qu’on me raconte (rires). À la fin de l’entraînement, le coach vient me voir et me dit : “Tu es vraiment intéressant, on recherchait un arrière droit en plus. Mais on veut te voir à l’oeuvre dans quelques jours contre Aldershot”. Je me rends au match, je commence titulaire et j’ai tout de suite senti, dès les deux premières touches, quelque chose de différent. Les mecs me rentrent dedans (sourire). Dans ma tête, je me dis que je suis bien Angleterre (rires). À la fin de la rencontre, les coaches viennent me voir et on s’enferme dans une salle. Ils me disent : “Écoute, nous on veut te signer tout de suite. Maintenant, dis-nous quelles sont tes conditions”. Je dis que je veux signer ici et que je veux faire carrière en Angleterre.
Le seul problème c’est l’argent. Je vis chez mon pote, mais je ne compte pas rester là-bas éternellement. Je souhaite avoir mon appartement comme en France. Ils me laissent finalement le temps de la réflexion : “Rentre chez ton pote et on en reparle quand tu auras pris ta décision”. Ils me demandent par contre de revenir à l’entraînement quelques jours après. Je m’y rends et à la fin de l’entraînement, ils m’expliquent que je dois signer assez vite. Je leur réponds qu’il n’y a aucun problème, c’est ce que j’ai envie de faire, mais je ne peux pas leur donner une réponse tout de suite. Je dois rentrer d’abord en France car j’ai des papiers à remplir. Je rentre à Londres et j’explique tout ça à Farid. Il m’explique : “Je ne sais pas combien ils veulent exactement et combien ils te donnent dans cette division en règle générale. Demain, j’ai un entraînement. Une fois qu’il est terminé, je reviens et je demande aux joueurs que je connais ici un certain ordre d’idées. De ton côté, tu ne leur réponds pas”. Le lendemain matin, il va à l’entraînement et vers 12 h, le coach m’envoie un mail. Là, je suis sous pression. Je n’ai jamais échangé avec un entraîneur par email et pour moi, c’est impoli de pas lui répondre directement. Donc, je lui commence à écrire : “Je veux 2000 par mois”.
Le coach me dit : “T’es complètement fou, je crois que tu ne te rends pas compte de la chance que tu as !“
Eux ils font le salaire par semaine, mais moi je dis par mois car je suis habitué à cette manière de procéder. En France, on paie au mois. Je lui écris donc que je veux 2000 par mois car je dois trouver un appartement et le payer. La réponse du coach arrive instantanément : “T’es complètement fou, je crois que tu ne te rends pas compte de la chance que tu as ! Tu sais même pas combien de joueurs me demandent de jouer dans mon équipe. Tu sais quoi all the best”. J’étais effondré. Mais finalement, je reçois un autre email de sa part et il me dit : “Écoute, on a réfléchi, on veut bien t’accorder cette chance mais on va te donner que 150 par semaine, c’est-à-dire 600 par mois”. Cette fois-ci je ne réponds pas, j’appelle tout le monde : mes potes à Romorantin, Farid, ma mère, tout le monde et je leur demande : “Qu’est-ce que je fais ?” Avec 150 balles en Angleterre, je ne survis pas. Mais tout le monde me répond : “Vas-y, prends cette chance, tu ne sais pas ce qui peut se passer ensuite”. À ce moment-là je lui dis que j’accepte le challenge, mais que je dois terminer mes détails administratifs. Il a accepté. Et c’est comme ça que ça s’est passé. J’ai eu la chance, contrairement à d’autres joueurs, de trouver un club en seulement deux semaines et au premier essai.
Quand je suis arrivé à Staines, j’ai eu l’impression d’être dans un monde à part. Le stade, les vestiaires, les installations, tout était magnifique pour un club de ce niveau. Même la pelouse avait été élue meilleure pelouse de la division, c’est dire. Par contre, il n’y avait pas de terrain d’entraînement et c’était ça la seule bizarrerie. En Angleterre, la plupart des équipes ne s’entraînaient pas sur des terrains d’entraînement lors de mon arrivée. Maintenant, ça a légèrement changé. À la place, ils louaient des terrains, généralement en synthétiques. Mais à cette époque-là, la plupart des équipes s’entraînaient dans des parcs. Et à côté du parc où on s’entraînait, il y avait aussi des équipes de cricket et de hockey sur synthétique. On était au milieu de tout ça… Il y avait également un autre souci, l’herbe était jaune (rires) ! En arrivant, j’étais complètement surpris. J’avais même demandé à des coéquipiers le premier jour : “Où est le lieu de rendez-vous ? Autour de moi, je voyais les joueurs tous assis, avec un parking juste à côté. J’ai compris assez vite que c’était là où on s’entraînait (sourire). Je sortais de CFA et les installations de Romorantin étaient incroyables pour un club de ce niveau. Concrètement, on avait des infrastructures d’un club de Ligue 2. On avait une salle de sport, un jacuzzi, cinq ou six terrains. Ça me changeait complètement.
Ma première saison a été magnifique. Quand je signe là-bas, les fans sont étonnés et se demandent même : “Who is this frenchie ?” C’est qui ce Français qui joue au milieu ? Après neuf matches, le coach m’appelle en urgence et me dit au téléphone : “Il faut que tu viennes au stade”. Je lui demande ce qui se passe, je ne comprends pas sur le moment. Finalement, il m’explique : “On veut te faire signer un contrat de 2 ans”. À ce moment-là, ils comptaient me donner plus d’argent. J’étais à 150 pounds par semaine et ils pouvaient m’offrir 250 pounds. Donc ça faisait 400 pounds de plus au mois. Et la deuxième année était assortie d’une revalorisation de contrat. J’étais comme un fou à ce moment-là car je vivais chez ma cousine et je n’avais pas encore d’appartement. Je ne travaillais pas non plus à côté, c’était une chance inespérée de pouvoir survivre. Donc je signe direct. Au final, ce fut une belle erreur.
À ce moment-là, je n’avais pas d’agent et je ne savais pas ce qui se passait autour de moi. Je n’avais jamais signé un contrat aussi long. À Romorantin, c’était une année de contrat. Donc directement, j’ai signé, mais c’était surtout par rapport à l’argent. En réalité, après neuf matches, il y avait une tonne de clubs qui voulaient me prendre. Mais je ne l’ai su qu’en fin de saison… Par exemple, Eastleigh me voulait. Le coach c’était Richard Hill. Il y avait aussi Ebbsfleet. À ce sujet, un agent était venu me parler l’année dernière et il m’avait expliqué : “J’ai dit aux mecs de Ebbsfleet de te prendre à ce moment-là”. À l’époque, ils étaient en sixième division, comme nous. En revanche Eastleigh était parvenu à monter en cinquième division à la fin du championnat. Je n’étais pas forcément au courant de tout. Après, je sais qu’il y avait d’autres clubs qui voulaient m’acheter, mais je ne pourrais pas dire lesquels.
Staines était le petit poucet de la division. Tout le monde s’attendait à ce que l’équipe descende. Mais on avait construit une bonne équipe avec une vraie colonne vertébrale : Jack Turner dans les buts, qui joue aujourd’hui à Slough. En défense, Christopher Mboungou qui est désormais retourné en France. À mes côtés, au milieu, Louis-Rae Beadle qui est désormais rappeur du groupe WSTRN. Puis, devant, un attaquant monstrueux, connu en Non League, Louie Theophanous qui évolue maintenant à Romford, le club qui a été racheté par milliardaire excentrique Glenn Tamplin.
Personnellement, j’ai fait une grosse saison, sans doute la meilleure de ma carrière en Angleterre
Et avec ça, on a réussi à aller jusqu’au premier round en FA Cup. On a joué contre Brentford (défaite 0-5). On a aussi fait un beau parcours en FA Trophy avant de tomber face à Luton Town. C’était deux grosses performances pour nous. À la fin de la saison, on termine huitième au classement, c’était juste inespéré compte tenu de nos moyens. On était parvenu à battre tous les gros du championnat. Personnellement, j’ai fait une grosse saison, sans doute la meilleure de ma carrière en Angleterre. La saison se termine et je décide d’aller voir le coach : “Écoute, je t’en avais parlé en début de saison, je suis venu ici pour finir pro, donc je souhaite partir”. Il me répond : “Prends tes vacances, retourne en France et réfléchis. À ton retour, si tu me dis que tu veux toujours partir, il n’y a pas de problème. Plusieurs équipes sont sur toi et veulent t’acheter”. C’était la première fois que j’entendais ces mots sortir de sa bouche. Je retourne donc en France, un peu ‘peace’.
En l’espace de cinq jours, je perds dix kilos
Les vacances se passent pour le mieux et à une semaine de la reprise de la pré-saison, je vais manger chez une amie qui fait sa crémaillère. Mais la soirée se termine mal et tous les invités ont une intoxication alimentaire. Je tombe également malade, sauf que mon intoxication alimentaire se transforme en infection au niveau du côlon. En l’espace de cinq jours, je perds dix kilos et je suis obligé de me rendre à l’hôpital en urgence. Je reste là-bas pendant deux semaines. L’autre problème à ce moment-là, c’est que le coach n’avait pas de nouvelles de moi. Je ne pouvais pas envoyer de messages, je ne pouvais pas bouger de ma chambre et pour couronner le tout, je n’avais pas de réseau dans ma chambre ni d’accès à internet (sourire).
J’ai finalement contacté Chris (Mboungou) au bout de quelques jours qui a fait passer le message au coach. Une fois sorti de l’hôpital, je retourne à Staines et la pré-saison a déjà débuté, mais j’arrive avec dix kilos en moins et forcément je ne peux pas partir du club. Ma chance est passée et je dois rester. Je mets environ deux mois à retrouver mon niveau physique. Et le temps de le retrouver, la saison est complètement différente de la précédente. On perd tous nos matches et on pointe à la dernière place au classement. En décembre, un nouveau coach arrive et tente de nouvelles choses, mais ça ne marche pas. Il décide alors de se séparer de certains joueurs, dont moi et là, je pars en prêt à Farnborough en mars 2015.
Il faut savoir que Farnborough (D6) m’avait repéré depuis un petit moment. La saison précédente, on avait joué un match contre eux en FA Trophy. Durant la rencontre, j’avais fait une accélération de fou, un peu à la manière de Gareth Bale contre Barcelone et j’avais également marqué. Le club était à fond sur moi après la rencontre (rires). Ils voulaient m’acheter, mais finalement, ils avaient pris un autre gars de mon équipe à la place. lls devaient m’inclure dans le deal mais voilà, ça ne s’était pas fait. Un an après, je vais chez eux. Malheureusement, je ne suis pas au mieux de ma forme car le nouveau coach à Staines ne m’avait pas fait jouer pendant plusieurs semaines. Lors des premières rencontres avec Farnborough, je suis sur le banc (sourire). En fin de saison, si je ne me trompe pas, l’équipe est reléguée. Donc en fait, cette saison-là, j’ai été relégué deux fois, avec Staines, parce que j’étais parti en prêt, et avec Farnborough.
À mon retour de Farnborough, je signe avec un nouvel agent, qui va également s’occuper de Christopher Mboungou (ancien coéquipier de Stéphane à Staines et passé par l’Angleterre en 2013 et 2018. Il a des contacts à droite et à gauche. Moi, il m’envoie à Whitehawk (D6) en août. Là-bas, ils me connaissaient puisque j’avais joué contre eux et je leur avais mis le bouillon (rires). Mais leur coach était surpris de me voir ici : “Tu es un très bon joueur, mais que s’est-il passé avec Staines ? Pourquoi au bout d’un moment, tu as disparu de la circulation ?” Je lui ai répondu : “On a changé de coach et puis je suis parti en prêt à Farnborough”. Le club décide de me prendre à l’essai. Je fais un bon premier match et le match suivant, on joue contre Crawley qui évolue alors en League Two. Sur ce match, je sors une prestation de folie. Ils ont tous été bluffés. À la mi-temps, le coach vient me voir pour dire que le club va me signer dans la foulée. Mais avant la fin du match, je me blesse à la cheville, sauf que le championnat débute dans deux semaines à peine. Le coach m’explique qu’il veut toujours me signer, mais comme je suis blessé, c’est embêtant. En plus, j’arrive l’entraînement suivant avec des béquilles. Il est de plus en plus inquiet. Pour le rassurer, je lui dis : “Je sais que d’ici deux semaines, il n’y aura plus aucun problème avec ma cheville”.
Le championnat commence et je ne suis pas dans le groupe lors des deux premières journées. Je reviens seulement pour la troisième journée. Mais l’équipe ne fait pas de bons résultats. Le coach décide donc de me faire commencer la rencontre lors du quatrième match. On gagne 4-2 et je fais une excellente prestation. Puis, sans vraiment comprendre pourquoi, je débute les matches suivants sur le banc et je ne joue plus. Dans l’équipe, il y avait de très bons joueurs à l’époque comme Sergio Torres, un Argentin assez connu en Angleterre et en Écosse. D’autres joueurs étaient passés chez les pros, mais il n’y avait rien d’insurmontable pour moi.
Au bout de sept matches, la situation commence quand même à m’énerver et je demande au coach : “Bon tu me fais pas jouer, fais-moi partir en prêt, comme ça au moins je serai sûr de jouer”. Sauf que lui ne veut pas me faire partir. Je joue finalement un match et je marque ce jour-là. Je me dis sur le moment que le vent est en train de tourner et que je vais enchaîner les matches. Mais les six matches suivants, je ne joue plus. Au bout d’un moment, il ne faut pas non plus déconner avec moi. Je vais le voir à nouveau pour lui demander de partir : “Tu veux partir en prêt ? n’y a pas de soucis. Tu dois juste attendre que la FA cup soit terminée et après, tu pourras t’en aller”. Sauf que nous à ce moment-là, on va jusqu’au premier round et on joue contre Dagenham & Redbridge. En fait, les rapports que j’entretenais avec ce coach étaient conflictuels. Il aimait les joueurs un peu ‘bêtes’ qui lui disaient oui tout le temps.
Moi, à ce moment précis, je commençais déjà à parler couramment anglais et si un truc n’allait pas, je lui disais cash. J’avais 26 ans et déjà un peu d’expérience dans cette division. Tu ne pouvais pas me parler de la même manière qu’avec certains. Je me rappelle avoir pris une amende pour être arrivé en retard avec Arnaud Mendy, un ami à moi qui jouait là-bas à l’époque. À ce moment-là, il faut savoir que tout le monde arrivait en retard et personne ne prenait une amende… Il arrivait même que le coach ne se pointe pas à l’entraînement (rires). Un soir, je commence à discuter par message avec lui : “Pourquoi tu m’as mis une amende ? Et pourquoi tu n’en as pas mis aux autres ? D’ailleurs, tu as oublié de me donner des primes de matches, des bonus”. Il me répond : “Je me suis trompé là-dessus, mais voilà tu as été en retard”. Je dis : “Ok, pas de problème, mais moi j’aimerais bien que si tu me mets une amende, tu fasses pareil avec tout le monde”. Il me dit : “Oui, mais ça ne te concerne pas”. Je lui réponds : “Bien sûr que ça ne me concerne pas, mais sois juste avec tout le monde au moins”. Là, je sens qu’il commence à s’agacer : “De toute façon, tu as déjà loupé plusieurs entraînements”.
J’ai trouvé cela irrespectueux que tu viennes à l’entraînement alors que je t’ai dit de ne pas venir
Je ne me dégonfle pas et je lui explique : “Je n’ai loupé qu’un seul entraînement et je t’avais tenu au courant. Depuis, je n’ai plus jamais été en retard et plus jamais loupé un entraînement. Par contre toi, tu ne viens pas toujours à l’entraînement”. Il l’a mal pris. “Laisse tomber, ce n’est plus la peine de venir”. J’ai répondu : “Sans-souci, tu veux que je parte ? Très bien, mais tu me donnes l’argent de mon contrat”. Il me rétorque : “Non, on va continuer à te payer, mais tu ne viens plus à l’entraînement, aux matches”. Le lendemain, je vais quand même à l’entraînement, il serre la main de tout le monde, mais pas la mienne et il me laisse m’entraîner. Le lendemain, il m’appelle : “J’ai trouvé cela irrespectueux que tu viennes à l’entraînement alors que je t’ai dit de ne pas venir”. Je lui ai expliqué : “Moi je suis sous contrat. C’est mon contrat de travail, j’ai obligation de venir, maintenant si toi, tu m’envoies un message où me dis ‘je ne t’autorise plus à venir” dans ce cas-là, je ne viens plus, mais ce message doit être écrit et légitime”. Il me dit : “Non, moi ça ne sera pas comme ça, tu ne viens plus mais tu seras toujours payé”. Au bout de deux semaines, il me rappelle et me dit : “Prends tes affaires et viens au match”. On joue en FA trophy conte Dover et il me met titulaire d’entrée. Ça n’a aucun sens (soupir). Je n’ai pas joué depuis un bout de temps. Malgré tout, je réalise un bon match. Puis, dans la foulée, il me place sur la liste des transferts. Je ne comprends pas. Il me dit : “Il y a une équipe qui veut te prendre en Conference North”.
À ce moment-là, je suis un peu réticent, je me dis pourquoi j’irai jusqu’en National League North (D6). Ce n’est pas à côté de chez moi. Le club qui souhaite me recruter est Hednesford. La ville est située non loin de Wolverhampton. Moi j’habite à Londres. Pour aller à Wolverhampton, je dois avoir quasiment deux heures de train. Le coach d’Hednesford m’appelle. Il s’agit de Frank Sinclair qui a joué à Chelsea et Leicester dans les années 1990. Il parvient à me convaincre et sans réfléchir, j’y vais. On était au début de l’année 2016. Le prêt se passe très très bien. Je fais des gros matches, je marque deux buts, dont un contre Boston United. C’est sans doute le meilleur match que j’ai fait d’ailleurs. À la fin de mon prêt, Boston me contacte pour venir en prêt.
Honnêtement, c’était une belle opportunité pour moi. Boston (D6) est un meilleur club, ils ont déjà fait les playoffs. Il y a 1000 personnes à chaque match à domicile. Whitehawk et Hednesford ont des affluences bien moins importantes. Je décide d’aller là-bas. Le coach est ami proche du coach de Whitehawk. Je commence les premiers matches en tant que titulaire, mais le coach me fait jouer numéro 10… Sauf que je ne suis pas numéro 10 ! Il s’attend à ce que je marque en fait. Mais je n’ai jamais été un buteur. j’ai toujours été un passeur ou un créateur. Un mois après le début du prêt, Boston décide de se séparer moi et je dois retourner à Whitehawk.
À ce moment précis, le coach voit que je suis affûté. Il a donc l’idée de me garder et de me faire jouer. Le club joue alors la montée et les playoffs. Mais voilà, il ne me fait pas jouer et Hednesford me contacte à nouveau. Je repars là-bas pour finir la saison. Au bout d’un moment, le club est assuré de descendre mathématiquement. Ils virent Frank Sinclair et me disent : “Ça ne sert à rien que tu restes puisque de toute façon on va descendre. Et puis l’année prochaine, on sait que tu ne vas pas rester, donc tu peux retourner à Whitehawk”. Lors du dernier match, on joue contre Solihull et à la fin de la partie, je vais dans le vestiaire de Solihull. Le coach de l’époque est Marcus Bignot qui est entraîneur des moins de 18 de l’Angleterre je crois. En tout cas, il est dans le staff de l’Angleterre et il est aussi coach des jeunes, tout en entraînant Solihull. Je lui dis : “Je veux ton numéro parce que l’année prochaine je compte jouer dans ton club”. Solihull est assuré de monter. Il accepte : “J’avais un œil sur toi en plus. Tiens, voici mon numéro, on s’appelle cet été”. Je retourne à Whitehawk, on fait les playoffs et on perd contre Ebbsfleet. Je ne joue aucune minute, mais au moins, je suis dans le groupe. À la fin de la saison, Whitehawk ne me resigne pas.
À ce moment-là, je contacte le coach de Solihull et on échange par mail : “Je veux te signer, mais le problème c’est que tu habites à Londres et Solihull est à Birmingham”. Il me propose malgré tout de venir à la pré-saison. Dans le même temps, un agent m’envoie à Braintree. J’ai le choix : soit je vais à Braintree, soit je vais à Solihull. Sauf qu’à ce moment-là, comme je l’ai dit, j’ai mon agent et c’est un autre agent qui m’envoie à Braintree. Mon agent discute lui avec Solihull. Mais le problème, c’est que les deux pré-saisons sont le même jour ! Je me pose la question : “Où est-ce que je vais ? Braintree est plus proche de Londres et, Birmingham assez loin”. Je décide d’aller finalement à Braintree d’un point de vue logistique. Après deux semaines, le coach ne me garde pas et c’est tout à fait normal, je n’ai pas fait une bonne pré-saison. Je tente de recontacter Solihull, mais malheureusement, les discussions sont rompues avec eux. À ce moment-là, je n’ai plus de club…
“L’école ne me payait pas grand-chose, juste de quoi payer mon loyer”
Je vis mal la situation, même si je travaille aussi à côté. Lors de ma deuxième saison à Staines, je me suis dit qu’il fallait que je travaille. On ne sait jamais après tout. J’ai commencé à travailler dans une école primaire pour faire ce qu’ils appellent ici des “after school.” C’est-à-dire qu’après l’école on fait faire des activités aux enfants. Pendant plusieurs semaines, comme j’étais sans club, j’avais peu de revenus. L’école me payait pas grand-chose, juste de quoi payer mon loyer. Fin septembre, je n’avais toujours rien et c’était la première fois que je me retrouvais dans une telle situation. Mon agent me recontacte finalement pour me dire que Grays Athletic est intéressé.
Le coach me connaît. Donc je vais là-bas, je joue cinq matches avec eux, mais ça ne se passe pas bien. Je ne fais pas de grosses performances, ce qui est logique en même temps puisque je n’ai pas fait de pré-saison. Durant le cinquième match, je suis touché, j’ai une béquille. Après Grays, je fais un essai à Bishop et la chance que j’ai à ce moment-là, c’est qu’à Bishop, la séance est axée uniquement sur la course, mais je n’arrive plus du tout à courir. Le coach me dit de revenir à un entraînement. Sauf que je n’y retourne pas car je ne peux plus jouer au foot. Pendant deux mois, je suis convalescent.
Vers novembre, mon agent m’envoie à Oxford City (D6). J’y reste pendant quinze jours. Je rencontre là-bas Mike Fondop-Talup. Un joueur camerounais qui parle français. Finalement, je signe à Oxford après mon essai. Quelques semaines plus tard, Jean-Yves Koue Niaté (Aldershot/D5) rejoint le club. Tout va bien, mais au bout d’un moment, la vision du coach est différente de la nôtre. Il est en même temps le directeur de l’académie et il ne veut faire jouer que les jeunes. Lors d’un match, il aligne une équipe avec cinq joueurs en dessous de 20 ans. On joue contre Maidenhead qui tabasse tout le monde à l’époque. Ils ont un attaquant qui explose tous les records du championnat avec plus de 40 buts. On se fait éclater 6-1.
Après ce match, je me rappelle qu’on est la veille de la deadline des transferts. En gros, si au-delà de 17 h, un club se sépare d’un joueur le jour de la deadline, il ne peut plus signer en National League North ou en National League South. Oxford me vire la veille de cette date, à 17 h… À cette période, j’avais aussi des cours pour être personal trainer. J’étais à fond dedans. Mais les mecs s’en moquaient et ils m’ont viré la veille de la deadline. Je n’avais que quelques heures pour trouver un club et là, je deviens fou. J’appelle un joueur, Chris Sessegnon, qui évolue à Margate. Je suis cash : “Appelle ton coach, dis-lui que je viens”. Il me dit “Tu peux venir, mais il y a un salaire de merde”. Je lui réponds : “Écoute, à l’heure actuelle, il faut que je joue au foot coûte que coûte”. Comme je préparais en même temps mes cours pour être coach sportif, je n’allais plus trop à l’école primaire. Il me fallait donc à tout prix une rentrée d’argent. Par chance, je signe avant la deadline et je termine la saison avec le club. Malheureusement, on descend. La troisième pour moi en seulement deux saisons. C’est difficile à avaler (soupir).
À Margate (D6), je jouais avec Mike Thalassitis. Il a fait l’émission de téléréalité Love Island et s’est suicidé l’année dernière… Je trouve qu’on ne parle pas assez de la santé mentale chez les joueurs de foot. Beaucoup d’entre eux ne le disent pas, mais ils souffrent de dépression. Ça devrait être plus étudié et les joueurs devraient plus en parler. Pour les joueurs pros, la vie est belle, mais ceux qui ont été en academy, en centre de formation et qui n’arrivent pas à trouver de clubs derrière, le choc doit être rude. Il faut en parler. J’espère que quelque chose sera fait. En Angleterre ils le font un peu, mais en France, j’espère que ce sera plus étudié.
Je signe ensuite à Hungerford (D6), une équipe entraînée par Bobby Wilkinson. C’est l’un des meilleurs entraîneurs que j’ai eu, et l’une des meilleures relations que j’ai eue en Angleterre. Il entraînait Hungerford depuis, si je ne me trompe pas, sept saisons et sur les sept saisons, il a connu deux ou trois montées et joué trois ou quatre fois les playoffs. La saison avant mon arrivée, ils arrivent à accrocher les playoffs d’ailleurs, alors qu’ils sont promus la même année. Mais le problème, c’est qu’ils n’ont pas le stade aux normes. C’est finalement l’équipe derrière eux qui prend leur place. Le coach m’appelle et me dit de venir. Le club a vraiment de l’ambition. Là-bas, je retrouve l’ambiance familiale qu’il y avait à Staines. Je me dis qu’enfin, je vais avoir de la stabilité.
Après quelques journées de championnat, Wilkinson s’en va. Je suis dégoûté (rires). J’avais fait l’effort de venir car en plus, Hungerford est situé un peu plus loin que Reading. Je mettais deux heures pour y aller. Il part donc et deux joueurs de l’équipe prennent sa succession. On commence à nouveau à gagner. Puis, Bobby Wilkinson me rappelle un soir. Il a signé dans un autre club et il souhaite que je le rejoigne. Il faut savoir que j’avais signé un non-contrat à Hungerford. Pour être clair, je n’avais pas signé un vrai “contrat”. J’aurais pu le signer, mais le coach m’avait dit de ne pas le faire après un match où je crois, on perd. Je devais attendre. Et au moment de son appel, j’ai compris pourquoi il m’avait dit de patienter et de ne pas m’inquiéter. Il savait qu’il partait en réalité (sourire). Je décide donc de l’accompagner à Wealdstone (D6) qui se trouve entre Watford et Londres. Mais ce fut au terme d’un “drama” de fou. Hungerford ne voulait pas me lâcher (sourire). Je suis resté dans ce club un gros mois et je suis parti comme une légende (rires). Je devais être le premier joueur français à jouer pour ce club. J’avais également une mentalité excellente et je donnais tout sur le terrain. À mon avis, ils n’avaient jamais dû voir un joueur d’une qualité comme la mienne (sourire).
On a trouvé un joueur, mais je préfère te libérer car je ne suis pas sûr que tu donnes tout sur le terrain
Encore aujourd’hui, les fans du club m’accueillent à bras ouverts. Après, comme je viens de le dire, le départ a été tourmenté. Le coach intérimaire ne voulait pas me laisser partir. Comme j’avais un non-contrat, il pouvait me mettre un “seven days” sur mon contrat. En gros, le club a sept jours pour demander à un autre club s’il peut prendre le joueur. De mon côté, je voulais à tout prix bien finir la dernière semaine avec Hungerford. Je ne voulais pas partir du jour au lendemain et que le club galère pour trouver un remplaçant. Le coach intérimaire accepte mon choix. Quelques jours après, il me rappelle pour me dire : “On a trouvé un joueur, mais je préfère te libérer car je ne suis pas sûr que tu donnes tout sur le terrain”. Pourtant, j’étais sincère. Je voulais vraiment terminer sur une bonne note. Le coach n’en démord pas et il me dit de ne pas venir ni à l’entraînement, ni au match du week-end. Finalement, j’accepte sa décision et je lui demande de partir sur-le-champ. Sauf qu’il me dit : “Je veux bien que tu partes, ce n’est pas le souci. Mais deux joueurs importants viennent également de nous quitter en ne remettant pas leurs équipements. Tant que tu ne rends pas les équipements, tu ne peux pas partir avant la fin des sept jours. On ne veut pas que la même chose arrive avec toi”.
Je ne comprenais pas la situation et pourquoi le club faisait ça… Finalement, ils décident de me laisser partir, un peu dans la difficulté malgré tout. Je suis parti quand même en bons termes avec le président et le coach. La situation avait été stressante. Je n’avais rien à me reprocher et pourtant, on m’avait mis des bâtons dans les roues. Je payais pour des gens qui n’avaient rien à voir avec mon truc.
Je débarque à Wealdstone (D6) au bout de ces péripéties. Là-bas, ce fut un peu les montagnes russes au niveau sportif. Lors de mon premier match, je réalise, à mes yeux, une bonne prestation. Le coach pense l’inverse. Mais le souci, une nouvelle fois, c’est qu’il me positionne en tant que numéro 10. Pourtant, il le sait, je ne suis pas un numéro 10 (sourire). En plus, il me met titulaire d’entrée et ça ne plaît pas à certains joueurs. Il y a des clans dans l’équipe. Ce qui est tout à fait normal car les mecs étaient là avant moi. Ils se connaissaient depuis un moment. La situation était donc un peu difficile. Le nouveau coach ramenait ses propres joueurs et les faisait jouer tout de suite (sourire). Il y avait le clan des nouveaux et le clan des anciens. Je me suis retrouvé au milieu des mecs de Wealdstone, donc de Londres, et les mecs d’Hungerford, donc ceux de Reading (sourire). J’ai fini par me mettre dans aucun camp. La saison avance. Un coup je joue, un coup je ne joue pas. La situation était une nouvelle fois pesante. Je vais voir le coach : “Tu sais comment je suis. Là, je suis sur le banc depuis plusieurs rencontres et tu sais que je dois jouer. Maintenant, si ton souhait est de ne pas me faire jouer, envoie-moi en prêt”. Il me répond que je dois être patient et que je suis toujours dans ses plans. Moi, la situation me pose problème et j’insiste pour partir.
Malheureusement, je fais une erreur en lui disant de ne pas m’envoyer en prêt dans la division où joue Wealdstone, mais dans la division en dessous car je ne veux pas jouer contre lui. Il me dit : “Vas dans la division en dessous alors”. Et là, je me retrouve à Burgess Hill… (sourire), le niveau ? Catastrophique, mais vraiment catastrophique. Là-bas, je rencontre Ibrahim Diallo, un autre francophone. C’est sans doute la seule bonne chose de l’histoire. Je repars à Wealdstone assez rapidement. Mais là encore, il se passe une chose bizarre. Je me souviens qu’on est un mardi midi et je n’ai aucune nouvelle du coach. Je me demande ce qui se passe. Pourtant, l’équipe va bien, elle gagne, notamment en FA Trophy où elle arrivera en demi-finale. Le coach n’a aucune raison de changer. Du coup, je lui demande : “Que se passe-t-il coach ? Mon prêt est terminé, mais je n’ai aucune nouvelle de toi”. Il finit par me répondre quelques minutes après et me donne rendez-vous sur les coups de 18 h à Havant & Waterlooville. Sur le coup, je suis étonné et je me demande surtout comment je vais y aller en fait. À ce moment-là, je ne sais pas ce que je fais. Dois-je prendre mes affaires ? J’appelle alors les gars de l’équipe pour savoir qui va à Havant.
Je regarde le nom des onze joueurs qui débutent la rencontre et je vois mon nom. Je me dis que le mec est fou
Finalement, je parviens à me rendre là-bas et tout le monde est surpris de me voir. Personne ne s’y attendait ! Ils me disent tous : “Hey frenchie qu’est-ce que tu fais là ?” Je leur réponds que le coach m’a demandé de venir ici. Je décide ensuite d’aller voir la feuille de match pour savoir si je suis sur le banc des remplaçants, mais je ne vois pas mon nom. Je me dis : “Putain, je ne suis pas dans le groupe”. Sauf que tout le monde est en train de me regarder. Là, certains gars commencent à me dire : “Tu savais que tu débutais le match ?” De mon côté, j’étais choqué (rires) : “Comment ça je commence ?” Je regarde le nom des onze joueurs qui débutent la rencontre et je vois mon nom. Je me dis que le mec est fou. Ça fait deux semaines que je n’ai pas joué. Il doit le savoir ou alors, il ne s’est pas renseigné. Sur le moment, je me rends compte que si je ne lui avais pas envoyé de message le midi, je ne savais pas que je jouais ! C’était incompréhensible. Même les fans se posaient des questions : “Comment ça se fait que Stéphane soit de retour et qu’il commence titulaire ?”
Personne n’a compris. Moi de mon côté, je fais un bon match, mais j’ai vite senti que je n’étais pas en jambes. Cela faisait deux semaines que je n’avais pas joué. Au final, on perd 0-1 et on pense après la partie que c’est mort pour les playoffs d’accession. Je continue à Wealdstone et quelque temps après, le coach de Banbury m’appelle et qui me demande de venir en prêt. Je lui réponds que je commence à me consacrer à ma carrière de coach sportif. J’étais déjà allé en prêt à Burgess Hill et je n’avais pas envie de faire à nouveau des allers-retours, car Burgess Hill se trouve pas très loin de Brighton, à environ 2 h de Londres. Banbury était au-dessus d’Oxford, à 1 h 40 de Londres. Je n’avais pas envie d’y aller. Le coach de Wealdstone m’appelle ensuite en mettant la pression : “Ouais, il faut que tu ailles à Banbury. Tu pourrais me rendre service après tout ce que j’ai fait pour toi Stéphane”.
Il faisait ça car ils voulaient prendre des joueurs en prêt et la condition sine qua non pour les avoir, c’était de m’envoyer en prêt. Je libérais une place et en plus, du budget pour le club car Banbury allait payer le bon salaire que je touchais à Wealdstone. Moi je ne voulais pas partir, donc je lui réponds non au téléphone et il me dit alors : “Je te mets une amende, je n’en ai rien à faire”. Honnêtement, je ne reconnaissais pas le mec. Je rappelle le coach de Banbury pour lui dire que je ne viens pas et je lui dis ensuite que j’arrête définitivement le foot. Les deux coaches me disent alors que je ne dois pas faire ça, je suis un bon joueur, j’ai des qualités et si ça n’a pas marché à Wealdstone, ça peut très bien marcher ailleurs. Je me laisse finalement convaincre et je décide de rejoindre Banbury. Là-bas, je réalise des bonnes prestations, mais à un moment donné, j’en avais marre des voyages.
J’étais dans ma cinquième saison en Angleterre et j’avais déjà joué pour beaucoup de clubs. Je n’avais plus vraiment de stabilité. En fin de saison, j’appelle le coach et je lui demande comment va s’articuler la prochaine saison. Quels sont ses plans en gros. Il me répond : “On avait conclu un accord ensemble au moment de la signature, j’ai envie de continuer avec toi. La saison a été compliquée pour tout le monde, mais les choses peuvent s’arranger”. En raccrochant, je me dis que je n’ai aucun souci à me faire et que je serai à Wealdstone la saison prochaine.
On a toujours une relation sincère tous les deux, un peu comme un père et son fils
Plusieurs heures après, je vois des tonnes de notifications sur mon téléphone. Au sein de l’équipe, on avait un groupe tchat pour discuter. Là, je vois les mecs qui commencent à s’affoler : “Je suis libre” et moi aussi, mais je trouve l’info sur Twitter. On a tous reçu un message sur Twitter pour dire qu’on était libérés de nos contrats. Je tombe des nues. Je rappelle le coach car je ne comprends pas. On a eu une discussion quelques heures avant : “J’ai pris cette décision car tu dois jouer. Je ne suis pas sûr que tu seras titulaire la saison prochaine et avec les qualités que tu as, tu ne peux pas te permettre d’être sur le banc”. Après ses explications, je comprends mieux les raisons de ce choix et je l’accepte. On a toujours eu une relation sincère tous les deux, un peu comme un père et son fils.
La pré-saison redémarre et je pars faire un essai à Concord Rangers (D6). Le coach, Sammy Moore, me connaissait bien car j’avais joué contre une de ses anciennes équipes lorsque j’étais à Burgess Hill. Tout se passe bien, les gars savent de quoi je suis capable. Je pense donc signer. Mais le problème encore une fois, comme je suis grand et costaud, ils veulent me positionner derrière l’attaquant, en neuf et demi (rires). J’avais déjà dépanné à ce poste, mais voilà, je suis milieu relayeur avant tout. On joue le dernier match amical contre Colchester et je réalise une prestation plutôt moyenne. À la fin du match, le coach vient me voir : “Écoute, on a bien aimé ton match Stéphane, mais on ne pense pas te mettre titulaire et tu as besoin de jouer, donc, on ne va pas te garder”. Là, j’ai dit, c’est bon, j’arrête. J’appelle Bobby Wilkinson qui est toujours coach à Wealdstone et je lui dis : “Je t’appelle pour te dire que j’arrête définitivement le foot. J’en ai marre. Je vais me concentrer sur ma carrière de coach sportif”. À ce moment-là, j’allais sur mes 30 ans. Il me répond : “Non, c’est impossible. Tu ne dois pas arrêter. Je vais te trouver un club. Tu joues là-bas, tu fais tes matches et ensuite, je te récupère”. Il décide de m’envoyer à Hendon.
J’évolue désormais à Maldon & Tiptree (D8). Je suis le vieux de l’équipe (rires). Ils m’appellent “uncle” ou “grand-papa”. Depuis le début de la saison, on fait des choses incroyables. Avec Liverpool, on était l’une des seules équipes à n’avoir perdu aucun match de championnat jusqu’à début janvier. Notre série s’est arrêtée récemment (NDRL, l’interview a été réalisée fin janvier à Londres). Puis surtout, on a éliminé Leyton Orient en FA Cup, à Brisbane Road (2-1) en novembre. Ça a fait grand bruit, y compris en France. Je me souviens qu’un journaliste de l’Équipe est venu au tour suivant contre Newport County pour couvrir le match. Honnêtement, on avait un plan parfait pour contrer Newport. On savait que cette équipe balançait des longs ballons devant. Notre stratégie était de les attendre pour les contrer ensuite. Le match était en plus diffusé sur la BBC et à l’étranger, tous les ingrédients étaient réunis. Malheureusement, on prend un but à la 91e…
À ce moment-là, je ne le sais pas, mais c’est Martin Keown, l’ancienne légende d’Arsenal qui commente le match pour la BBC. Dans la foulée, j’apprends que je suis élu “Man of the match” et il me remet le trophée. Ce qui est drôle, c’est que pendant tout le match, j’ai souri. En fait, comme je suis le plus âgé de mon équipe, je me dois de montrer aux jeunes joueurs mon professionnalisme sur le terrain et mon envie d’aller au charbon. C’était aussi la première fois qu’on diffusait un de mes matches. Sur Twitter, tout le monde s’est enflammé après le match. J’ai reçu des tonnes de messages (rires). Certains se demandaient même ce que je faisais en huitième division et que j’aurais dû jouer chez les pros. C’est gratifiant de lire ça. Honnêtement, avec le recul, j’ai vécu des histoires de fous.
Je savais que j’allais venir un jour en Angleterre. Du coup, j’avais eu l’intelligence de prendre des cours d’anglais pendant six mois lorsque j’étais à Romorantin. C’était bien avant que je ne sache que le club n’allait pas me garder. Mais j’avais anticipé au cas où. Je regardais aussi beaucoup de films en anglais et de catch (rires). Cela va étonner beaucoup de gens, mais le catch m’a permis de comprendre l’anglais (sourire). Comme les commentateurs articulent correctement, c’est plus facile de comprendre. J’arrive alors en Angleterre et les premiers mots que je prononce, c’est à un agent de transports. Je lui demande mon chemin… Je n’ai rien compris (rires). Je me disais en arrivant que je parlais bien anglais et en fait pas du tout. Je comprenais l’américain en réalité, ce qui n’a rien à voir avec l’anglais. Après ça, je me suis dit que j’étais foutu. Pendant huit mois, c’était très difficile pour moi d’avoir une conversation avec un anglais. Le moment où j’ai compris que je commençais à parler anglais convenablement, c’était à un rendez-vous Tinder (rires). J’ai eu une bonne discussion avec la fille. Je me suis dit à ce moment-là : “C’est bon, je parle anglais” (rires).