OnzeMondial
·18 de janeiro de 2025
OnzeMondial
·18 de janeiro de 2025
Ce n’est un secret pour personne, l’entraîneur portugais s’exporte bien. Après avoir été aux manettes de Porto, Rio Ave ou encore Vitória Guimarães, Luís Castro a quitté ses terres natales pour imposer sa patte dans le monde. Et partout où il est passé (Ukraine, Qatar, Brésil, Arabie Saoudite), l’ancien latéral droit a remporté des trophées. Pour Onze Mondial, celui qui dirigeait récemment Cristiano Ronaldo s’est prêté au jeu de l’Instant Tactique.
Voici quelques extraits de notre interview de Luís Castro. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°368 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 6 décembre 2024.
Comment le football est entré dans votre vie ?
Le football fait partie de ma vie depuis que j’ai des souvenirs, je dirais 5 ou 6 ans. À l’époque, on était souvent dehors, et il y avait forcément un ballon qui trainait. C’est ce qui nous unissait. Il m’a accompagné toute ma vie. Dans la rue, durant ma formation, comme professionnel, puis comme entraîneur, formateur, jusqu’à la Ligue des Champions, la Copa Sudamericana, la Ligue des Champions Asiatique. Le football, c’est toute ma vie !
Et aujourd’hui, que représente le football pour vous ?
C’est différent. Quand j’étais enfant, mes yeux étaient remplis de magie. Les joueurs étaient des extra-terrestres, inaccessibles. C’était un monde surprenant. Maintenant non. Je le connais très bien, je sais ce qu’il va m’apporter. Je ne connais pas le résultat, mais je connais les chemins à parcourir, comment m’entraîner, jouer, pour atteindre mes objectifs. Comme j’appartiens à ce monde, j’ai perdu cette magie.
Lorsque vous aviez 11 ans, vous avez été gravement touché par la maladie. Que s’est-il passé et à quel point cela vous a rendu plus fort ?
C’est un épisode que je ne regrette pas d’avoir vécu. Il y a des personnes qui souffrent toute leur vie, et plus que ce qui m’est arrivé. Bien sûr, cela a eu un impact sur ma vie, mais je l’ai surpassé de façon inconsciente, avec une énergie d’enfant, sans connaître le danger qui me guettait. Cela m’a rendu plus fort comme chaque expérience.
Vous êtes resté plus de 10 ans au FC Porto, d’abord à la formation. À quel point ces responsabilités vous ont aidé par la suite dans votre parcours d’entraîneur ?
Au FC Porto, j’étais directeur technique de la formation. Ça veut dire que vous gérez près de 300 joueurs de 7 à 18 ans, et une vingtaine d’entraîneurs. J’avais la responsabilité d’échanger avec eux, de juger des joueurs, de valider des méthodes de jeu, d’entraînement. Et de les inclure dans une organisation plus globale avec les team managers, les dirigeants, les médecins, les professeurs. Je devais créer une bonne communication entre tous ces services. J’ai compris quelle organisation devait avoir un club pour assurer sa stabilité, et pour pouvoir, tous les jours, travailler avec des jeunes joueurs qui ont tous l’objectif de signer professionnel. J’ai aussi compris d’une manière plus précise l’importance de l’entraînement, l’organisation, comment se lier aux autres, comment se comporter avec les parents, l’adversaire. C’était ça mon quotidien. Une expérience fantastique qui m’a permis d’avoir une vision globale du football lorsque je suis redevenu entraîneur principal. Il faut comprendre tout ce qui nous entoure, pas seulement l’entraînement et le match.
Vous avez ensuite entraîné l’équipe B du FC Porto, où vous avez été champion de deuxième division sans avoir étudié une seule fois l’adversaire en vidéo. Pourquoi ?
C’était une stratégie de ma part. Dans une équipe B au Portugal, le plus important est le développement du joueur, de notre jeu, comment réagir en fonction de telle situation. Je ne voulais pas expliquer à mes joueurs comment l’adversaire jouait. La direction que l’on voulait donner à l’équipe imposait ce système. C’est quelque chose évidemment que l’on ne pourrait pas faire avec une équipe A.
Quelle est votre définition d’un bon entraîneur ?
C’est celui qui arrive à mener son équipe à un titre. Ou alors, remplir un objectif. Il sait transformer un moment négatif en positif par la suite. Une personne qui communique de manière efficace à l’intérieur et en dehors de l’organisation. Il propose un jeu fluide à travers une stratégie qu’il a clairement définie. À l’entrainement, il arrive à exprimer ses idées dans les exercices. Des séances qui sont appréciées des joueurs. Il sait aussi motiver ses joueurs pour qu’ils soient prêts à jouer partout dans le monde, contre n’importe qui. Ce sont 10 travaux à la fois ! C’est ça, la vie d’un entraîneur.
Si vous deviez expliquer à un inconnu le football que vous souhaitez voir vos équipes pratiquer, que diriez-vous ?
J’aime avant tout attirer l’adversaire pour mieux exploiter les espaces. J’aime que mon équipe se déplace ensemble vers le but adverse. Avec un mélange de petits jeux dans l’axe et sur les côtés. J’aime avoir une équipe compacte dont les joueurs apparaissent en nombre dans la surface pour conclure. Mais qui sache rester équilibrée dans les transitions défensives. Il faut une équipe qui se replie vite et qui soit très agressive dans la récupération du ballon. Et lorsqu’elle le récupère, qu’elle n’ait qu’une idée en tête : se projeter le plus vite possible en direction du but car l’adversaire pourrait être désorganisé à ce moment précis.
Qu’est-ce qui est le plus important entre le système et les joueurs ?
Pour moi, ils sont indissociables. Les joueurs donnent vie au système, et le système existe pour faire briller les joueurs. Après, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance aux joueurs car ils peuvent briser n’importe quelle stratégie. Mais ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, car le système calme les joueurs dans des moments décisifs, il nous aide à mieux nous comporter, il nous apporte une certaine dynamique.
Quelle est votre opinion sur l’entraînement ?
C’est l’aspect le plus important de notre métier. Le match n’est que le complément d’un entraînement. La manifestation d’un travail quotidien. L’entraînement, c’est découper un match en morceaux, c’est anticiper le match, imaginer ce qu’il va se passer, comment réagir. Si on n’a pas conscience que l’entraînement n’est pas décisif à ce point, c’est être distrait. Et c’est impossible d’être distrait au plus haut niveau.
En France, on dit qu’on joue comme on s’entraîne.
C’est vrai ! On n’a pas toujours la capacité de jouer comme on s’entraîne, mais on devrait ! Mais vous savez, le football dépend beaucoup de l’inspiration de ses joueurs et de son entraîneur le jour de match. C’est pour ça qu’on dit que le match est un univers inconnu. Le joueur, le nôtre ou l’adversaire, peut nous surprendre et afficher un niveau qu’on ne pouvait soupçonner. C’est pour ça que parfois, une équipe supposée plus faible gagne parce que tel joueur ou l’entraîneur était particulièrement inspiré. Si tu rejoues le match 10 fois, tu le perds 10 fois.
Qui sont vos inspirations comme entraîneur ?
Je ne souhaite pas parler de collègues qui sont en activité, par respect pour mes collègues. Alors j’en cite deux qui m’ont particulièrement marqué : Bobby Robson et Sir Alex Ferguson. Ils savaient proposer un football offensif. Et surtout, ce sont deux exemples de leadership. C’étaient eux les vrais patrons de l’équipe, personne n’osait remettre cela en cause. Leur manière de s’exprimer, d’embarquer les gens, me laisse un excellent souvenir.
Est-ce que ce genre d’entraîneur a encore sa place en 2024 ?
Oui et il doit. Chaque entraîneur a son style bien sûr. Mais ils ont toujours défendu leur équipe avec le cœur. Ferguson, je l’ai toujours trouvé affirmé et doux dans sa façon de traiter les joueurs. Il était aussi plus punitif, provocateur, mais clairement, c’est un homme qui aime se poser en leader d’une famille, prête à le suivre partout.
Vous avez récemment dit : « Quand je veux quelque chose, je ne pense plus qu’à ça ». Est-ce que ça s’applique uniquement au football ou à votre personnalité ?
C’est ma personnalité. Je cours après les choses avec beaucoup de persévérance, de détermination. Dans la stratégie, l’organisation, la discipline. Et je ne me sens pas bien si ces conditions n’existent pas. Je veux que l’on soit tous unis, que tu joues ou non, 5 minutes ou 90. Il faut comprendre que l’entraîneur ne met pas 20 titulaires parce qu’il ne peut pas. C’est la règle et il faut la respecter. Comme chaque joueur doit comprendre son rôle au sein de l’équipe. À l’image d’une famille dans un vestiaire.
Quelle est la notion n°1 que vous voulez voir chez vos joueurs ?
Le respect. Tout ce que l’on fait, ce doit être dans le respect, le courage et l’engagement. Le respect de l’équipe, le respect du groupe, le respect de la profession, le respect des supporters, le respect des employés, le respect de l’entraîneur. Respect, courage, engagement, les trois valeurs fondamentales de mes effectifs.
Quelle a été la principale évolution du football ces dernières années ?
La réduction des espaces. Les entraîneurs ont désormais la préoccupation de conquérir l’espace adverse pour mieux l’occuper. C’est une évolution naturelle. Le joueur doit désormais prendre des décisions de plus en plus vite. La perception, résolution, action, doit être une trilogie toujours plus efficace car le football l’exige.
Foot-fiction, mais comment voyez-vous le football en 2050 ?
Je dirais l’alternance de systèmes tactiques qui gèrent l’inconfort chez l’adversaire et l’ajustement permanent. Il y a déjà des exemples de nos jours, avec le latéral qui rentre dans le cœur du jeu par exemple. Mais cela pourrait devenir plus fréquent. Je pense aussi à l’ailier qui se rapproche de l’attaquant pour que le latéral ou le milieu occupe l’espace libre. On aura l’impression que ce sera un chaos, mais non. Ce sera un chaos organisé.
Parlons maintenant de Al-Nassr et Cristiano Ronaldo. Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné chez lui ?
Son envie de comprendre pourquoi il faut faire les choses. Il ne fait pas parce qu’on lui ordonne. Il veut comprendre pourquoi il faut récupérer, pourquoi il faut cette alimentation, pourquoi il faut dormir tant d’heures, pourquoi il faut prendre un bain de glace, un massage. Pourquoi il faut ouvrir un volet pour que la lumière pénètre dans la pièce. Il a toujours essayé de comprendre l’objectif d’un exercice sans le faire de façon mécanique.
C’est une attitude d’entraîneur ?
Pas seulement, c’est avant tout une attitude de professionnel. Moi aussi quand j’étais joueur, je voulais comprendre pourquoi je devais jouer ainsi, faire telle passe, etc... Ces « pourquoi », n’importe quel joueur devrait les comprendre. Et Cristiano veut tout comprendre, du football mais aussi de la vie. Cristiano Ronaldo est un exemple, sur et en dehors du terrain.
En tant qu’entraineur, qu’est-ce que vous avez appris à ses côtés ?
Je n’ai pas appris, j’ai compris. Pourquoi il fait des choses que les autres ne font pas. À quel point il valorise la profession, il donne tout pour son métier. J’ai compris comment un athlète professionnel vit au plus haut niveau.
Est-ce que l’avoir côtoyé aura un impact sur la suite de votre carrière ?
C’est un influenceur mondial. C’est la personne la plus suivie des réseaux sociaux, donc il influence n’importe qui. Il a toujours provoqué la réflexion chez nous, et c’est pour ça qu’il ne laisse personne indifférent. Quand on voyage, en Chine, en Irak, n’importe où dans le monde, on comprend sa force comme personnalité du football, c’est peut-être ça le plus impressionnant.
Vous avez entraîné des cracks comme Quaresma, Ronaldo, Mané, Brozovic. Est-ce qu’on les gère différemment ?
Non, c’est juste qu’ils peuvent vous défier parce qu’ils sont capables de vous surprendre très souvent. Quand c’est le cas, il faut créer un contexte pour qu’ils puissent vivre leur football. Chaque footballeur s’exprime de manière différente. Ils sont si spéciaux, que notre préoccupation en tant qu’entraîneur, c’est de leur donner un espace où ils pourront exprimer leur créativité.
Ça veut dire que vous êtes prêts à adapter votre équipe pour eux ?
Bien sûr. Il faut adapter l’équipe pour ce genre de joueur. Notre grand défi ensuite est de maintenir un équilibre collectif où chaque joueur trouve sa place. Il y a une multitude de talents, offensifs et défensifs. Il faut créer le contexte où l’équipe a le plus de chances de gagner. Ce que je sais, c’est que plus on a de qualité offensive dans l’équipe, plus le défi est grand.
Evoquons l’aspect psychologique du métier. Comment l’abordez-vous ?
Mes joueurs ont la liberté de venir me parler dès qu’ils en ressentent le besoin. Ils peuvent exprimer leur désaccord, dans le respect, et moi aussi dans le respect, j’ai la liberté de leur dire ce que je pense. Je ne suis pas psychothérapeute. J’ai eu des expériences, j’essaie d’accompagner les joueurs dans tout ce que je peux.
Lorsque vous entraîniez Al-Nassr, vous avez perdu la finale de Coupe aux tirs au but, nombre de vos joueurs pleuraient. Comment avez-vous réagi ?
Je leur ai dit que je n’allais pas pleurer parce que j’étais leur leader. Même si je pleurais intérieurement. Je devais leur montrer mon soutien, car j’aurais été incapable si j’avais versé une larme. C’est ma façon de montrer ma positivité.
L’évolution du métier d’entraîneur. Comment voyez-vous cette profession aujourd’hui ?
L’entraîneur entraîne toujours plus. Il doit gérer plusieurs services d’une manière toujours plus efficace : le terrain, le médical, les médias… Il entraîne aussi plus de personnes, et doit donc être plus rassembleur. Il y a plus de matchs, donc il y a plus d’entrainements. Un effectif, c’est deux équipes. Pendant que l’une récupère du match, l’autre groupe de joueurs prépare le match suivant d’une autre manière. On entraîne toujours plus, avec toujours plus de difficultés, de défis, et une équipe d’adjoints toujours plus étoffée, toujours plus professionnelle.
Est-ce que vous arrivez à couper ?
Oui, sans problème. Bien sûr, l’inconscient vous apporte toujours une idée sur votre temps libre, mais je sépare les choses. Je ne suis pas cet entraîneur qui dit travailler 17 heures par jour. J’ai aussi besoin de mes moments pour m’équilibrer, avec mes proches.
Est-ce que le plus difficile dans le football, c’est de gagner et bien jouer ?
Non, ça, c’est la plus belle chose dans le football. Le chemin le plus court vers la victoire, c’est de bien jouer.
La chose la plus difficile alors ?
C’est de maintenir cette constance tout au long d’une saison.
Et le titre, la consécration ?
Pas forcément. Le titre, c’est aussi atteindre un objectif. Une équipe qui a pour objectif de finir 10ème et qui y parvient, c’est son titre. Et il faut le respecter, énormément. C’est pour ça qu’il y a différents titres dans le football.
Alors le titre, au sens de trophée, qu’est-ce que cela signifie ?
Ça veut dire que vous êtes le meilleur de tous. C’est le sommet de la montagne, on ne peut pas aller plus haut. Même si je pense que dans une armoire à trophées, on devrait mettre les trophées avec les médailles de finaliste. C’est Guardiola qui a dit cela et je partage cette opinion. L’objectif, c’est d’être en finale. Ensuite, qui la remporte, c’est le football qui décide.
Donc vous avez plus de titres que ceux de votre palmarès officiel ?
Évidemment. Par exemple, j’ai mené le Vitoria Guimarães en Ligue Europa, c’était l’objectif que l’on m’a fixé. Pour moi, c’est un titre. Il faut être réaliste dans la vie. Le trophée ne peut pas être l’objectif d’un entraîneur s’il lutte pour ne pas descendre.
Comment avez-vous pris la fin de votre aventure avec Al-Nassr ?
Ce fut la première fois que mon employeur a mis fin à un de mes contrats. Je l’ai pris comme un moment de tristesse. Ce sont des moments qu’on évite de vivre.
Est-ce que ça vous donne une force supplémentaire pour rebondir ?
(Rires). Non, ça ne marche pas comme ça. Le feu intérieur, je l’ai toujours. Ce n’est pas parce qu’on m’a licencié qu’il va reprendre en vigueur. Je continue déterminé pour suivre mon chemin.
Pourquoi l’entraîneur portugais rencontre le succès partout dans le monde ?
Depuis toujours, le Portugais a dû et su s’adapter. Il a vu son père se lever très tôt pour aller travailler, parfois émigrer. Et il n’a pas eu peur de sortir, et ce depuis les Explorateurs : Vasco da Gama, Dias... C’est notre ADN. Le Portugais sait voyager et se tient prêt pour n’importe quel défi.
Comment souhaiteriez-vous que le football se souvienne de Luis Castro ?
Comme une personne respectueuse, qui aimait le football, à qui il a dédié sa vie. J’ai toujours été amoureux du football, et je l’ai toujours respecté au maximum.
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