le11
·27 December 2024
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·27 December 2024
Commentateur des matches de l’Amiens SC pour ici Picardie, Mathieu Dubrulle nous livre son opinion sur la première partie de saison du club picard, huitième avec 23 points au compteur. S’il se félicite de cette performance, notre confrère n’en reste pas moins inquiet à propos de la suite de la saison. Entretien.
Franchement, avec du recul, j’ai d’emblée envie de tirer un immense coup de chapeau au coach, au staff et aux joueurs. Parce que vu les conditions dans lesquelles on les a fait travailler, à travers des choix de recrutement tout à fait étonnants et un effectif aussi restreint, se retrouver avec une équipe d’Amiens avec 23 points à la huitième place – soit le classement de la saison dernière – chapeau ! Omar Daf est obligé de bricoler avec des bouts de ficelle. Les joueurs auraient pu se mettre à douter, on a tiré sur la corde avec certains. Il y a le regret de ne pas avoir basculé avec 24 points. Cette défaite contre Laval, juste avant la trêve, me chiffonne un peu. En tout cas, il n’y a pas de tricheurs dans cette équipe, les mecs se battent et vont au bout d’eux-mêmes. Il y a eu des victoires qu’on peut qualifier un petit peu d’heureuses, mais ils se sont quand même battus pour aller les chercher. Ils ont su forcer la réussite même quand ils ont été dominés, étant sauvés par des montants ou Gurtner. Le bilan est vraiment positif.
En raison de l’invraisemblable construction de l’effectif. Je n’ai jamais vu ça dans ma carrière, avec 13 joueurs de champ niveau Ligue 2 et pour le reste une dizaine de gamins qui ne peuvent pas combler l’écart de niveau du jour au lendemain. La direction aurait tort de se priver de procéder de la sorte puisque ça marche depuis Christophe Pelissier, qui faisait déjà des miracles à l’époque. Si la montée était sensationnelle, le réel exploit était de se maintenir deux années de suite. A l’exception de Luka Elsner, dont il ne faut quand même pas oublier l’échec sportif avec 16 matches d’affilée sans victoire avant la rétrogradation et le Covid, tous les entraîneurs ont réussi à avoir des résultats dans des conditions difficiles.
L’Amiens SC, « un club qui n’utilise pas tout son potentiel » pour Hinschberger
D’Oswald Tanchot à Philippe Hinschberger, sans oublier Patrice Descamps qui avait plus à perdre qu’à gagner sur neuf matches. La direction peut donc peut s’enorgueillir de choisir de bons entraîneurs capables, quitte à finir rincé, de maintenir l’Amiens SC. Chaque année, ça devient quand même de plus en plus risqué. La baisse des droits TV n’excuse pas tout. Il y a quand même d’autres clubs en Ligue 2 moins huppés, à priori moins costauds financièrement qu’Amiens, qui ont des effectifs plus étoffés. Maintenant, jusqu’où ça peut tenir ? Donc, à mi-saison, chapeau de réussir ça, mais est-ce que ça va tenir ? Si, en plus, on continue de déplumer cette équipe, comme on l’a fait avec les départs de (Andy) Carroll, (Mamadou) Fofana, et le risque d’en voir partir d’autres durant le mois de janvier.
Non, ce bilan positif ne lève absolument pas toutes les inquiétudes à propos de la deuxième partie de saison. C’est déjà presque un petit miracle de se retrouver avec des joueurs aussi performants. Heureusement qu’on a un groupe qui ne triche pas, des joueurs valeureux avec leurs limites, leurs qualités, leurs défauts, etc. Heureusement qu’il n’y a pas eu, avant ce mois de décembre, plus de blessés et de suspendus. Là, on se retrouve avec Sébastien Corchia blessé, Kylian Kaïboue suspendu avant la trêve, on avait aussi eu le rouge d’Osaze Urhoghide en début de saison. Heureusement qu’il n’y a pas eu plus de mésaventures, mais ce n’est pas possible que ça tienne. C’est impensable.
Daniel Derajinski/Icon Sport
La direction qui, certes, doit gérer un budget en bon père de famille, continue quand même de jouer avec le feu sportif.
À un moment donné, ça finit par lâcher. J’espère que tout ce joli monde va pouvoir emmener l’Amiens SC le plus loin possible dans l’opération maintien, mais ça ne lève pas les craintes pour autant. Si la direction qui, certes, doit gérer un budget en bon père de famille, continue quand même de jouer avec le feu sportif. C’est un pari très, très, très risqué et assez incompréhensible. Et même s’il y a des partants et qu’ils sont remplacés, on ne sait jamais quel est le niveau de forme et d’implication de ceux qui arrivent. Avec 23 points, Amiens est loin d’être sauvé aujourd’hui.
C’est un mauvais signal, quand bien même son départ était programmé. C’était le tailleur de la défense, un joueur d’expérience. Même si des joueurs sont prometteurs, on peut avoir des doutes sur leur capacité à performer sur la durée d’une saison. Jaouab, Bakayoko et Urhoghide, ça m’apparaît quand même un peu trop fragile pour l’instant, et sans solution de secours, si jamais il y a un pépin pour ces garçons-là. Et d’ailleurs, on s’en est aperçu contre Laval. C’est la fois dans le niveau footballistique, mais dans le niveau de maîtrise de soi. Et là, ce qui a fait perdre à Amiens, c’est le manque de maîtrise de soi face aux décisions, certes, très agaçantes de l’arbitre. Je crains que ça manque un peu de leadership quand même. Le départ de Mamadou Fofana fait mal, surtout qu’il ne sera pas remplacé. Tout ça dans un contexte d’effectif trop restreint en matière de joueurs disposant d’une expérience en Ligue 2.
On n’a absolument pas la carrure pour aller se mêler au top 5.
Un maintien ! Il est crucial pour Amiens de rester en Ligue 2. Je n’en demande pas plus. J’espère évidemment qu’ils ne se feront pas les mêmes frayeurs qu’il y a deux saisons. Mais dans le contexte qu’on vient de décrire, il ne faut pas rêver. Si Amiens peut rester, effectivement, au milieu de tableau, première partie, c’est génial. Mais on n’a absolument pas la carrure pour aller se mêler au top 5. Je me demande même si on a la carrure pour être dans le top 10. On y est, tant mieux. Il faut que ça dure. Mais derrière, attention. S’il y a quelques mésaventures, des blessés, des suspendus, des départs, ça peut vite partir en vrille. Il est essentiel, quel que soit le classement, de se maintenir. La saison sera gagnée si Amiens se maintient. Qu’on fasse 8, 10, 12 ou 15, il faut simplement penser à en mettre trois derrière nous. Rappelons-nous de la saison 2022/2023, où on a frôlé la relégation avant de se sauver sur une deuxième mi-temps à Quevilly. Cela peut être très compliqué, surtout dans le sprint final, s’il y a un peu de pression. Tout ça en espérant qu’il n’y ait pas de départ fâcheux pendant le mercato. A force de jouer avec le feu, on finit toujours par se brûler. Je m’aperçois que je ne regarde même pas l’écart avec le top 5, jamais depuis le début de saison. Je regarde simplement la distance qu’on peut mettre avec le bas de tableau.
C’est vachement difficile, j’ai beaucoup hésité. En termes de régularité, si on cherche un joueur qui n’a pas eu d’énormes trous d’air, c’est Régis Gurtner quand même. J’ai beaucoup hésité avec Antoine Leautey, qui est un joueur qui se bat, qui ne lâche rien, qui va au bout de ses forces, vit intensément les choses. Mine de rien, il y a aussi Louis Mafouta, qui est le deuxième meilleur buteur de Ligue 2 en 2024. Il a marqué 21 buts en 15 mois ! Dans l’histoire de la Licorne, c’est assez rarissime. Sur l’ensemble de l’année, il y a des garçons qui ont eu beaucoup de mérite.
Propos recueillis par Romain PECHON
Après avoir fait relâche pendant les fêtes, Mathieu Dubrulle et ses polémistes seront de retour le lundi 6 janvier à 18 heures pour débriefer le match contre Troyes.
Crédits photo : Dave Winter/FEP/Icon Sport