Entretien – Kimberley Alphonse, victime de propos racistes à l’US Orléans : « Je ne peux pas aller dans un climat où je ne suis pas en odeur de sainteté et de protection » | OneFootball

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·25 marzo 2025

Entretien – Kimberley Alphonse, victime de propos racistes à l’US Orléans : « Je ne peux pas aller dans un climat où je ne suis pas en odeur de sainteté et de protection »

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« C’est important de parler et de dénoncer. » Secousses au sein de l’US Orléans. Quelques mois après l’affaire Bernard Casoni, le club du Loiret se retrouve de nouveau dans la tourmente, comme révélé le vendredi 21 mars par nos confrères de La République du Centre. Entraîneur des gardiens de but de la réserve (National 3), des U19 et U17 Nationaux de l’USO, Kimberley Alphonse dénonce avoir été victime de propos racistes de la part d’un dirigeant de l’association : « Oh non, pas lui. On a notre quota de Noirs, c’est bon tu peux rentrer. » L’éducateur de 30 ans confie avoir été quelques jours plus tard victime d’une agression physique de la part d’autre dirigeant. Auprès de Foot National, Kimberley Alphonse, qui se dit « psychologiquement heurté », a tenu à relater les faits. Entretien.

Kimberley, vous dénoncez deux incidents survenus au sein de l’US Orléans durant le mois. Pouvez-vous nous relater les faits ?


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Je vais le faire à travers mon échange de mail avec la direction, datant du 17 mars dernier :

« Je me permets de vous faire parvenir, via ce mail, la description de deux incidents qui se sont produits au sein du club. Premier incident survenu en date du lundi 10 mars 2025 : en arrivant au club aux alentours de 16h, je me suis dirigé au bureau des éducateurs pour ma prise de poste habituelle. En repartant, je me suis arrêté au bureau des éducateurs de la section féminine. En arrivant devant la porte du bureau, le secrétaire général a dit à haute voix : « Oh non, pas lui. On a notre quota de Noirs, c’est bon tu peux rentrer » en présence de deux éducateurs du club qui pourront confirmer les propos tenus à mon égard. Par la suite, j’en ai discuté avec le responsable du pôle gardiens et entraîneur gardien de l’équipe professionnelle. »

Aujourd’hui, le secrétaire général conteste les faits.

Le deuxième fait s’est déroulé quelques jours plus tard.

Le dimanche 16 mars. Ce sont deux faits différents. Là on parle de la violence physique :

« À la fin du match qui nous opposait à l’équipe des U17 Nationaux du Stade Lavallois, j’ai été violemment pris à partie par le président délégué, qui est entre autres le responsable délégué de la sécurité de l’association. Il m’a pris par la gorge et le bras en me disant 'Tu te tais, je ne veux pas t’entendre' à deux reprises, dans le tunnel qui sépare l’entrée de nos vestiaires. Je lui ai répondu à haute voix : 'Ne me touchez pas, qu’est-ce qu’il vous prend ?'. Il a continué son comportement d’intimidation envers moi, juste avant que l’entraîneur des U17 d’Orléans et ses joueurs rentrent au vestiaire. L’entraîneur principal, le préparateur physique et quelques joueurs du groupe ont assisté à la scène et sont restés sans voix. C’est pour cela qu’à ce jour, après de longs moments de réflexion, j’ai décidé momentanément de ne pas poursuivre mes entraînements car je ne me sens pas en sécurité dans le club pour lequel je me suis engagé depuis ma prise de poste du 22 juillet 2024. J’essaye tant bien que mal de faire mon travail comme il se doit et comme le club me demande de le faire. Malheureusement, à travers cette prise de décision qui me semble justifiée, je laisse une dizaine de gardiens qui n’ont rien demandé et rien à voir avec les incidents. Il est hors de question que je poursuive mes fonctions dans ce climat-là car le racisme et la violence n’ont pas de place dans le sport et la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. À travers cette démarche, je tiens à vous informer des incidents qui portent atteinte à mon égard et me semblent grave. Je ne souhaite en aucun cas nuire au club. La mairie a été mise au courant des faits. Je ne souhaite en aucun cas rentrer en contact avec ces deux personnes. »

Avez-vous eu des retours ou des échanges avec la direction depuis ?

Oui j’ai eu un retour par mail du président de l’association … Il a répondu trois heures après mon mail du 17 mars.

Estimez-vous qu’il existe un lien entre ces deux incidents ?

Bien sûr. Pour moi, il y a même une façon de faire ou de dire qu’il fallait me faire sortir de mes gonds et que les événements se retournent contre moi.

« Là, je suis atteint et je ne peux pas repartir »

Avez-vous reçu du soutien au sein du club ?

Très peu. Très peu parce qu’ils instaurent un climat de peur auprès des gens pour ne pas qu’il y ait une certaine forme de propagation de l’information. Ils devaient même être au courant de ces histoires et voulaient juste éteindre le feu, c’est tout. … L’ensemble du club a d’ailleurs reçu un mail du président de la société du club :

« Comme vous le savez, nous faisons face actuellement à deux litiges entre un éducateur et des membres de la direction. Cette affaire est bien entendue suivie de près par la direction du club qui diligente une enquête interne. En l’absence d’éléments tangibles sur la réalité des faits, seule la direction a le pouvoir de communiquer à ces sujets. Je vous rappelle qu’en portant les couleurs de l’USO, vous en représentez l’image et vous devez respecter cette institution. Ainsi, aucune communication externe ou relais de communication existante ne sera tolérée. Le club de football reste une entreprise et chacun s’en doit de respecter les règles et la hiérarchie. Celles et ceux qui ne sont pas en phase avec cette vision sont libres de partir, comme c’est le cas dans toutes les entreprises. Tout manquement à cette règle sera immédiatement et sévèrement sanctionné. »

Est-ce que la première fois que vous êtes victime de racisme dans votre carrière ?

C’est vraiment la première fois. En cinq ans, j’ai fait plusieurs départements : la région parisienne d’abord, après je suis parti du côté du Pau FC, puis à Mont-de-Marsan et là je suis revenu dans le Centre-Val-de-Loire. J’ai beaucoup bougé ces dernières années, et je peux vous dire que c’est la première fois qu’un membre de la direction … (Il coupe) En fait, c’est ce qui m’a heurté. J’ai l’impression qu’à Orléans, certaines choses sont cautionnées. C’est ce que je veux mettre en avant.

Sur le plan judiciaire, où en êtes-vous ?

J’ai saisi le défenseur des Droits et j’ai porté plainte au pénal. J’ai ajouté dans ma plainte toutes les pièces à conviction. Mais il n’y aura aucune forme de conciliation possible. Je suis heurté, je n’arrive pas à aller travailler. Je ne peux pas. Je reste très calme et il faut que je le sois jusqu’au bout. J’ai été agressé physiquement et verbalement, et j’ai gardé ça en moi. C’est comme si on prenait la lave d’un volcan, qu’on m’ouvrait la bouche et qu’on me la vidait en pleine tête.

Comment expliquez-vous que le racisme soit encore si présent dans le football en 2025 ?

Pour moi, ce sont des personnes isolées qui, dans le domaine du foot, arrivent à atteindre des postes à responsabilités et se croient tout permis. Les langues se délient ensuite et les masques tombent, tout simplement. Vous avez parfois la vérité en face de vous quand vous voyez que cette personne n’est pas compétente.

Serait-il possible que vous retravailliez un jour pour l’US Orléans ?

Si demain, je vous mets un coup de couteau dans votre jambe, que je l’enfonce et que je vous demande de revenir manger à ma table à midi, est-ce que vous allez revenir ? Je ne peux pas aller dans un climat qui est aujourd’hui nauséabond, où je ne suis pas en odeur de sainteté et de protection. Je ne peux pas. Là, je suis atteint et je ne peux pas repartir. Ce n’est pas possible. À part si ces gens-là sont partis. Il n’y a que ça qui fait que je reviendrais. Mais aujourd’hui, vous imaginez le contexte ? Revenir et ensuite prendre une sanction déguisée au bout de quelques mois, ça ne m’intéresse pas. Je préfère aller dans une autre structure, conduire un projet et d’être en capacité de le mener. Voilà aujourd’hui ce qui m’anime. Aujourd’hui, la direction n’est pas capable de prendre ses responsabilités.

Je tiens sincèrement à présenter mes profondes excuses envers tous les salariés de l’US Orléans. Je n’ai aucunement – et j’insiste bien là-dessus – l’envie de nuire à l’image du club ainsi qu’à sa bonne dynamique sportive. Je souhaite qu’Orléans, dans les années à venir, retrouve l’élite du football français. Je vous parle sincèrement. Par contre, et ce que je souhaite de manière ferme, c’est que la direction puisse prendre des décisions concrètes et éloigner ces personnes-là de toutes identités sportives de la ville d’Orléans.

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