OnzeMondial
·15 de fevereiro de 2025
EXCLU - Aymen Sadi : « Il n’y a que les actes qui prouveront que je suis un bon joueur »
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·15 de fevereiro de 2025
Pur produit du centre de formation de Valenciennes, Aymen Sadi a choisi de quitter son cocon nordiste l’été dernier sans avoir signé de contrat professionnel. Désormais à Angers, le natif de Creil aspire à découvrir la Ligue 1. International français dans les catégories jeunes, le latéral droit s’est prêté au jeu de la première interview avec décontraction et tranquillité.
Voici quelques extraits de notre interview de Aymen Sadi. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°369 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 21 janvier 2025.
Comment s'est déroulée ton enfance ?
Mon premier sport, c’était le judo. Ma mère m’a inscrit à l’âge de 6-7 ans et j’ai fait un an de judo. Après, j’ai basculé en natation durant deux années. Je devais même faire des compétitions, mais ma mère refusait, donc je loupais toutes les compétitions. En revanche, j’étais très sérieux aux entraînements et je me donnais à 100%. J’ai commencé le foot en U13, j’étais le dernier garçon à prendre une licence, tous mes frères jouaient déjà au foot en club. Moi, je me contentais de jouer en bas de chez moi, avec les potes du quartier. De U13 à U15, j’évoluais à Creil. Le coach m’a essayé à tous les postes : avant-centre, milieu offensif, ailier gauche, ailier droit, récupérateur jusqu’à reculer en défense. Il a vu que j’étais performant en défense centrale, du coup, il m’a installé à ce poste. De là, j’ai réalisé beaucoup d’essais : Sochaux, Amiens, Nantes. Puis Valenciennes s’est manifesté, le club était à la lutte avec Amiens. J’avais le choix entre les deux offres, mais j’ai opté pour le VAFC qui me proposait un projet plus intéressant. À Valenciennes, j’ai rapidement été surclassé avec la génération 2005 qui évoluait en U17 Nationaux. Trois mois après, je reçois ma première convocation pour participer au tournoi du Val-de-Marne avec l’équipe de France avec les 2006. Là, j’étais vraiment heureux, c’était une grande première. En réalité, je ne pensais même pas à la sélection, je pensais seulement à m’imposer en club. Après, tout s’est enchaîné, j’ai accumulé les sélections. Et voilà.
Tu étais quel type de garçon ?
Un garçon tranquille qui kiffait sa jeunesse. J’ai pris du plaisir à fond. Comme j’ai commencé le foot tard, ça n’a pas eu d’impact sur ma jeunesse. Je n’étais pas parasité par le foot ou par l’idée de réussir. Au niveau de mon caractère, que ce soit à l’école ou en dehors, j’étais vraiment quelqu’un de gentil, humble, jamais irrespectueux. J’avais cette forme de respect que mes parents m’ont inculquée. J’étais un peu timide sur certaines choses, mais ça, c’est ma personnalité profonde. Maintenant, je dois travailler ça pour m’ouvrir davantage.
Tu étais comment à l’école ?
À l’école, j’étais un peu bavard, je parlais beaucoup. En revanche, j’étais vraiment sérieux dans le travail et dans tout ce que je faisais, même si parfois, sur certains conseils de classe, mon frère me mettait « dans le jus » comme on dit (sourire). Les profs étaient vraiment contents de moi, j’ai gardé contact avec certains d’entre eux qui me félicitent pour le travail que je fais en ce moment. Ils sont très fiers de moi. Pour l’instant, j’ai arrêté l’école après avoir raté mon bac pro MCV. Malheureusement, j’ai été très pénalisé par les nombreux cours manqués en raison de mes stages avec l’équipe de France. J’étais plus concentré sur le foot que sur l’école.
Tu as une histoire marquante par rapport à ton enfance ?
Je ne trouve rien de marquant à part la cicatrice que j’ai sur le front, qui est resté à vie (sourire). C’était dû à mon frère Jawad. Quand on était petits, on se charriait beaucoup tous les deux. On s’amusait à organiser des mini-bagarres. À un moment, il m’a poussé trop fort sur le matelas et le matelas était dur comme du béton, je me suis cogné la tête et je me suis ouvert. On connaît la suite.
Comment le foot est venu à toi ?
C’était une suite logique, tous mes frères pratiquaient le foot. Il y a d’abord eu mon frère Walid qui devait signer à Auxerre. Malheureusement, ça ne s’est pas fait parce que mon père ne connaissait pas trop ce monde-là et il a préféré garder son fils près de lui. Ensuite, il y a eu mes frères Yassine et Jawad, deux joueurs également. En fait, on a une vraie famille de footeux, même mon père aime le foot.
Comment as-tu atterri à Valenciennes ?
En fait, j’étais dans une période où je faisais beaucoup d’essais. Il y avait une personne à l’AFC Creil qui s’appelle Damien Fréville, il était proche de moi, il me donnait des conseils. Sans parler de son rôle de recruteur pour Valenciennes, c’est juste une très belle personne. C’était entre parenthèses un grand frère, c’était ma source de motivation.
Comment es-tu devenu défenseur latéral ?
J’ai connu beaucoup de changements de poste, puis en première année U17, j’ai vécu quelques mauvais matchs en tant que défenseur central. En réalité, c’était même catastrophique. Je me rappelle d’un match où j’avais pris un carton rouge d’entrée, le scénario cata. Heureusement, il y a eu un déclic avec le coach adjoint Pierre Blois qui a choisi de me repositionner comme latéral. Il a vu que je débordais beaucoup, offensivement, j’étais là. Il m’a donné beaucoup de conseils et je lui en suis reconnaissant.
As-tu une anecdote sur ta formation ?
Il y en a pas mal. La veille d’un match important en championnat, on avait regardé la rencontre de Manchester City. Et ce jour-là, City était vraiment trop fort, que ce soit dans le jeu collectif ou individuel. On était devenus fous en regardant ça. On s’est dit qu’on devait faire la même chose le lendemain, on se donnait des noms de joueurs : « Toi, tu vas être comme Foden, toi, tu vas être comme Ruben Dias », que des trucs comme ça. Et le lendemain, on a gagné avec la manière en jouant très bien (sourire).
Des personnes t’ont marqué durant ta formation ?
Il y a d’abord mon coach Armand, à Creil. Il m’a fait prendre conscience de mes qualités, il était dur quand il fallait l’être. C’est l’un des meilleurs coachs que j’ai pu avoir dans ma carrière.
À la fin de ton contrat stagiaire, tu n’as pas été conservé par VA. Comment ça s’est passé ?
C’était grave. Ils me voulaient, mais ne me proposaient pas ce que j’attendais à savoir un contrat pro. Ils m’ont proposé un stagiaire pro, et après tout ce que j’ai fait, je trouvais ça injuste. J’estime qu’avec d’autres joueurs, on a mis beaucoup de lumière sur le club, et voir qu’ils me proposaient seulement un stagiaire pro, c’était inacceptable. C’était même plus qu’une déception, c’était un dégoût. Après, ils ont dit qu’on demandait des sommes astronomiques par rapport au contrat pro, mais c’est faux. Aujourd’hui, j’ai tourné la page.
Comment t’es-tu retrouvé à Angers ?
J’ai effectué plusieurs essais, mais j’ai été refusé partout. En arrivant à Angers, dans ma tête, c’était ma dernière chance. Mentalement, j’étais dans l’état d’esprit du : « Soit je réussis, soit c’est fini le foot ». Je me disais ça. J’ai tout mis, tout donné, et ça c’est fait. J’étais très content. Cette période estivale, de juillet à septembre, c’était vraiment difficile. C’est une période qui m’a marqué.
Tu as eu des images noires ?
Oui, c’était vraiment dur. J’ai travaillé sur moi, je me posais beaucoup de questions, j’étais dans ma bulle, je ne parlais plus à personne. J’étais loin de ce monde, carrément.
C’est un club formateur réputé. Ça a joué dans ton esprit ?
Oui, on m’avait parlé d’Angers, on m’avait dit qu’ils faisaient confiance aux jeunes. Ça veut dire que le projet m’intéressait d’autant que c’était un peu ma dernière chance, donc j’étais heureux. Pour l’instant, je suis sous contrat amateur, j’espère débloquer un contrat pro le plus tôt possible.
Ça se passe comment depuis quatre mois ?
Pour l’instant, j’évolue avec la Pro 2, et au niveau de l’adaptation, je me sens très bien. Je connaissais déjà certains de mes coéquipiers comme Willsem Boussaid. Tout le monde m’a mis à l’aise, y compris les joueurs que je ne connaissais pas. Je n’ai pas à me plaindre.
Comment imagines-tu ta première séance et ton premier match ?
Tous les jours, je pense à ça, tous les jours, je pense à ma montée avec les pros, à ma première séance. Je sais déjà que je vais être à 100%, au taquet. Pareil pour mon premier match, je me prépare à tout donner, mais sans pression, comme je sais le faire. Je répondrai présent.
Tu as déjà eu l’occasion de parler à certains joueurs de la première ?
Oui parce qu’il y a beaucoup de pros qui descendent en Pro 2. Que ce soit avec Ousmane Camara, Loïs Diony, Lilian Raolisoa. On discute, ils me félicitent sur ce que je fais, ils me donnent des conseils. Un échange normal entre eux et moi.
Si tu devais présenter Aymen, que dirais-tu ?
C’est vraiment un garçon très courageux, sûr de ses capacités. Quand il fait quelque chose, c’est toujours à 100%, il ne triche pas. Il n’a jamais triché dans sa vie. C’est un garçon humble, très reconnaissant et droit dans la vie.
Ça fait quoi d’être considéré comme un joueur très prometteur ?
C’est un plaisir, mais comme je le dis tout le temps, les paroles ne reflètent pas les actes. Il n’y a que les actes qui prouveront que je suis un très bon joueur, et pour l’instant, je ne me considère pas comme un très bon joueur.
Tu as peur d’échouer ?
Non, vraiment pas. Je n’ai pas peur de l’échec, je suis prêt à tout pour réussir.
Tu n’as pas la pression ?
Non, depuis tout petit, je ne ressens aucune pression, aucun stress. Que ce soit dans les gros matchs, en Coupe du Monde devant 10 000 personnes ou dans une rencontre en bas de la maison, je suis toujours détendu.
Qu’aimes-tu faire en dehors du foot ?
J’échange beaucoup avec ma famille, j’en ressens le besoin pour mon équilibre. En dehors de ça, j’aime jouer à la play. Ça me permet d’évacuer la pression avec mes copains. Je sors très peu.
Comment résistes-tu aux "tentations" comme les filles, les sorties, la mauvaise nourriture ?
Mon frère ne me laisse pas le choix (rires). Si je fais un écart, il me défonce. Après, quand tu es footballeur, si tu veux te maintenir à un bon niveau, en forme, tu dois faire des sacrifices : alimentation, sommeil. L’hygiène de vie, c’est la base.
Tu as des surnoms ?
Ma famille m’appelle « Aymenou » ou Khanouna » (sourire). Ce sont des surnoms affectifs, car il y a beaucoup d’amour entre nous.
Tu te définis comme quel type de latéral ?
Un latéral agressif au niveau des duels, un chien, quelqu’un qui a la dalle. Quand j’occupe mon poste de latéral, mon objectif est de ne rien laisser passer, de marquer des buts, de faire des passes décisives. Être latéral, c’est vraiment un tout, défensivement comme offensivement.
Défendre ou attaquer, tu préfères quoi ?
Attaquer, largement ! Mais j’aime aussi défendre. Après, les latéraux modernes aiment attaquer parce qu’ils veulent marquer, offrir des passes décisives, faire parler les statistiques.
Tu as des défenseurs qui t’ont inspiré dans ta jeunesse ?
J’en ai beaucoup. Mon premier modèle, c’était Wesley Fofana. J’aimais bien son style, un mélange de détermination, de combativité. Pourtant, ce n’était pas un latéral. Il m’a vraiment beaucoup inspiré. Sinon, ces dernières années, je regarde beaucoup de joueurs : Cancelo, Hakimi… Que des joueurs complets, dont le jeu ne se base pas sur une seule qualité. Ils travaillent sur plusieurs aspects : vitesse, technique. C’est incroyable de voir à quel niveau évoluent ces joueurs.
On se sent comment après une erreur qui coûte un but à son équipe ?
C’est vraiment difficile. Quand ça arrive, il ne faut pas se décourager. Il ne faut pas se dire : « Ça y est, mon match est terminé, j’ai marqué contre mon camp ou j’ai donné un but, donc c’est fini ». C’est rien, il faut savoir faire abstraction et repartir de l’avant.
Si tu devais parler de tes points forts ? Et tes points faibles ?
Mes points forts, ça serait l’agressivité, la qualité de mes passes avec de la précision et mon jeu de tête malgré ma petite taille. Au niveau de mes lacunes, je dois travailler mon pied gauche, améliorer ma communication car j’ai tendance à ne pas assez parler sur le terrain. Je veux devenir un leader, pousser mon équipe vers le haut.
Qu’est-ce qu’un grand latéral selon toi ?
Ma source d’inspiration aujourd’hui, c’est Achraf Hakimi. C’est vraiment « LE » grand latéral du moment. Il a tout défensivement comme offensivement. Il apporte à son équipe dans tous les compartiments : un contre un, centres, coups de pied arrêtés, etc…
Être présenté comme le futur de l’équipe de France, ça t’inspire quoi ?
Je suis très fier, très honoré, mais tant que je n’ai pas mis un pied chez les Espoirs ou chez les A, c’est rien du tout. Le football, ça peut aller trop vite. Je suis déjà content de pouvoir représenter la France, c’est un bon début.
Tu as conscience que c’est rare d’enchaîner U16, U17, U18, U19 ?
L’équipe de France, ce n’est pas donné à tout le monde, c’est déjà rare d’être appelé une fois. Alors enchaîner, c’est quelque chose de lourd. Quand j’y suis, c’est pour récidiver, figurer sur la prochaine liste. C’est pour ça que je ne me repose pas sur mes acquis. En équipe de France, tu n’as pas ta place attribuée, tu n’as pas ton nom gravé. Il n’y a pas écrit Aymen Sadi, ça change constamment.
Tu as disputé les finales de la Coupe du Monde U17 et de l’Euro en 2023. Tu en gardes quels souvenirs ?
C’est une très belle expérience à vivre, c’est quelque chose de très gros. Les victoires, les fins de matchs, les cris de guerre, j’en garde beaucoup de souvenirs. En finale, il y a eu de la tristesse, bien sûr, mais dans l’ensemble, c’était magnifique.
Tu as des rêves ?
Je rêve de mettre ma famille à l’abri. C’est vraiment ça mon objectif, que ma famille ne manque de rien, que mes parents soient tranquilles. Sur le terrain, je veux aller chercher les pros le plus rapidement possible, débuter en Ligue 1, puis rejoindre les Espoirs et les A avec les Bleus.
Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Peut-être livreur (sourire). Tu as ton camion, tu livres des colis, tu rentres chez toi, tu manges, et tu récidives le lendemain. Sinon, j’aurais aimé être combattant de MMA. D’ailleurs, je prends beaucoup d’inspiration chez des combattants comme Khabib Nurmagomedov ou Islam Makhachev. Ce sont des sources d’inspiration.
Si tu avais un super-pouvoir, lequel choisirais-tu ?
Être super speed, avoir une vitesse de dingue. Comme ça, sur chaque action, je rattrape tout le monde (rires).
Si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Aymen ?
C’est beaucoup de réflexion. Je dirais : « Quand est-ce que tu comptes mettre ta famille à l’abri ? ». Et je répondrais : « Le plus rapidement possible ». C’est qu’une question de temps.
Si tu devais finir l’interview par une phrase qui te représente, tu dirais quoi ?
Ma phrase mythique, c’est « La dalle et la foi ». Voilà mon inspiration. Quand je me réveille, chaque matin, je pense à ces deux mots. Avec la dalle, tu peux réussir de grandes choses, et la foi, c’est quelque chose qui est en toi.
Si tu devais te donner une note pour cet entretien, combien tu te mettrais ?
Je dirais 20 sur 10, je me suis trouvé excellent (rires).
Propos recueillis par Zahir Oussadi.
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