OnzeMondial
·29 novembre 2022
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·29 novembre 2022
Avec son élocution parfaite et sa propension à développer en profondeur chaque sujet, on en oublierait presque que Montassar Talbi n’a que 24 ans. Une aisance identique à celle qu’il affiche sous les couleurs du FC Lorient depuis le début de saison. À quelques jours du coup d’envoi de la Coupe de la Monde qu’il disputera avec la Tunisie, le défenseur central, déjà passé par quatre pays différents, s’est confié sans retenue. Entretien.
Voici quelques extraits de notre interview de Montassar Talbi. L’intégralité de cet interview de 8 pages est à retrouver dans le magazine n°355 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 18 novembre.
Contrairement à la plupart des gamins nés en région parisienne, tu as effectué tes débuts en première division tunisienne. Tu peux nous expliquer pourquoi ?
C’est vrai que j’ai fait mes premiers pas dans le football en région parisienne, avec le PFC à 5 ans. Dès ma première année, j’ai intégré les Lilas et j’y ai poursuivi ma formation. Mais j’ai dû rentrer en Tunisie lorsque j’avais 12 ans, en raison d’un choix familial. Mes parents voulaient rentrer au pays. Je les ai tout simplement accompagnés. Je les ai suivis et j’ai fait mes gammes à l’Espérance de Tunis, l’un des plus grands clubs africains, si ce n’est le plus grand actuellement. J’ai passé un test et j’ai été intégré, j’ai pu continuer mon apprentissage. J’ai signé mon premier contrat pro à 17 ans, puis eu la chance de débuter en professionnel là-bas à 18 ans.
Avant tes débuts professionnels, quels sont tes premiers souvenirs de ballon ?
J’étais un enfant très énergique. J’ai essayé plusieurs sports à 4-5 ans, que ce soit le judo, le karaté, la natation. On m’a mis dans le football pour extérioriser cette énergie. C’est clairement au foot que je me suis senti le plus à l’aise. J’aimais ce sport, je prenais du plaisir et mes parents l’ont tout de suite vu. Doucement mais sûrement, j’ai fait mes premiers pas.
Qu’est-ce qui explique ton départ en Tunisie, à 12 ans ?
C’est en raison du travail de mes parents. Ils avaient quelques projets là-bas. Ça devenait un petit peu plus difficile ici en France. J’avais la possibilité de rester en France en intégrant le centre de formation du PSG à 13 ans. Le club des Lilas était partenaire, nous avons disputé plusieurs tournois au Camp des Loges et j’ai été repéré pour intégrer le centre de formation. Mes parents, notamment ma mère, n’ont pas voulu me laisser seul en France. Les Lilas avaient proposé de me prendre en charge une année avant de rejoindre le centre de formation mais mes parents ont préféré que je garde le cadre familial autour de moi et que je grandisse avec ma famille. Avec le recul, je pense que c’était un bon choix.
Tu n'étais pas trop déçu sur le moment ?
En fait, sur le moment je n’étais pas trop au courant. Je l’ai su quelques mois après. J’avais de la déception, mais on comprend vite que c’est un choix lié à un certain équilibre de vie. En plus, j’étais un grand fan de l’Espérance de Tunis. Chaque été, je revenais en Tunisie et j’allais au stade voir les matchs. C’était à guichets fermés, avec plus de 60 000 fans. C’était incroyable.
Au niveau scolaire, ça n’a pas été trop difficile de changer d’environnement à cet âge-là ?
Non, au contraire, cela a été très simple. C’est ce qui m’a aidé dans mon adaptation, j’ai rejoint une école française, un système éducatif français et j’étais entouré de professeurs français. Je faisais mes études en français, dans un collège réputé, même mondialement. J’avais toujours cette attache à la France et d’un autre côté, j’étais dans mon pays d’origine, je découvrais mes racines et la culture, c’était un beau mélange je trouve.
Quel était le quotidien du petit Montassar à Tunis ?
C’était une jeunesse assez difficile dans le sens où il y avait beaucoup de choses à faire. Mes parents ont toujours accordé une place importante aux études. Dès mes 5-6 ans, ils m’ont dit que si je n’étais pas bon à l’école, je ne jouerais pas au football. Moi évidemment, je voulais jouer au foot après l’école alors je n’avais pas le choix, je devais avoir de bons résultats. Ça a continué au fil des années, jusqu’au bac. Pour eux, c’était très important et j’ai vraiment charbonné, j’ai beaucoup travaillé pour essayer de lier les deux jusqu’au bac. J’avais cours de 8h à 18h et j’enchaînais directement avec les entraînements presque tous les jours. À l’Espérance, dès 10-11 ans, on s’entraîne tous les jours et on a match chaque week-end. C’était un rythme chargé, je finissais le foot vers 21h, il fallait enchaîner avec les devoirs. C’était assez compliqué, mais j’en sors satisfait aujourd’hui, avec le bac en poche pour rendre fiers mes parents. Après, j’ai eu le choix entre poursuivre et exceller dans les études ou vivre de ma passion et le choix a été vite fait. Le plus important pour moi, c’est de faire quelque chose qu’on aime. J’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté pour réellement performer et me concentrer sur le football, avec toujours la sécurité d’avoir le bac derrière moi, au cas où.
Ce n’était pas possible d’allier études et sport de haut niveau ?
C’est dur. Après le bac, j’avais essayé de m’inscrire à l’université tout en étant intégré au groupe professionnel. J’avais un système en distanciel, je pouvais travailler en ligne, mais au fil des mois, notamment avec le calendrier de l’Espérance et le fait que l’on joue sur tous les tableaux, c’était un rythme infernal. Toutes les dates d’examens étaient prises par des matchs ou des déplacements. À un moment, c’était trop difficile de se focaliser sur le football. C’est beaucoup d’exigence, un travail à temps plein.
Comment as-tu intégré l’académie de l’Espérance de Tunis en arrivant en Tunisie ?
Par un essai. L’académie attire beaucoup de jeunes et on sait qu’en Tunisie, il y a beaucoup de jeunes talentueux, qui jouent dans les rues, avec énormément de finesse technique. Il y avait des centaines de jeunes, rien que dans ma catégorie d’âge. Cela a été difficile, cela a duré trois-quatre mois. J’ai été sélectionné, placé avec les « repêchés » et ainsi de suite. Avec beaucoup de patience et de travail, j’ai réussi. Dès qu’ils m’ont donné ma chance dans le championnat de ma catégorie, j’ai réussi à la saisir et à enchaîner en étant titulaire dans toutes les catégories jusqu’à mes débuts professionnels.
Tu supportais l’Espérance de Tunis, ta famille aussi ?
Non. Mon père supportait les rivaux du Club Africain. Ma mère était une grande supportrice de l’Espérance de Tunis. Lorsque je rentrais en été, j’allais chez mes cousins et la majorité était « Espérantiste ». J’ai pu les suivre au stade et voir cette ferveur, j’ai directement accroché.
À 18 ans, tu débutes avec le groupe professionnel après avoir signé ton premier contrat. Tu en gardes quels souvenirs ?
Ça été un grand test dès le début. J’ai commencé avant même d’avoir le bac, j’avais 17 ans et je faisais quelques apparitions sur le banc ou lors des stages. J’ai pu voir le monde professionnel. Ils ont voulu m’intégrer dès l’âge de 17 ans, mais en raison de mes études, c’était difficile. Ils m’avaient fait une promesse. Le président m’avait dit que si j’obtenais mon bac, ils allaient tout de suite m’intégrer avec le groupe pro. Il a tenu promesse puisqu’une semaine après le bac, ça s’est réalisé. Ça s’est fait petit à petit, j’ai pris mes marques durant quelques mois. Lorsque j’ai eu ma chance, c’était de grosses affiches, lors des play-offs. J’ai débuté par deux Clasicos contre Sfax et l’Étoile du Sahel en une semaine. Derrière, il y avait le derby. En dix jours, j’ai joué les trois plus gros matchs du pays, à l’extérieur et en play-offs. On n’avait pas le droit à l’erreur. À 18 ans, jouer ces matchs quand on connaît la ferveur et l’exigence des fans de l’Espérance, ça a été une pression énorme et un gros test. C’était une fierté pour moi en tant que supporter du club et j’ai pu apprendre l’exigence du haut niveau.
On dit souvent que le foot africain n’a rien à voir avec celui pratiqué en Europe. Est-ce vrai, et si oui, à quels niveaux ?
Bien sûr que c’est vrai ! On joue parfois dans des environnements plus difficiles. Lorsque je dis ça, c’est notamment par rapport au climat. On s’adapte. Les pays maghrébins, nous sommes beaucoup dans la fougue, dans la technicité, avec des joueurs de grand talent. Le football est une langue universelle, on parle la même langue sur un terrain et chacun à ses difficultés et ses facilités, mais s’adapter au football africain est certainement un peu plus difficile. J’en tire que de bons souvenirs et quand je reviens jouer avec la sélection, c’est toujours bien, parce qu’on sait que ça va être difficile, mais que si l’on arrive à jouer dans ces conditions, on y arrivera partout.
Est-ce qu’il y a un match en Afrique qui t’a particulièrement marqué dans ta carrière ?
Il y en a plusieurs. L’un de mes premiers matchs en Champions League Africaine, c’était contre Vita Club au Congo. Le terrain était tout simplement gigantesque avec peut-être 80 000 personnes dans le stade des Martyrs. La ferveur était incroyable, on ne s’entendait même pas sur le terrain avec les Vuvuzelas. C’est là que je me suis dit que pour pouvoir réussir en Afrique et aller chercher des Champions League, le parcours était très compliqué. J’en sors grandi et je me sens chanceux d’avoir pu vivre ce genre de rencontres et de défis.
Après seulement deux années, tu as pris ton envol et signé à Rizespor en Turquie. Pourquoi ce pays et pas l’un des cinq grands championnats par exemple ?
La question était déjà de savoir si je voulais et si je pouvais rester à l’Espérance. J’étais arrivé à un moment où je sentais que je voulais me confronter au football européen, essayer de m’améliorer en me projetant dans un grand club pour le futur. Cela commençait par sortir du championnat tunisien. J’avais quelques contacts avec des clubs en France ou en Belgique, mais Rizespor me voulait réellement. C’était concret, avec une offre, et il fallait débourser 400 000 euros de prime de formation. Ils étaient prêts à le faire et je sentais qu’ils croyaient réellement en moi. Cela pouvait être la bonne transition pour arriver dans le Top 5 européen. Je savais que j’allais jouer contre de gros clubs comme Galatasaray, Fenerbahçe, que le championnat avait une bonne visibilité.
Que retiens-tu de tes trois ans en Turquie ?
Beaucoup de choses. Pendant un an et demi, cela a été très difficile pour moi. Je n’ai quasiment pas joué. J’ai ressenti ce que pouvait être l’injustice dans le football. Quand je dis ça, c’est le sentiment de mériter de jouer sans pouvoir le faire. J’ai mangé mon pain noir et cela m’a permis d’avoir un déclic. J’étais dans un certain confort en Tunisie, en jouant dans l’un des meilleurs clubs d’Afrique, avec l’assurance d’être titulaire et avec ma famille autour de moi. Aller dans un nouveau championnat, avec une nouvelle langue et une nouvelle culture, pour moi, c’était réellement un défi. Je ne pensais pas que ce serait aussi difficile. Gagner ma place de titulaire et réussir à se maintenir, je me suis senti grandi. Au moment où je ne jouais pas, je ne suis pas resté à me plaindre. J’ai compris que cela ne servait à rien et qu’il fallait travailler. J’ai compris en Turquie que l’on travaillait pour soi-même.
Dans la deuxième partie de ton aventure, tout se passe à merveille. Tu gagnes ta place, tu enchaînes, à tel point que Benevento vient te chercher. Finalement, rien ne se passe comme prévu avec la descente du club. Qu’est-ce que tu te dis à ce moment-là ?
L’été d’avant, je devais déjà partir. Deux clubs de Serie A avaient fait des offres, mais Rizespor a été catégorique et ne voulait pas me vendre. En janvier, j’aurais encore pu partir avec trois offres, deux de Serie A et une de Liga. Benevento est revenu à la charge. Cela faisait un an qu’il me suivait, c’est pour ça que j’avais fait ce choix. J’avais signé un précontrat pour partir en hiver et faire gagner un billet à mon club (Rizespor). Tout était bouclé jusqu’au changement d’entraîneur en janvier. Le nouvel entraîneur a mis son véto à mon départ. D’un côté, j’étais déçu, mais je me disais que je serais à Benevento l’été d’après. Ils étaient huitièmes à ce moment-là, ça parlait même d’une qualification en Coupe d’Europe. Je me disais que j’avais une deuxième partie de saison à jouer, dans une équipe où j’avais mes repères. Je voulais toquer à la porte de la sélection et c’est ce qu’il s’est passé. En mars, j’ai fêté ma première sélection contre la Guinée et on a réussi à se maintenir avec Rizespor. C’était tout bénef jusqu’à ce que Benevento enchaîne les défaites et soit relégué. Je n’avais pas signé pour être en Serie B et eux n’ont plus je pense, mais j’étais sous contrat. Dès le 1er juillet, je les ai rejoints en prépa. On a discuté, je leur ai fait part de mon envie de trouver une solution et de partir. La Serie B aurait pu être un bon tremplin pour progresser et travailler, mais j’avais de grandes échéances avec la Tunisie. C’était important pour moi de jouer à un niveau plus compétitif pour gagner ma place de titulaire indiscutable en sélection. Ce n’était pas le cas à l’époque et j’ai décidé de partir.
Comment s’est actée votre séparation ?
Ça s’est fait en douceur. Ils ont compris mes envies et mes raisons. Je n’avais rien contre eux, mais c’était simplement par rapport à mon développement personnel. Il y a eu des discussions avec des clubs italiens pour trouver une solution. À la fin, il y a eu des touches, je m’étais mis d’accord avec certains clubs de Serie A. Mais comme à chaque fois, je fonctionne au feeling et à l’instinct. Le club qui me voulait le plus était le Rubin Kazan. Ils ont donné le montant que Benevento voulait et ça s’est fait rapidement.
Est-ce que tu as conscience que ta signature là-bas a pu surprendre les gens ?
Bien sûr. Beaucoup ont été surpris et s’attendaient à ce que je signe dans un des cinq grands championnats, moi le premier en vérité. Lorsque j’ai fini le dernier stage avec la Tunisie en juin, je me suis dit que j’étais prêt à évoluer dans le Top 5, d’où ma signature à Benevento. La Serie A m’intéressait pour continuer à progresser sur l’aspect défensif. Je pense qu’il faut faire confiance à son feeling et partir dans un endroit où l’on vous veut vraiment. C’était encore un tremplin pour viser plus haut. J’ai discuté avec les dirigeants du Rubin Kazan et Leonid Sloutski, l’entraîneur. Il est très réputé, pour avoir travaillé en Premier League et dirigé la sélection russe. Il m’a réellement convaincu, je sentais que j’allais progresser. C’est un grand club, reconnu de tous. Lorsque l’on évoque le Rubin Kazan, tout le monde sait où c’est. C’était un club avec beaucoup d’ambitions et d’internationaux, qui jouait la Conférence League.
Sur le plan individuel, cela a été une totale réussite, mais c’était moins le cas collectivement...
Ils ont tenu parole, ils ont cru en moi. J’ai senti que j’avais réellement progressé dans un championnat très difficile. J’ai été surpris par le niveau, je ne m’attendais pas à cette difficulté, avec beaucoup d’intensité, de duels physiques et de gros clubs. On va dire que 70% des matchs sont des « affiches ». C’est un championnat qui montait en puissance, notamment après la Coupe du Monde et la construction des nouveaux stades. Il attirait beaucoup de monde, c’était un championnat attrayant. J’étais content d’y être et j’ai senti ma progression. Les premiers matchs, j’ai eu des difficultés, mais je m’y suis vite adapté et grâce à ça, j’ai pu continuer à jouer en sélection, avec notamment la Coupe Arabe où l’on arrive en finale et la Coupe d’Afrique en jouant la majorité des matchs avant d’être testé positif au Covid. On s’est aussi qualifié pour la Coupe du Monde. C’était dans un coin de ma tête, un rêve d’enfant, et c’est passé par de bons résultats en Russie et la confiance du Rubin Kazan.
Comment s’adapter aux déplacements en Russie, quel facteur cela a sur vos performances ?
C’était une donnée à prendre en compte, notamment pour les voyages entre la sélection et le club. Pour ce qui est du championnat en lui-même, tous les clubs sont à l’ouest. On ne faisait jamais plus d’une heure et demie / deux heures de vol pour les matchs. Donc c’était comme la Turquie, ce n’était pas un problème.
Au milieu de ton aventure se déclare la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Ça a changé quoi dans ton quotidien ?
Au début, on ne le ressentait pas réellement. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a permis une porte de sortie pour les étrangers. On pouvait rompre nos contrats. La plupart des joueurs du Rubin ont suspendu leur contrat, on est resté sans étrangers, qui constituent 90% de l’effectif. Moi, je n’ai pas voulu quitter le bateau lorsqu’il coulait, puisque le club a tenu ses promesses et cru en moi. Je ne voulais pas les trahir et je ne me sentais pas en danger dans le pays. Bien sûr, je suis contre toutes les formes de guerre et de violence, mais je sentais que le club et les dirigeants n’avaient rien à voir dans tout ça et subissaient également la chose, avec notamment le départ des étrangers. C’était au moins huit ou neuf joueurs titulaires, donc on était réellement en difficulté, on commençait à enchaîner les défaites. On jouait avec les jeunes du club, qui n’avaient pas d’expérience et encore moins celle de jouer le maintien. On est passé des premiers rôles à une bataille pour le maintien. J’ai eu une promesse des dirigeants. Ils m’ont assuré que s’ils sentaient un danger dans le pays, ils m’enverraient en sécurité chez moi. Je les ai sentis sincères. En voyant ma bonne foi et que j’étais un des seuls étrangers à rester, ils voulaient m’aider pour mon futur choix l’été suivant pour continuer ma carrière. Cela m’a convaincu de rester. Je ne me sentais pas de les lâcher.
À titre personnel, tu n’as jamais eu peur pour ta vie ?
Non. Jamais.
Cet été, Lorient est venu te chercher, notamment pour que tu apportes ton expérience en matière de maintien. Finalement, tu joues la Champions League ?
(Sourire). Je savais qu’à 24 ans, cela serait un choix déterminant pour la suite de ma carrière. Je sentais que c’était le moment de rejoindre un championnat majeur. J’ai eu plusieurs offres, que ce soit en Russie dans de gros clubs, dans des pays exotiques ou en Turquie, mais je ne me voyais pas là-bas, malgré les offres alléchantes. Mon objectif était de continuer à progresser et d’atteindre mes objectifs. Lorient a été l’un des premiers clubs à se pencher sur moi. Tout s’est fait rapidement. J’ai d’abord discuté avec Aziz Mady-Mogne (coordinateur sportif, ndlr). Le club avait un nouveau projet, très ambitieux, qui rejoignait mes propres ambitions. On voulait continuer à grandir, avec une certaine philosophie de jeu. J’ai eu une très longue discussion avec Régis Le Bris. Ces deux discussions m’ont convaincu. Je sentais cette envie du club de m’accueillir et de me faire progresser. Malgré d’autres offres, c’est pour cette raison que j’ai choisi Lorient, avec mon feeling et mon ressenti.
Tout le monde parle de la méthode Le Bris en ce moment. Alors, c’est quoi le secret ?
Le secret, je ne peux pas le dire, sinon on va nous copier (rires). Ce qui m’a réellement impressionné, ce sont les échanges avec les joueurs. Il discute beaucoup, que ce soit dans les analyses vidéo ou après les matchs. Il nous laisse une grande part dans l’analyse, il nous laisse discuter entre nous et être maîtres de l’analyse. Il veut que l’on trouve les problèmes pour les résoudre. On le fait de mieux en mieux. Je ne l’avais jamais vécuu avant. Il veut concerner tout le monde sur la préparation des matchs et l’observation des problèmes rencontrés pour savoir comment s’y adapter.
Plusieurs joueurs de Lorient se disent épatés par les séances. Tu confirmes ?
Bien sûr ! Il y a beaucoup de ballon et de mobilité. Lorsque tu es joueur de football, pouvoir faire chaque séance avec de la possession, du ballon et du jeu, c’est toujours positif. Après, évidemment, ce n’est pas jouer pour jouer. Les séances sont guidées, avec des thématiques claires pour progresser et pour se préparer à l’adversaire. Même à l’entraînement, entre chaque exercice, il y a toujours des échanges pour savoir comment remédier aux problèmes que l’on rencontre. C’est quelque chose de positif, avec beaucoup de plaisir.
À titre personnel, tu penses pouvoir t’améliorer dans quels compartiments ?
En tant que joueur de football, on peut apprendre tous les jours. Il y a plusieurs compartiments que l’on cible avec le staff. On en discute, moi le premier, je suis content qu’on me dise ce que je dois améliorer. On en discute à la vidéo. Par exemple, lorsque l’on fait quelque chose de mauvais en match, nous devons nous-mêmes en parler lors des séances vidéo pour ouvrir les yeux et s’améliorer. Après, je ne vais pas forcément le dire en interview, sinon les attaquants vont appuyer là-dessus (sourire). Il y a des points à améliorer, je sais que j’ai une grande marge de progression. Lorient en est conscient aussi et ils savaient qu’ils pourraient m’améliorer en tant que footballeur et individu. Je suis content parce qu’au fil des semaines, je monte en puissance.
Qui sont tes exemples en tant que défenseur ?
J’ai toujours aimé Maldini et Nesta. La charnière de l’AC Milan.
Comment faire pour maintenir ce niveau de jeu élevé lors de la deuxième partie de saison ?
Il faut être concernés et sérieux. Cela passe par beaucoup d’humilité. Malgré ce que l’on a réalisé jusqu’en novembre, on n’est pas dans l’enflammade, on sait que l’on a beaucoup de choses à améliorer. Il faut maintenir ce sérieux à l’entraînement. Je pense que c’est la clé pour continuer sur cette dynamique.
Entre les deux, tu auras cette Coupe du Monde à disputer. Tu y penses déjà ?
C’est toujours dans un coin de ma tête, mais la performance en sélection passe par des performances en club. Je dois continuer sur cette dynamique et progresser. Après, je serai prêt pour la sélection. J’ai un travail spécifique, notamment sur la préparation invisible, mais il se fait surtout en club. Ici, c’est assez poussé dans le développement du joueur. Le club veut faire progresser ses joueurs. Avoir cette exigence envers moi-même me permet d’être dans les meilleures conditions pour cette Coupe du Monde.
Quelles seront les ambitions de la Tunisie lors de ce Mondial ?
On sait que l’on n’est pas l’un des pays les plus attendus. Déjà, se qualifier pour une Coupe du Monde en tant que pays africain, c’est très difficile. On a plus d’une dizaine de nations qui mériteraient d’y participer. C’est une grande fierté d’y participer. On veut passer ce premier tour. On sait qu’on a une poule difficile, avec le Danemark, l’Australie et la France. On a un groupe ambitieux, on croit en nous, et avec la ferveur derrière nous, on espère choper ce second tour qui serait historique pour la Tunisie.
Trop de fois, les Aigles sont sortis du tournoi avec de la frustration, comme si vous ne vous étiez pas lâchés. Comment éviter cela ?
On l’a vu auparavant, on sentait que l’on pouvait sortir du groupe, mais qu’on terminait avec de la frustration. Il faut se décomplexer, mais il faut surtout apprendre des dernières éditions où l’on a vu que cela passait à pas grand-chose. Notre staff pourrait nous aider. Des joueurs d’expérience nous ont rejoints, qui ont joué ces différentes compétitions, il faudra se servir de leur vécu pour progresser.
Tu vas croiser la route de la France, est-ce un match spécial pour toi ?
Si je disais que ce ne sera pas un match spécial, je mentirais. J’ai la double nationalité, j’ai grandi en France, je suis né en France. Plusieurs joueurs sont dans le même cas. Ce sera sûrement un match spécial, mais ce sera surtout un beau match contre l’une des meilleures, voire la meilleure sélection au monde. Cela se jouera dans un stade plein, on sait que l’on a une grosse diaspora tunisienne au Qatar. On sait que nos trois matchs se disputeront à guichets fermés. Il y aura une grande ferveur, mais d’abord, il y a deux matchs importants. On verra ensuite la physionomie du groupe. Le plus important, c’est l’entrée en lice face au Danemark.
Est-ce que tu te dis que tu aurais pu être de l’autre côté ?
D’un côté, je suis réaliste. La fin de mon apprentissage s’est faite en Tunisie. J’avais intégré les sélections de jeunes, je n’ai jamais réellement eu de contacts avec la fédération française. Il y a une forme de continuité d’avoir été convoqué en sélection tunisienne. Je n’ai pas eu vraiment de doutes. C’est une fierté pour moi de les représenter. J’ai pu voir la ferveur en passant par les sélections de jeunes.
Quel regard portes-tu sur l’équipe de France ?
On sait qu’ils sont bons partout Ils ont un vivier de joueurs incroyable. Aussi bien les titulaires que les remplaçants, ils ont des joueurs de qualité à tous les postes, du gardien à l’attaquant. C’est une équipe qui peut se projeter assez vite, avec de très bonnes transitions. Ça va être un match compliqué. Je pense que notre staff technique est déjà en train d’analyser les trois matchs de la Coupe du Monde.
Parlons de toi, qui est vraiment Montassar ?
Quelqu’un d’assez simple. Je suis très famille, j’aime l’avoir autour de moi, ainsi que mes amis. Cela a été dur pour moi parce que ces dernières années j’étais assez loin. De pouvoir retourner en France, cela me permet de m’épanouir un peu plus dans ce que je fais. Je suis ambitieux, j’ai envie de progresser et de m’améliorer en prenant du plaisir.
Quels sont tes qualités et tes défauts hors du terrain ?
Je vais commencer par les défauts. Je peux être têtu et mauvais perdant. Maintenant, je ne sais pas si je peux mettre ça dans mes défauts. Cela veut aussi dire que je suis compétiteur et cela a du bon. Sinon, ce n’est jamais bon de parler de ses qualités. Je préfère que les gens autour de moi me disent quels sont mes qualités et surtout mes défauts.
Qu’aimerais-tu qu’on dise de toi à la fin de ta carrière ?
J’aimerais être un exemple pour la jeunesse. Pour des jeunes joueurs qui souhaitent devenir footballeurs et pas seulement pour ce qui se passe sur le terrain. Un exemple aussi par rapport à mes valeurs et ma façon d’être.
Si tu pouvais bénéficier d’un super pouvoir, lequel tu choisirais ?
Pouvoir remonter le temps. Je ne sais pas si je changerais des choses. Je me mettrais au deuxième poteau lorsqu’il fallait pour mettre un but (rires).
Si tu étais journaliste, quelle question poserais-tu à Montassar ?
Pas facile celle-là. Joker.
Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente ?
Je dirais : la clé de la réussite passe par le travail et l’humilité.
Sur dix, combien tu te noterais ?
Un bon petit 9/10. C’était pas mal, c’était fluide, on a bien parlé.
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